France

«Rehabs» à la sauce française

Ces centres de désintoxication quatre étoiles font partie du paysage médical et médiatique aux Etats-Unis. Qu’en est-il en France?

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Deux semaines après avoir été mis en garde à vue pour possession de cocaïne, Jean-Luc Delarue annonçait qu’il partait suivre une cure de désintoxication dans une clinique spécialisée et déplorait le «manque de renseignements» général sur les méfaits de la cocaïne:

«Je n'ai jamais su à qui en parler. Je n'ai jamais trouvé de groupes de parole comme les narcotiques ou les alcooliques anonymes. Ça n'est pas quelque chose dont on est fier, dont on parle à ses amis.»

Aux Etats-Unis, de tels propos auraient fait sourire. Depuis les années 2000, des «rehab centers» sont en effet connus pour accueillir toutes les célébrités en prise à une addiction (que ce soit l’alcool, la drogue, le sexe ou le jeu). En suivant la vie des stars (Nicole Richie, Kate Moss, Michael Dougles, Charlie Sheen, Britney Spears, Tiger Woods…) dans les magazines people, ces centres archi-luxueux nous sont même devenus coutumiers: Promises, Wonderland, Silver hill.

Les blockbusters de la santé français sont publics

En France, l’hospitalisation reste peu médiatisée. L’écrivain Nicolas Rey en avait fait néanmoins part dans son roman Un léger passage à vide. On y apprenait le nom de l’institution qui l’aurait recueilli: la clinique Jeanne d’Arc, à Saint-Mandé, située dans le département du Val-de-Marne.

Mais la différence entre les Etats-Unis et la France ne tient pas que dans la médiatisation. Dans le traitement des addictions, et particulièrement de la cocaïne (pour laquelle il n’existe pas encore de produit de substitution), la France pratique en fait très peu l’hospitalisation. Celle-ci n’intervient qu’en cas de dépendance aggravée ou, comme on l’explique chez Drogues Info Service, si de «graves troubles psychiatriques» sont constatés. Les malades sont généralement orientés vers des «cures ambulatoires» qui peuvent se pratiquer dans un des 500 centres dédiés sur le territoire (les CSAPA). Et évidemment, ces centres n’ont rien de ranchs paradisiaques à l’américaine…

Pour Etienne Apaire, président de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT), pas besoin de s’encombrer de «rehab centers» inspirés du modèle outre-Atlantique, les structures publiques sont largement suffisantes:

«Notre système de soins pour personnes dépendantes est un des plus importants d’Europe. Il représente un investissement de près de 330 millions d’euros, les frais sont pris en charge par l’assurance maladie et il existe des unités d’addictologie dans les plus grands hôpitaux en France.»

Près de 230.000 personnes sont aujourd’hui suivies en France pour consommation de drogues dites «dures» (cocaïne, héro, crack, amphétamines…). Certains centres, comme l’hôpital Marmottan à Paris, prennent même en charge des addictions comportementales plus «récentes» (dépendance au jeu, au sport, à la pornographie…). Alors, quand l’ancien présentateur de «Toute une histoire» critique l’absence de structures adaptées, ce fonctionnaire rattaché à Matignon préfère ironiser:

«Nous, on ne fait pas de marketing. Si en plus du traitement, certains ont des exigences en matière d’hôtellerie, le privé est toujours là pour ça.»

Une «clinique des stars»?

Ça tombe bien, il existe depuis peu des structures médicales qui s’inspirent des «rehab centers», sans réellement les copier. La plus connue à ce jour est la clinique Montevideo de Boulogne-Billancourt, ouverte en 2003 par le Pr William Lowenstein. Ce praticien, qui a longtemps travaillé dans un service d’addictologie public, est allé visiter des centres en Floride, en Californie et au Canada, dont il n’a pas seulement retenu le coût exorbitant (une journée d’hospitalisation à Montevideo coûte environ 700 euros) mais également des méthodes de soin:

«Dans ces centres, on s’intéresse à de nouvelles populations et notamment aux personnes à responsabilités, comme les avocats, les cadres supérieurs ou les commandants de bord. On a compris que ce qui fait leur qualité fait aussi leur vulnérabilité, et que leurs addictions sont spécifiques à leur travail. Il y a également un gros travail de recherche sur les signes cliniques qui témoignent d’un déséquilibre : troubles du sommeil, de l’humeur ou de la pensée, relation à l’autre…»

William Lowenstein a créé une fondation au sein de sa clinique pour développer la recherche en addictologie. S’il a mis de côté certaines méthodes jugées trop américaines (la méthode dite «Minnesota » ou celle des «12 steps », plus orientées sur le travail en groupe ou la religion), il met beaucoup d’espoir dans de nouveaux traitements, comme par exemple une «trithérapie évolutive» pour soigner les dépendants à la cocaïne, qui consisterait à prescrire différents types de médicaments selon les étapes du sevrage. Un procédé qui n’a toujours pas dépassé le stade de tests.

Du fait de son coût et de sa médiatisation, la clinique Montevideo a souvent été estampillée «clinique des stars» française. Mais Lowenstein s’en défend:

«Depuis notre création, sur 3.000 patients soignés, seuls une quarantaine étaient des personnalités célèbres. Tous les patients munis d’une bonne mutuelle peuvent se faire rembourser leurs soins.»

Des soins qui comprennent tout de même un terrain de tennis et une jolie piscine... Mais aussi l’accès à un psychiatre à tout moment, entre autres. Ce que ne permet pas le service public.

Le goût des autres

Mais les «rehab centers» ne sont pas que des complexes 4 étoiles pour junkies célèbres. Ils intègrent également une dimension importante qui fait défaut à la plupart des centres de désintoxication français : la thérapie de groupe.

La drogue change profondément les rapports entre les addicts et leur entourage. Jean-Luc Delarue l’a dit lui-même, elle finit par enfermer «sous une cloche à fromage». D’où l’importance de ne pas laisser la personne face à elle-même lors du sevrage, et bien évidemment après.

Ariane Nicolas

Photo: Exodus, Adam Swank via Flickr CC License by

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