Économie

Succès du G20? Attendez septembre!

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Je ne suis pas en désaccord avec l'analyse de Jean-Marie Colombani sur le G20 de Londres. Qu'on soit passé du G7 au G20 est une évolution remarquable dans un monde moins unipolaire. La crise est mondiale, il fallait une réponse mondiale. Que ces vingt «puissances», qui représentent les deux tiers de la population du globe et 90% de sa richesse, parviennent à se mettre d'accord sur quelques principes du monde post-crise est à mettre au crédit de ces dirigeants et de leurs sherpas. Cela tranche, en effet, avec l'échec de 1933 à Londres lors de la grande crise.

Un échec du même genre en 2009 eut provoqué une catastrophe, brisant le début de remise en état qu'on constate sur les marchés financiers et le début de reprise que laisse prévoirun certain nombre d'indicateurs. L'économie mondiale semble «toucher le fond» ce trimestre, une divergence des Grands l'eut fait replonger vers l'abîme. D'où l'excès d'auto satisfecit des membres du G20, il fallait «faire revenir la confiance» en multipliant les déclarations d'unité et en soufflant très fort dans les trompettes du «changement de monde». Tout cela est très exagéré mais bon, les chefs encouragent les troupes, ils font leur travail.

On peut énumérer les points positifs et négatifs.

1 - Le FMI réhabilité.

Cette institution qui avait perdu son utilité il y a deux ans la retrouve avec les pays qui s'asphyxient ; ses fonds sont doublés, bravo. On ne pourra quand même pas s'empêcher de souligner qu'une part des fonds augmentés du FMI (Fonds monétaire international), est destinée à l'Europe de l'est, l'Union européenne étant incapable de leur fournir. Ce qui prouve que l'Europe fait vraiment la démonstration de son inexistence lors de cette crise. Jean-Marie Colombani et moi sommes hélas d'accord sur ce point.

2 - Les garanties données aux assurances crédit.

Point technique mais très important pour soutenir le commerce mondial qui s'effondre de façon alarmante en partie à cause du «credit crunch» et de l'assèchement des circuits de «crédit export».

3 - Les deux listes des paradis fiscaux, la noire et la grise.

Ah! la grande affaire de Merkel et Sarkozy! Ah! l'axe franco-allemand ressoudé, d'un coup, après deux ans de grimaces, contre les pirates des mers lointaines et les duchés avoisinants! Ah! la belle guerre morale et fiscale ! Certes, certes, certes... C'est une affaire sérieuse que les paradis fiscaux par où passent les milliards des trafics de drogue et de la corruption. Sérieuse aussi parce qu'ils sont la pointe avancée du dumping fiscal et servent d'argument aux banques pour s'y installer sur le thème «si nous n'y ouvrons pas de comptes, nous perdons nos clients». L'occasion était donnée, les paradis sont mis les uns en enfer et les autres au purgatoire. Enfin, on verra...

4 - La réforme de la régulation financière.

Sur ce point le travail n'est qu'engagé. L'important était d'y associer les Américains, les Britanniques se planquaient derrière eux pour freiner. Hedge-funds (fonds spéculatifs), agences de notations et institutionnalisation du FSF (Forum de stabilité financière, un organisme informel proche des banques centrales) en un Conseil de stabilité financière, les progrès sont réels. Encore qu'il faille attendre les détails.

Mais sur l'essentiel, le cœur de la crise, le G20 n'a pas avancé. Ce cœur ce sont les actifs toxiques des banques, d'une part, et les plans de relance, d'autre part. Il eut fallu à Londres un accord simple mais fort : les Américains aboutissent enfin à faire avancer leurs plans de sauvetage des banques (plan Paulson, plan Geithner), les Européens mettent en œuvre des plans de relance économique plus puissants. Meilleure finance là-bas, meilleure économie ici: voilà quel était le bon deal. Or, rien de tout ça. Le fond de la crise, l'effondrement des PIB, les montagnes de pertes encore non révélées par les banques, les 20 n'en n'ont pas parlé.

Si l'on croit, comme moi, que le consommateur américain n'est plus le moteur sur lequel on doit compter, il faut que les pays en excédent commercial, ceux qui ont des marges de manœuvre, relancent. Cela vise trois pays, les numéro 2, 3 et 4 mondiaux: Japon, Chine, Allemagne. Chine et Japon l'ont fait, reste l'Allemagne, centre de l'Europe.

Faute de cela, faute d'une  demande mondiale suffisante, la reprise restera molle, les économies resteront sous leur «potentiel» et donc, le chômage continuera de croître. On le verra en septembre, rendez-vous est pris.

Si l'analyse d'un keynésianisme mondial (faite par l'équipe Obama et par le FMI) est fausse, les clignotants seront revenus au vert. Alors, ce G20 aura suffi. Si, hélas comme je le crois, elle est juste, alors les économies auront cessé de tomber. Certes, mais elles resteront à terre sans remonter. Il faudra alors que les Vingt se remettent au travail sur le cœur de la crise et quatre mois de plus auront été perdus.

Eric Le Boucher

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