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Le nuage radioactif peut-il atteindre la France?

[L'EXPLICATION] En cas de catastrophe nucléaire à Fukushima, des particules radioactives parcourraient la planète, mais la dispersion atmosphérique rendrait leur concentration beaucoup trop faible pour avoir des conséquences sur la santé ou l'environnement en France.

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Meteo France a publié en collaboration avec l'IRSN une carte montrant l'évolution attendue du panache radioactif issu de la centrale de Fukushima dans l'atmosphère de la Terre. Selon les calculs des deux organismes, le panache devrait survoler la France à partir du 22 ou du 24 mars.

L'IRSN estime que les concentrations radioactives pourraient être de l’ordre de 0,001 Bq/m3  en France métropolitaine. A titre de comparaison, les valeurs mesurées au cours des jours suivant l’accident de Tchernobyl dans les régions Alsace et Lorraine étaient de l’ordre de 1 à 10 Bq/m3. Nous republions un article du 17 mars sur le parcours des fuites radioactives de la centrale de Fukushima.

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Alors que les inquiétudes persistent quant à la capacité du Japon à éviter une catastrophe nucléaire, les habitants du monde entier se demandent s’ils pourraient être affectés par un éventuel nuage radioactif. Quels sont les risques pour les zones traversées par les particules radioactives libérées par les centrales endommagées du Japon? La France peut-elle être touchée, comme elle l’avait été après l’explosion de la centrale de Tchernobyl en 1986?

Le porte-parole du gouvernement japonais Yukio Edano a affirmé mardi 15 mars que le niveau des radiations autour de la centrale nucléaire de Fukushima était assez élevé pour affecter la santé humaine. Mardi matin, un niveau de radiation de 400 millisieverts (mSv) par heure a en effet été détecté autour du réacteur n°3 de la centrale pendant quelques minutes avant de retomber à un niveau plus bas.

Pour comparaison, la somme des doses reçues par la population du fait des activités nucléaires ne doit pas dépasser 1 mSv par an en France, et il suffirait de 3 minutes d'exposition à ce niveau de 400 mSv par heure pour atteindre la limite annuelle autorisée pour les personnels exposés (20 mSv sur 12 mois, d'après le code du travail). Autre point de comparaison: un scanner du bassin expose à une dose proche de 10 mSv.

Les hommes qui tentent d’empêcher la catastrophe nucléaire à Fukushima sont donc exposés à des doses potentiellement dangereuses, à tel point que le gouvernement japonais a été obligé de relever la dose de radiation maximale des travailleurs exposés de 100 à 250 mSv par an. Mais le risque reste pour l’instant très localisé autour de la centrale.

Dispersion atmosphérique

La concentration en particules radioactives, et notamment l’iode 131 et le césium 137, les plus dangereux pour l’homme, diminue en effet significativement avec la distance. La dispersion atmosphérique fait que plus on s’éloigne de l’endroit de la fuite, plus la concentration en radionucléides, et donc la nocivité, baisse. Une baisse rapide dans les premières dizaines de kilomètres à partir du site d’origine, puis plus lente.

Les vents circulant à haute altitude font le tour du monde en onze jours, et pourront donc transporter des particules radioactives jusqu’en France, comme l’a souligné la ministre de l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet mercredi 16 mars:

«Si on va au bout du scénario catastrophe, il peut y avoir des retombées dans une large partie de l'hémisphère nord, y compris, dans de petites proportions, en France métropolitaine.»

14.000 km à parcourir

Mais cela ne veut pas dire qu’il y a un risque de contamination. Etant donnée la distance que le vent doit parcourir entre le Japon et la France, l’éventuelle concentration radioactive dans l’air venu de Fukushima serait très faible à son arrivée en France, et il n’est pas sûr que l’on puisse la mesurer, même avec le réseau de 163 balises d’alerte dont dispose l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) pour surveiller la radioactivité du territoire (et dont les données sont disponibles en temps réel ici).

Le Japon se situe en effet à presque 10.000 km de la France à vol d’oiseau en traversant l’Asie. Les vents dans l’hémisphère nord circulent généralement d’ouest en est. Si des particules doivent arriver jusqu’en France, elles emprunteront donc l’autre chemin, en passant d’abord au-dessus de l’océan Pacifique puis des Etats-Unis et enfin de l’océan Atlantique. En additionnant la distance entre Tokyo et San Francisco (5.133 km) et celle entre San Francisco et Paris (8.956 km), on arrive à un ordre de grandeur de 14.000 km à parcourir pour un éventuel nuage radioactif.

Pour comparaison, la distance entre Paris et Tchernobyl est d’environ 2.000 km, et les retombées de particules n’avaient à l’époque affecté que la partie est de la France pas affecté toute la France (le vent avait transporté les particules radioactives d’est en ouest). L’OMS a d’ailleurs publié un communiqué pour contredire les rumeurs d’une propagation de la radioactivité à d’autres pays, notamment asiatiques.

Autre facteur à prendre en compte: les circulations atmosphériques de l’hémisphère nord et de l’hémisphère sud ne sont pas connectées, et les échanges entre les deux sont très faibles. La Nouvelle-Calédonie et Tahiti, qui sont les territoires français les plus proches du Japon et se situent dans l’hémisphère sud, ne recevraient ainsi que des niveaux négligeables de radioactivité en cas de catastrophe. Le premier territoire français survolé par les particules en cas de catastrophe pourrait en fait être St-Pierre-et-Miquelon, qui se situe tout de même à plus de 10.000 km  du Japon.

Pas de risque à Tokyo, sauf si...

En fait, même à Tokyo, le risque de retombées radioactives est faible avec les niveaux de radiation actuels autour de la centrale de Fukushima, comme l’explique à l’AFP Olivier Isnard, expert de l’IRSN:

«La distance [...] étant d'un peu plus de 250 km, cela laisse à l'atmosphère le temps de disperser, de diluer ces radioéléments dans des volumes très importants d'air frais, ce qui fait que localement, lorsque ça arrive au sol, on a des mesures très faibles.»

Si les autorités françaises ont conseillé aux Français qui ne sont pas astreints à Tokyo de rentrer en France ou de se rendre dans le sud du pays, c’est d’abord par mesure de prévention.

Actuellement, le niveau de radiation à Tokyo est 10 fois supérieur au niveau habituel, mais reste inoffensif pour la santé humaine et pour l’environnement. En revanche, si les réacteurs continuent de se dégrader et que les enceintes de confinement ne résistent pas, on entrerait dans une situation comparable à celle de Tchernobyl. Le panache hautement radioactif alors libéré pourrait voyager sur plusieurs centaines de kilomètres et donc atteindre Tokyo.

Sur la côte ouest des Etats-Unis, qui se situe pourtant beaucoup plus près du Japon que la France (environ 5.000 km), les autorités estiment que le risque d’irradiation est quasi-nul. Kathryn Higley, directrice du département d’ingénierie nucléaire de l’université de l’Oregon, estime ainsi que même si les cœurs de tous les réacteurs endommagés au Japon entraient en fusion, la contamination ne se propagerait pas au-delà de plusieurs centaines de kilomètres, et que la Californie serait hors de danger.

Grégoire Fleurot

L’explication remercie Jean-Christophe Gariel, adjoint au directeur de l’environnement de l’IRSN.

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