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A la table de la Reine, de Sissi ou au soleil du Portugal

Une sélection de destinations gourmandes et chics en Europe.

Temps de lecture: 6 minutes

Le Trianon Palace à Versailles, un siècle de glamour

Bâti en 1909 sur un vaste terrain boisé ayant appartenu à des moines, en lisière du parc du château, par l’architecte René  Sergent, créateur du Claridge à Londres, du Grand Hôtel à Rome, le Trianon fut le rêve de pierres d’un homme d’affaires français, Gabriel Weill Martignan, qui avait bien décelé l’atout majeur de l’hôtel à venir: sa situation à l’ombre du Roi Soleil.

L’adresse elle-même est une invitation à l’Histoire: 1 boulevard de la Reine.

Dès son inauguration en 1910, le Trianon de style néo-classique a attiré  la fine fleur de la Cafe Society, Marcel Proust, Sarah Bernhardt, René  Lacoste le tennisman, et plus près de nous, Jean Cocteau, Marcel Achard, Sacha Guitry, René Clair et Mickael Jackson. Le duc et la duchesse de Windsor y ont passé leur lune de miel, hymen à la versaillaise.

C’est dans un des salons du rez-de-chaussée que Georges Clemenceau a rédigé en mai 1919 les conditions du traité de Versailles signé dans la Galerie des Glaces du Château. En neuf décennies, le palace aux soixante-cinq mètres de long, six étages et 320 fenêtres a subi les morsures du temps, si bien qu’en 1990, il a été entièrement rénové et en 2008, un SPA Guerlain, quinze cabines et une piscine couverte ont été ajoutés à l’ensemble de 199 chambres et suites de grand confort. Ainsi, ce qui fut le TPH a été admis dans le cénacle des plus beaux cinq étoiles d’Europe. En 2009, il a reçu aux European Awards le titre de «Best Interior Design».

Majestueux et intime à la fois, l’hôtel versaillais cher à Joseph Kessel n’a jamais été mieux conçu, plus agréable à vivre –la campagne romantique, royale à vingt minutes de Paris. Complet tous les week-end.

Hélas, le grand cuisinier Gérard Vié, le Carême de Versailles, n’est plus présent aux fourneaux. Il a pris sa retraite. Depuis 1999, le Trianon est la propriété du Groupe Hilton qui l’a inclus dans sa collection «Waldorf Astoria».

Côté  cuisines, les nouveaux investisseurs ont fait appel pour les deux restaurants à l’Anglais, trois étoiles à Londres, Gordon Ramsay, élève de Guy Savoy, pour diriger les deux restaurants, le room service et les banquets. Au bout de deux ans de présence intermittente, le Britannique au caractère bien trempé a abandonné le piano, passant le relais à Simone Zanoni, son bras droit au Claridge, étoilé de Londres. Heureux passage de témoin, le vif-argent Zanoni a conservé les deux étoiles; on peut se demander pourquoi le restaurant chic s’appelle toujours «Gordon Ramsay», une tromperie nuisible au Trianon.

À la Véranda, des plats de brasserie de luxe bien tournés: le risotto au turbot, la salade de burrata marinée à la truffe noire, le bar parfumé au pistou et la côte de bœuf Black Angus et la béarnaise pour deux. Sablé croquant au chocolat caramel.

Au restaurant étoilé, le gourmet viendra goûter le soir les créations de Zanoni, les tortellini de homard breton, les ravioli de langoustines à la vapeur de Riesling et son carpaccio, le tartare de bar et tourteau écossais ou le pigeon de Bresse au porto, amandes et noisettes: du travail soigné, des goûts et des textures. En piste pour la troisième étoile si l’Italien cisèle mieux ses garnitures.

Desserts du maestro Eddie Benghanem en provenance du Ritz, l’ananas à la piña colada. Côté vins, le sommelier Laurent Beaudoin a fait des sélections épatantes, recherchant les bons vignerons et les millésimes réussis, le Chorey-lès-Beaune 2008 de Tollot-Beaut à 14 euros le verre, le superbe Riesling de Zind Humbrecht à 16 euros et le Jurançon Quintessence 2006 d’une fraîcheur divine à 16 euros.

