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Soyez votre propre espion

De nouvelles applications vous permettent de devenir plus efficace en suivant et analysant vos moindres faits et gestes.

Temps de lecture: 4 minutes

La plupart de nos bonnes résolutions sont vouées à l'échec. Régime, fil dentaire avant d'aller se coucher, arrêter de jouer à Fruit Ninja. Moi, par exemple, j'ai une mémoire catastrophique. Le pire c'est que je suis marié à une femme qui elle, a la mémoire de Rain Man: demandez à Susan ce qu'elle faisait le même jour, mais il y a un an, ou bien cinq, ou bien quinze, et vous pouvez être sûr qu'elle en aura au moins un souvenir approximatif. Parfois même elle vous dira quel jean elle portait.

Pendant longtemps j'ai essayé de faire des efforts, j'ai acheté des tas de carnets, essayé des tas d'applis. Ensuite j'ai eu mon iPhone, et j'ai commencé à prendre plein de photos; c'était facile. Les photos étaient automatiquement horodatées, et à un moment le téléphone a commencé à mémoriser aussi leurs coordonnées géographiques. Je ne tiens toujours pas de journal intime ou quoi que ce soit de ce genre, mais quand je parcours iPhoto, j'ai d'assez bonnes archives visuelles de ces trois dernières années. J'ai aussi commencé à prendre en photo des ordonnances, des cartes de visite, des additions, et d'autres choses que j'aurai plus tard, je le sais, à moitié oubliées, comme la vue que j'avais de mon bureau dans l'ancien immeuble de Newsweek.

Des aides de plus en plus sophistiquées

Ce que j'essaie de dire c'est que les bonnes résolutions ne sont pas faciles en soi mais que certains outils numériques peuvent nous aider à prendre davantage conscience de nous. Mon iPhone est devenu le journal intime que je n'ai jamais tenu. Et dans le cas des photos, beaucoup de gens sont passés à l'étape supérieure en publiant leurs clichés sur des sites comme Flickr ou Picasa, ce qui transforme à leur tour ces sites en précieuses archives visuelles. Je peux voir à quoi ressemble la ville danoise d'Agger, ou traquer la popularité de mon expression préférée, le «Bershon».

Ces bases de données peuvent également être soumises à des niveaux d'analyse bien plus sophistiqués. L'appli Microsoft Photosynth est capable de prendre des centaines de clichés du Sphinx pour en faire une image 3D. (Lire l'article de Farhad Manjoo à ce sujet). Encore plus impressionnant, Eric Fisher s'est servi des infos de géolocalisation dans Picasa et Flickr pour créer des plans de villes indiquant où les touristes prenaient le plus de photos par rapport aux autochtones. A New York, un des rares endroits où les deux groupes se rejoignent c'est au stade pour des matchs Yankees contre Mets. Etonnamment, les quartiers situés en périphérie de la ville n'ont toujours pas les faveurs des touristes.

Garder la trace de mes activités

Mon iPhone m'a fait réfléchir à d'autres moyens de garder des traces de mes activités. Commençons par le plus simple: il y a quelques années j'ai donné à Google la permission d'enregistrer les pages Web que je consulte et je ne m'en suis plus jamais occupé après. Récemment, j'ai jeté un oeil à mon historique de navigation et j'ai eu l'impression de trouver une souris morte sous les coussins de mon canapé. J'ai pu constater que ma recherche n°1 est, bien sûr, «Michael Agger», suivie de près par «desktop tower defense». Mais ce qui m'a le plus surpris c'est l'homogénéité de mes pics de visite sur Google: 11h et 16h. A 11h je fais des recherches pour le travail, mais à 16h c'est festival avec SenorGif, Buzzfeed, et les vidéos «versus» de YouTube. Ce que je retiens de toutes ces données c'est que quand j'ai du mal à me concentrer en fin d'aprèm, je ferais mieux de sortir faire un tour. (Bien entendu, Google est le collecteur de données ultime, calibrant et recalibrant nos recherches afin d'anticiper tous nos désirs d'information).

Tout aussi simple, mais concernant les finances cette fois. Mes sociétés de carte de crédit me suivent à la trace, pareil pour ma banque. J'ai donc regroupé tous mes comptes sur Mint, et hop, me voilà avec un relevé global de ce que je gagne et dépense chaque mois. Mint décompose également toutes vos dépenses par catégorie, pratique pour établir un budget. (L'argent que je dépense chaque midi pour déjeuner est effrayant. Maintenant j'y crois à cette histoire comme quoi en amenant son repas fait maison on peut économiser 2.000 euros par an).

Avec Mint on peut aussi comparer ses dépenses à celles des autres utilisateurs de votre ville, mais en ce qui me concerne, les miennes étaient trop générales pour être d'une grande utilité. Pas besoin de chercher loin pour entrevoir les possibilités «sociales» et de «partage» du service, néanmoins certains problèmes d'égo peuvent y faire réfléchir à deux fois: «Tiens, si je comparais mon salaire avec celui des autres hommes de mon âge, avec la même éducation et le même genre de boulot». Pas sûr que je veuille savoir ça.

Miroir numérique

Encore un outil de tous les jours qui vous surveille, votre client mail. J'ai déjà parlé ici de la société Cataphora, qui entre autres choses analyse les e-mails échangés entre employés d'une société pour établir des hiérarchies et déterminer la façon dont les gens communiquent réellement au sein d'une même entreprise. Ils ont récemment développé une appli baptisée Digital Mirror qui analyse de manière similaire vos habitudes de correspondance électronique. Si vous êtes sur Outlook, c'est parti. (Cataphora travaille actuellement sur des versions Mac et Gmail).

Mon Digital Mirror m'a confirmé certaines choses assez basiques dont je me doutais, comme les gens avec qui j'échange le plus de mails, par exemple. J'ai bien aimé voir comme certains collaborateurs apparaissent subitement dans ma boîte, puis se font complètement oublier pour ressurgir quelques mois après, le tout suivant un schéma remarquablement régulier. Je n'ai pas vraiment eu de grosse surprise, mais mon Mirror m'a néanmoins révélé lequel de mes contacts refilait le plus souvent le bébé aux autres –et il semblerait que je sois le champion dans cette catégorie. Il faut croire que j'ai envoyé trop de mails qui disaient «Ton avis là-dessus?», alors j'ai noté mentalement: avoir plus d'«avis» personnels.

Les designers et les développeurs de Cataphora ont récemment ajouté une fonctionnalité qui «réfléchit» un peu trop: la vue «Love Life» (vie amoureuse), qui examine boîte mail, messagerie instantanée, Facebook, et conversations téléphoniques à la recherche de mots doux et de «points de contact». Voici une capture d'écran en exclu :

En ligne comme hors-ligne, les données montrent à quel point nous sommes des êtres romantiques. Est-ce que vous trouvez déprimant de pouvoir situer sur une courbe votre toute nouvelle idylle avec le mec mignon du marketing, ou est-ce que savoir où en sont les choses ça vous permet de prendre des initatives pour chambouler votre schéma habituel? Hélas, certaines questions ne trouveront pas de réponse dans l'analyse de nos données. Pour ça, il y a la thérapie.

P.S. N'oubliez pas que nous sommes toujours ouverts à toutes vos propositions de nouveaux moyens de rssembler et analyser des données utiles, étonnantes, ou simplement drôles. Merci pour toutes les idées que vous nous avez soumises jusqu'à présent; prochainement, je m'intéresserai aux données dans le domaine de la santé et de la forme en général.

Michael Agger 

Traduit par Nora Bouazzouni

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