France

A la recherche des cadeaux de l’Elysée

Quels sont les présents diplomatiques reçus et offerts par l'Etat français? L'Elysée, Matignon et le Quai d'Orsay restent bien silencieux.

Temps de lecture: 3 minutes

Des nouvelles du front des cadeaux diplomatiques! Slate publiait le 25 janvier dernier au soir un article qui s’interrogeait sur les présents diplomatiques offerts et reçus par Nicolas Sarkozy et le gouvernement dans leurs fonctions officielles.

Une semaine plus tard, malgré des coups de téléphones répétés, on n'en sait toujours pas plus sur la liste qui répertorie ces cadeaux.

Pourquoi tient-on tant à ces listes?

Les questions posées à l’Elysée et au cabinet du Premier ministre portent sur trois thèmes:

  • 1) Les cadeaux reçus: quels sont-ils, où sont-ils, par qui ont-ils été offerts et à qui appartiennent-ils?
  • 2) Les cadeaux offerts: quels sont-ils, à qui ont-ils été offerts, combien ont-ils coûté?
  • 3) Pourquoi une telle différence de chiffres des dépenses de l’Elysée en présents diplomatiques existe-t-elle entre ceux donnés par le Premier ministre et ceux fournis par la Cour des comptes (96.848,49 euros contre 385.000 euros pour l'année 2009)?

Ces cadeaux ne sont pas personnels mais diplomatiques. Ils sont offerts et reçus au nom de la France. Il n’y a aucune raison pour tenir leur nature ou leur nombre cachés, alors pourquoi ce manque de transparence?

Aux Etats-Unis, les employés fédéraux doivent déclarer tous les cadeaux étrangers d’un montant de plus de 335 dollars (247 euros), considérés dès lors comme étant offerts au gouvernement américain et devenant la propriété du peuple. Cette loi a été mise en place pour éviter les tentations de corruption.

En quoi nos élus seraient-ils moins tentés que ceux d’autres pays? Alors que les questions de conflit d’intérêt sont au cœur de l’actualité, l’opacité autour des cadeaux diplomatiques –qui pourrait paraître à première vue un point futile– mérite toute notre attention.

A l’Elysée, on explique ce silence par la complexité des questions qui requièrent des réponses du Directeur financier et du responsable de la cellule des cadeaux diplomatiques au Protocole. Le service de presse assure pouvoir apporter des réponses à mes questions lundi 7 février (soit deux semaines après ma première demande).

Au cabinet du Premier ministre, si l’existence d’un tel répertoire est bien confirmée, l’attachée de presse n’est pas sûre qu’il sera transmis, même si elle attend toujours une réponse officielle.

Renvoi de balle professionnel

Quant au reste du gouvernement, le cabinet du Premier ministre explique qu’il n’y a pas de liste centralisée et qu’il faudrait donc s’adresser à chaque ministère pour obtenir la leur. Sauf que le Quai d’Orsay —qui avait répondu à temps à nos questions pour ce premier article— avait dit que:

  • 1) la liste de la ministre actuelle était en cours de constitution et donc non communicable en l’état.
  • 2) l’équipe en place ne pouvait parler des ministres précédents.

Comment, donc, obtenir la liste des cadeaux offerts et reçus par Bernard Kouchner? «Voyez avec le Quai d’Orsay», répond le cabinet du Premier ministre.

Retour, donc, vers le Quai d’Orsay, qui répète: «On ne répond, quand on peut répondre, que sur le ministre en fonction». D’ailleurs, le bureau du protocole a bien dit à l'attachée de presse n’avoir «strictement rien du tout sur le cabinet précédent». La seule solution restant de chercher à joindre directement le secrétariat de Bernard Kouchner. 

Plus d’informations du côté américain          

En attendant des réponses françaises, je me suis tournée vers le département d’Etat qui s’est montré beaucoup plus efficace et rapide.

Comme tout n’est pas parfait dans la relation entre politiques et médias aux Etats-Unis non plus, notons qu’un message avait été laissé auprès du service de presse du département d’Etat la semaine dernière, sans que personne n’ait rappelé.

Mais après une relance, le service de presse rappelle dans la journée, et avec des réponses: les estimations données pour les cadeaux offerts par des étrangers au couple Obama ou à Hillary Clinton (et qui nous semblent pour la France parfois beaucoup trop hautes, d’autrefois bien trop basses) sont faites par un expert, qui vient environ deux fois par an, quand la quantité de cadeaux récoltés a atteint une masse critique.

Quand Hillary Clinton voyage, elle a dans son entourage un «gift officer», en charge de recueillir les cadeaux offerts à sa patronne. Le gift officer appartient au bureau du protocole, ou travaille de près avec ce bureau pour répertorier correctement tous ces présents.

Dès qu’il s’agit d’offrir des cadeaux diplomatiques, les employés du département d’Etat foncent vers le placard aux cadeaux à la recherche de ce qui conviendrait à tel ou tel représentant qu’Hillary Clinton rencontrera lors de son voyage.

L’attachée de presse du département d’Etat explique que la liste des cadeaux offerts par les employés gouvernementaux aux représentants étrangers n’étant pas officiellement publiée, le ministère ne pouvait me la transmettre. Avant de me préciser que je pouvais en faire la requête via le Freedom of Information Act (FOIA), une loi américaine qui oblige les agences fédérales à transmettre certains documents jusque-là jamais rendus publics, au nom de la liberté de l’information.

Là non plus, le système n’est pas parfait: il peut se passer des semaines, des mois, voire même dans certains cas des années, avant que les agences fédérales répondent à ces requêtes FOIA. Qui répondra le plus vite entre le département d’Etat américain, l’Elysée et le Premier ministre? Vos paris dans les commentaires…

Cécile Dehesdin

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