À noter que les deux restaurants s’ouvrent sur le parc et sur les moutons bien nourris de Marie-Antoinette. Oui, une échappée belle dans un cadre historique fort bien préservé.

  • Le Trianon Palace. 1 boulevard de la Reine 78000 Versailles. Tél. : 01 30 84 50 00. Menu à la Véranda à 44 et 52 euros plus suppléments. Au Gordon Ramsay, carte de 140 à 190 euros, le soir seulement. Chambres à partir de 309 euros pour les fêtes. 

 

Le Beau Rivage à Genève, l’art de vivre au bord du lac

Face au puissant jet d’eau, totem de Genève, le Beau Rivage qui s’élève sur le légendaire quai du Mont-Blanc reste l’un des plus anciens hôtels de Suisse, inauguré en 1865 –il s’appelait alors l’Hôtel Beau Rivage et d’Angleterre car il accueillait la gentry britannique qui venait prendre les eaux dans la cité de Calvin avant de descendre vers la Riviera. La famille Mayer en est toujours propriétaire, parents et enfants ont habité l’hôtel jusqu’aux années 60. Jacques Mayer, sexagénaire actif, préside aux destinées du palace et la cinquième génération s’apprête à prendre les rênes.

C’est un cas unique dans l’histoire de l’hôtellerie suisse, à l’heure où la quasi-totalité des hôtels de prestige sont la propriété de groupes internationaux: les Bergues au Four Seasons, le Rhône au Mandarin, l’ex-Hilton au Kempinski… Le Beau Rivage, en dépit de son architecture extérieure imposante, est demeuré une sorte de maison privée au cachet particulier, témoin cet atrium à l’italienne sur lequel on débouche par un escalier à l’entrée de l’hôtel. Un autre monde.

De par ses dimensions humaines et l’heureuse disposition des salons, du bar, de la terrasse sur les eaux, des deux restaurants, l’un thaï (le Patara), l’autre français (le Chat Botté), le Beau Rivage a su préserver une intimité, une chaleur, une sorte d’art de vivre, à l’opposé des caravansérails de marbre, vrai ou faux, qui reçoivent les clients noyés dans des groupes.

Au Beau Rivage, le personnel, dès votre arrivée dans le lobby, vous a identifié et ne vous considère pas comme un numéro de chambre, mais comme un hôte de qualité. D’où l’incroyable fidélité de la clientèle qui a ses habitudes et ses exigences –les chambres et suites sur le lac en priorité.

Sissi a vécu dans la suite rouge, et c’est en sortant de l’hôtel qu’elle a été assassinée le 10 septembre 1898 par un extrémiste –des souvenirs d’elle, des rubans, des gants, un chemisier tâché de sang, le jour du meurtre, sont exposés dans une vitrine à l’étage. Statues de bronze, vitraux Art Déco, mobiliers et livres chinés par Jacques Mayer, appliques et fresques du XIXème siècle, l’hôtel a été rénové à l’identique et maintenu dans son jus d’origine. À coup sûr, un joyau de l’hôtellerie en Europe: la douceur et la paix suisses. Le Beau Rivage reçoit un nombre impressionnant de chefs d’État et de princes qui nous gouvernent dont les concierges connaissent les manies.

Un repas à la française au Chat Botté s’impose. Le chef Gauthier, étoilé au Michelin, sacré Meilleur Chef de Suisse en 2009 par le Gault et Millau, mitonne des plats de haute noblesse: bonbons de foie gras aux truffes, une merveille, ravioles de faisan, lièvre à la royale, grenouilles en tempura –et un menu «tout truffes» en saison. Sans oublier les poissons des lacs, l’omble chevalier à la chair si fine, hélas très rare.

