France

Le off, parlons-en

Un homme politique s'exprime face à des journalistes, qui ne répètent pas ce qui se dit... Ou pas.

Temps de lecture: 2 minutes

Le off, c’est le terme journalistique qui désigne ces discussions informelles que l’on peut avoir avec des responsables politiques, discussions dont on n’est pas censé reproduire la teneur. Quand il y a un sommet international, le président fait ce que l’on appelle un «briefing off» pour parler un peu plus librement de questions diplomatiques et stratégiques. On parle aussi, inévitablement, de politique intérieure et de l’actualité en général. Ce sont des off assez poreux, par définition, parce qu’il y a beaucoup de monde. La règle et l’esprit de la règle sont bien compris de tous. A Lisbonne, il y avait donc un briefing off. Il se trouve que, répondant à une question sur l’affaire Karachi, le président a fait une analogie, bien à lui, pour bien faire comprendre son sentiment d’injustice d’être désigné sans preuve à propos d’éventuelles rétrocommissions qui auraient financé le candidat Balladur en 1995. Le président a donc dit à un journaliste: «Il semblerait que vous soyez pédophile... Qui me l'a dit? J'en ai l'intime conviction. Les services. De source orale.» C’est bien sûr une image, la démonstration par l’absurde conclue par un retentissant «Amis pédophiles, à demain!» qui, ce mercredi, fait la une de Libération et est dans toute la presse. Chacun jugera du degré de franchise, d’humour, de finesse ou même de «pétage de plomb» que ces propos reflètent... Toujours est-il que le off présidentiel est désormais mort et enterré.

Du off «passoire» au «off de chez off»

Comment en est-on arrivé là? Le off n’est pas une pratique codifiée ni codifiable. Il y a une sorte de gradation du off, bien comprise de tous. Quand un député vous fait une confidence en vous disant «c’est off», ça donne «dans l’entourage de..., on pense que...». C’est, disons, du «off» un peu «passoire». Ce peut être, bien sûr, une façon pernicieuse d’insinuer, de manipuler, mais le off permet aussi de décrire une certaine réalité des rapports de forces. Au PS, par exemple en ce moment –off– Martine Aubry et Ségolène Royal ne disent plus du tout de mal l’une de l’autre, en revanche, je peux vous dire que –off– ça ne va pas du tout entre Martine Aubry et François Hollande... Ce n’est pas passionnant, c’est vrai, mais ça abreuve les pages «confidences» des hebdos et c’est très lu!

Une information vraiment off est délivrée devant une petite poignée de journalistes (4 ou 5 au plus) avec ce genre de consigne acceptée des deux côtés «c’est off de chez off, pas un mot». Dans le cas de l’algarade de Lisbonne, il y avait une attitude présidentielle étonnante et révélatrice qui, par elle-même était une information qui ne pouvait de toute façon pas rester off. En outre, le off nécessite une confiance mutuelle qui est, en ce moment mise à mal entre le président et les journalistes. Le président prend la presse pour une annexe de l’opposition et la presse trouve que le président prend trop de liberté avec la vérité. Quand le président s’exprime «on», comme mardi dernier à la télé, la presse, (toute la presse) fait des pages intitulées «désintox» ou «les mensonges du président» tellement le président semble privilégier l’effet rhétorique immédiat à la véracité de son propos. Quand il s’exprime off, ça donne des propos encore plus relâchés. Mais au moment où, nous dit-on, Nicolas Sarkozy voulait prendre de la hauteur, c’est encore raté.

Thomas Legrand

cover
-
/
cover

Liste de lecture