Politique / France

Nicolas Sarkozy opère sa mue

Lors de son intervention télévisée, le président s'est essayé à la modestie et à l'auto-critique.

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Nicolas Sarkozy était mardi soir à la télévision et vous l’avez peut-être suivi avec nous… Après le commentaire à chaud, que retenir de cette intervention? D’abord une remarque sur l’exercice lui-même: je crois que même en Russie, le chef de l’Etat ne dispose pas, à sa convenance, d’une heure et demi d’antenne sur les trois plus grandes chaînes. C’est l’un des attributs de notre monarchie présidentielle, un archaïsme qui étonne toujours nos confrères étrangers.

Cela ressemble à de l'autocritique

Ceci posé, sur la prestation elle-même, tout le monde l’aura remarqué, Nicolas Sarkozy se sera essayé à la modestie et même à une certaine forme d’autocritique. Même s’il a encore beaucoup été dans le «moi je» et dans l’auto-analyse, parfois encore dans le culot désarmant («le régime des retraites sera bénéficiaire en 2020» ou «le président chinois m’a aidé à libérer Aung San Suu Kyi»), il faut quand même reconnaître qu’il a affirmé avoir compris qu’il avait fait fausse route sur deux sujets essentiels (en politique pour dire «je me suis trompé», on dit «j’ai été mal compris, je me suis mal exprimé»). Donc ces deux thèmes sont: le débat sur l’identité nationale et tout simplement, son propre style. Pour le premier thème, cela s’est traduit par la fin du ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale, on en a déjà parlé (, ou ). Pour le style personnel, Nicolas Sarkozy tente, à l’évidence, une mue de son image. On pourra dire: «Il renonce, c’est un aveu d’échec.» On pourra dire aussi: «C’est une prise de conscience, il fait preuve de pragmatisme.» On sentait bien cet effort déployé pour apparaître calme et posé, déterminé mais à l’écoute, combatif mais pas agressif. C’est certes un rôle de composition, mais on ne peut pas reprocher au Président de tenter de répondre à l’aspiration des Français de le voir plus arbitral, plus consensuel, bref d’incarner davantage la fonction de président de tous les Français. On ne peut pas lui reprocher, mais on n’est pas obligé d’y croire.

«Ensemble, tout est possible»

Le changement de style s’accompagne d’un changement de gouvernance dans ses rapports avec le nouveau gouvernement: c’est une autre obligation qui s’est imposée à lui. On dit beaucoup que les rapports Président/Premier ministre vont se normaliser ou même que le président perd le pouvoir au profit d’un Premier ministre qui a posé ses conditions. Sur l’explication du remaniement, Nicolas Sarkozy n’est pas apparu particulièrement à son aise. Disons que, pour faire croire que le remaniement n’était pas subi, il a fait preuve d’une habileté un peu trop visible. Nicolas Sarkozy se devait d’afficher une relative modestie puisqu’il apparaît aux yeux de tous que la période de l'hyper-présidence se solde par un échec. Le fait est: il se retrouve, après plus de trois ans, n’ayant pratiquement pu tenir aucune de ses promesses et dû abandonné la plupart (si ce n’est tous) ses thèmes de campagne. Ce constat est aussi la preuve que, contrairement à ce que racontaient les proches de Nicolas Sarkozy pour justifier l’hyper activité du président et la concentration des pouvoirs, l’hyper présidence n’est pas due à l’instauration du quinquennat, mais bien à la seule façon particulière de gouverner de Nicolas Sarkozy. Le président semble en prendre acte en ce moment. Il a voulu tout faire tout seul. Ça n’a pas marché. «Ensemble tout est possible», comme disait le slogan, mais tout seul rien n’est possible comme l’a démontré la pratique du pouvoir depuis 2007.

Enfin, ne convoquons pas trop Freud dans une analyse politique, mais quand Michel Denisot lui pose une question sur son nouveau rapport au pouvoir il répond: «Ma détermination n'a rien changé» au lieu de «ma détermination est inchangée». Un joli lapsus qui vient éclairer les raisons d’une mue nécessaire.

 Thomas Legrand

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