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Six choses à savoir sur les midterms américaines

AVEC ARTE.TV - Un vote contre Barack Obama et la situation économique américaine, la menace chinoise et l'ascension du Tea Party... Pour et contre quoi s'expriment les Américains la semaine prochaine?

Temps de lecture: 4 minutes

Un dossier réalisé en partenariat avec Arte.tv / Théma mardi soir sur Arte et chat en direct avec Eric Leser, co-fondateur de Slate, en direct depuis New York. Le transcript est disponible ici.

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1 Qui, quoi, quand, comment ?

Avec les élections du mardi 2 novembre, les Américains vont renouveler l’ensemble de leurs représentants à la chambre des Représentants, plus d’un tiers de leurs sénateurs, et les gouverneurs de 37 Etats (sur 50). Pour l’instant, les Démocrates, le parti de Barack Obama, sont au pouvoir dans les deux organes législatifs, mais ils ne possèdent qu’une courte majorité. Les Républicains espèrent soit gagner la majorité au Congrès, soit, au moins, affaiblir davantage la majorité démocrate.

Traditionnellement, le parti au pouvoir perd lors de ces élections qui arrivent à mi-mandat (mid-term; aux Etats-Unis, le mandat présidentiel est de 4 ans, renouvelable une fois), quelle que soit la cote de popularité du président en place. (Quelques exceptions parmi lesquelles la plus notable date de 2002: lors des miterms qui ont suivi le 11-Septembre, le parti de George W. Bush a conservé sa majorité au Congrès.) Si les Républicains reprennent le pouvoir législatif, Barack Obama aura encore plus de mal à faire passer de grandes réformes (que ce soit sur l’immigration ou l’environnement).

2 Un vote contre Barack Obama

La Maison Blanche a beau marteler que ces élections sont locales et pas nationales (et techniquement, c’est vrai, puisque chacun vote pour les représentants de son Etat), les Républicains savent bien que leur meilleur atout pour les midterms, c’est Barack Obama.

La cote de popularité du président est en chute depuis sa réforme de la santé, considérée par beaucoup d’Américains comme une trop grande ingérence du gouvernement dans leur vie. 52% des Américains désapprouvent son travail, d’après CNN, et un tiers de son électorat de 2008 ne comptait pas voter démocrate, d’après un sondage de CBS à deux semaines des élections. On est bien loin de début 2009, quand 78% des Américains avaient une opinion favorable de leur nouveau président (sondage Gallup).

Résultat, les Républicains en profitent pour associer leurs opposants démocrates au Président et ses politiques impopulaires. Surtout que le gouvernement Obama a un gros problème de communication: par exemple, sa réforme économique a permis de réduire les impôts sur le revenu de 400 dollars par an pour les célibataires et 800 dollars pour les couples mariés, et personne ne le sait.

3 Le Tea Party ne plaisante plus

Le Tea Party n’est pas à prendre à la légère: né en avril 2009 des manifestations d’Américains au moment de la remise des déclarations d’impôts, vu pendant longtemps comme un groupe désorganisé de conservateurs extrémistes adeptes de posters représentant Obama comme Hitler, le mouvement soutient aujourd’hui 138 candidats aux élections de mi-mandat. Le mouvement du Tea Party n’appartient pas officiellement au parti républicain, mais ses sympathisants s’identifient comme des Républicains conservateurs. Les «candidats du Tea Party» sont des candidats républicains qui ont gagné les primaires grâce au soutien officiel du mouvement, généralement contre des adversaires installés dans la vie politique républicaine depuis bien plus longtemps.

Difficile de savoir s’ils vont être un atout ou un poids pour le Parti républicain: d’un côté, 55% des Américains pensent que le Tea Party peut «vraiment faire changer la façon dont le gouvernement opère» (sondage du 19 octobre d’ABC / Yahoo!). Ce pourcentage monte jusqu’à 72% chez les électeurs républicains, 61% chez les Indépendants. Mais d’un autre côté, les candidats affiliés au Tea Party ou soutenus par le mouvement sont généralement ultra-conservateurs, et risquent donc de faire perdre au Parti républicain l’électorat modéré dans certains Etats clés.