À signaler, une cave d’exception, riche de grands crus français, Haut-Brion, Latour, Mouton Rothschild de millésimes historiques (1900, 1945, 1970), lesquels voisinent avec des vins suisses dont le chasselas et des rouges de merlot et cabernet recommandés par Jean-Christophe Ollivier, un nez et des papilles trieuses. Sur la terrasse chauffée et fermée, on peut fumer et siroter une eau-de-vie –et déjeuner au soleil, l’été.

  • Le Beau Rivage. 13 quai du Mont-Blanc. 1201 Genève (Suisse). Tél.: 00 41 22 716 66 66. Restaurant thaï le Patara, de 65 à 90 euros, en face du Chat Botté, déjeuner à 50 euros. Carte de 90 à 150 euros. Chambres à partir de 295 euros. 

 

The Oitavos au Portugal, un palace de verre et de lumière

Vous êtes à vingt minutes à l’ouest de Lisbonne, sur les dunes de sable du parc national Sintra-Cascais où s’élève le palace le plus moderne du pays, The Oitavos, ouvert au début septembre 2010 avec un succès certain – il est situé tout près d’Estoril, la station chic du Portugal.

Il faut dire que le bâtiment de verre et d’acier, gigantesque par ses dimensions de paquebot amarré à quelques centaines de mètres de l’Atlantique, a de quoi étonner, sidérer n’importe quel voyageur habitué au dépaysement.

L’énorme cinq étoiles débordant d’espace et de lumière était le rêve de Carlos Montez Champalimaud, patriarche d’une famille portugaise –d’origine française– qui l’a construit et le gère avec professionnalisme et un vrai attachement à ce site marin.

En 1923, Carlos Champalimaud acquiert deux cents hectares de dunes et de pins en lisière de l’océan dans le but de préserver le littoral des vautours de l’immobilier. L’homme d’affaires portugais, un génial visionnaire, agit alors en farouche écologiste, défenseur d’un milieu naturel, unique sur le parc national.

Près de quatre-vingt ans plus tard, le petit-fils, Miguel Champalimaud, bâtisseur dans l’âme, soutenu par ses frères et sœurs, préside aux destinées de l’Oitavos, une structure hôtelière au design très contemporain de 162 chambres et suites ouvertes par de larges baies vitrées donnant sur le sable et la mer, une folie de 40 millions d’euros. Décoration uniforme aux lignes pures, des couleurs gris et bleu pour les chambres, balcons avec canapés et bon confort des salles de bains. L’hôtel conjugue la clientèle de vacances et celle des congrès et séminaires.

Tout est vaste et démesuré dans ce cinq étoiles troué au rez-de-chaussée par une immense nef de cathédrale métallique où sont répartis le bar, l’immense salon et les deux restaurants dirigés par un chef français, Aimé Barroyer, 70 ans d’expérience acquises au Ritz, à Los Angeles, à New York, chez Paul Bocuse à Lyon –la morue «bacalhau» sous toutes ses formes au menu et la viande charnue de taureau.

Les atouts spécifiques de l’Oitavos sont l’espace, le SPA (dix cabines), une piscine chaude en sous-sol et le golf de dix-huit trous, l’un des plus côtés du Portugal avec la vue sur l’océan, 300 jours de soleil par an. À quoi s’ajoutent un centre équestre, un club de sports, des tennis, des salles de fitness et 170 employés dans cette unité hôtelière, façon aéroport international, qui laisse pantois par cette débauche d’espace hélas dépourvu de charme. Par bonheur, le climat est au beau fixe, bienfaisant pour le corps et l’esprit.

  • The Oitavos. Quinta da Marinha. 2750-374 Cascais Portugal. Tél.: 351 21 486 0020.  Chambre à partir de 270 euros selon la saison, week-end de deux nuits pour 475 euros la chambre avec petit déjeuner. Forfait vacances d’hiver à 1 092 euros la chambre, 4 nuits, avec des soins. 

Nicolas de Rabaudy

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