Ce n’est pas parce que Barack Obama est devenu persona non grata que Sarah Palin est davantage appréciée au sein de son propre parti. L’ex-candidate à la vice-présidence américaine reste l’un des atouts forts pour attirer la base du parti, mais elle est en même temps vue «comme de la kryptonite par de nombreux candidats». Ainsi en Californie, ni Carly Fiorina –la candidate au Sénat–, ni Meg Whitman –la candidate au poste de gouverneur– n’ont assisté au meeting de Palin dans cet Etat très démocrate où elles sont candidates et où attirer l’électorat centriste est crucial pour gagner.

4 Christine O’Donnell, la nouvelle Sarah Palin

D’ailleurs, celle dont on parle le plus pour ces élections, ce n’est pas Sarah Palin, mais Christine O’Donnell. La candidate républicaine du Delaware au Sénat est une femme blanche sortie de nulle part, brune aux cheveux longs et «brushés», elle porte des vestes rouges et des perles et se spécialise dans les déclarations chocs. Il n’en fallait pas plus pour qu’elle soit surnommée la «mini Sarah Palin». C’est en grande partie grâce au soutien de l’ancienne candidate à la vice-présidence que Christine O’Donnell, candidate du Tea Party, a remporté les primaires républicaines contre le modéré Mike Castle.

Depuis sa victoire surprise, des vidéos du passé de Christine O’Donnell en tant que présidente d’une association prônant l’abstinence avant le mariage ressortent, dont la plus célèbre reste celle où elle condamnait la masturbation comme un acte adultérin. Plus récemment, elle a montré qu’elle ne savait pas que la séparation de l’Eglise et de l’Etat était inscrite dans le 1e amendement de la constitution américaine… Son opposant démocrate la devance largement dans les sondages.

5 C’est l’économie, stupide

60% des Américains ont désigné l’économie ou l’emploi comme problème le plus important pour leur pays dans un sondage réalisé par le New York Times en septembre. Seulement 3% ont choisi la guerre en Afghanistan. Le taux de chômage s’est stabilisé, mais à 9,6%; la reprise économique se fait attendre, alors même qu’une des plus grandes actions d’Obama pendant sa première partie de mandat était justement un plan de relance. Les Américains ne voient pas le changement, et ils voteront pour qui leur promet le plus d’emplois.

L’une des quatre oppositions qui reviennent le plus souvent dans les débats est celle entre les «politiciens de carrière» et les «Américains ordinaires», et ce sont toujours les candidats issus du privé qui reprochent à leurs opposants d’être des «politiciens de carrière». Cette accusation leur permet de mettre en avant leur propre expérience dans le monde du travail, affirmant par exemple comme Meg Whitman, ancienne PDG d’eBay et candidate en Californie: «Mon boulot c’était de créer des emplois, votre boulot c’était la politique.»

La situation économique rend la réforme de l’immigration que le gouvernement Obama veut mener encore plus difficile, puisque ses opposants la décrivent comme «une tentative d’offrir l’amnistie aux immigrants illégaux» accusés de venir «voler» les emplois des Américains...

6 La menace chinoise

La Chine est désignée comme la grande coupable de la situation économique américaine pour les candidats, particulièrement pour les démocrates: ils décrivent leurs adversaires comme plus soucieux de maximiser les profits en délocalisant que de conserver les emplois dans les Etats de la «Rust Belt», la partie du pays la plus durement touchée par la crise de l’automobile.

Rien que dans la première semaine d’octobre, au moins 29 candidats ont diffusé des publicités suggérant que leurs adversaires avaient été trop gentils avec la Chine. Leurs vidéos accueillent des dragons, des ouvriers chinois à l’usine, ou encore le drapeau du pays, tous superposés avec le visage ou des propos de leurs adversaires, évidemment. Bref, les Etats-Unis réagissent à la puissance de la Chine comme ils avaient réagi à celle du Japon dans les années 70 et 80.

Cécile Dehesdin

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