Culture

Mystérieux Vargas Llosa

Le tout nouveau prix Nobel de littérature est un personnage complexe, un animal politique doublé d’un immense auteur.

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«La littérature est un acte de révolte», aime à dire Mario Vargas Llosa. C’est donc un révolté qui est récompensé cette année par l’Académie suédoise. Un peu à la surprise générale, il faut bien l’avouer. Quelques heures à peine avant l’annonce du résultat, l’écrivain américain Cormac McCarthy était le favori des bookmakers à 3/1, suivi du Japonais Haruki Murakami à 5/1. Point de Vargas Llosa dans les favoris cette année, et pourtant. Lors de nombreuses éditions précédentes, le nom de l’auteur hispano-péruvien était toujours cité en bonne position. Ce n’est donc que justice comme l’a reconnu le président de la République du Pérou en personne, Alan García.

«C’est un grand jour pour notre pays. Nous attendions ce moment depuis notre plus tendre jeunesse.»

Car Mario Vargas Llosa est plus qu’un simple écrivain originaire de la ville d’Arequipa. MVLL, comme le surnomment ses compatriotes, est une référence, un homme qu’on écoute, qu’on respecte et qu’on lit comme les plus grands classiques de la littérature. Ses livres sont étudiés dans les écoles et les universités du monde entier, au même titre que ceux de Victor Hugo, Jean-Paul Sartre (deux auteurs qu’il admire), Cervantes ou Shakespeare. Le Nobel arrive même un peu tard, estiment ses plus fervents partisans. Vargas Llosa truste les prix et les récompenses depuis de nombreuses années déjà dans le monde hispanique, du prix Cervantes au prix Prince des Asturies. Et, désormais, il succède à García Marquez (avec qui il n'est pas ami, surtout depuis un coup de poing en 1976) et à Octavio Paz. Il était déjà un grand de la littérature latino-américaine, il se transforme en géant de la littérature mondiale.

De l'extrême gauche au libéralisme

Mais qui se cache en réalité derrière cet écrivain à succès? Un personnage intéressant, aux facettes diverses et à la plume acérée. Un homme passé de la gauche extrême à la droite plus ou moins modérée. Jeune, il a soutenu la révolution cubaine de Fidel Castro, avant de s’en éloigner, déçu par le communisme, ou plutôt par le castrisme. En 1990, il se présente à l’élection présidentielle péruvienne sous la bannière d’une coalition de centre-droit, le Front Démocratique. Une défaite cinglante face à Alberto Fujimori au second tour le plonge dans un grand désarroi et lui fait quitter le pays, malgré le soutien de nombreux Péruviens, pour s’installer en Espagne. Sa terre d’adoption lui accorde même la nationalité espagnole quelques mois après son arrivée. Libéral, il le revendique. Lui qui ne cesse d’écrire des tribunes libres pour des journaux plutôt marqués à droite en Amérique latine, publie les mêmes textes dans des quotidiens de gauche sur le Vieux Continent. El País lui ouvre régulièrement ses pages, comme la Reppublica en Italie. Dans ses articles, il n’a de cesse de fustiger les «caudillos démocratiques» à la tête de certains pays latinos (Chavez, Morales et consorts ne sont pas ses amis), de critiquer la gauche latino-américaine, mais aussi de pointer du doigt la corruption qui mine le continent et de défendre les droits de l’homme. Un véritable polémiste, qui ne mâche pas ses mots et, surtout, qui dit les choses en face et assume ce qu’il pense. Dans un entretien début 2010 au Corriere della Serra, il disait de Berlusconi que c’était «un histrion qui fait parfois le clown». On aimerait entendre cet amoureux de la France qui a longtemps habité Paris donner son avis sur Nicolas Sarkozy… Mario Vargas Llosa, un animal politique complexe, un grand écrivain.

Marc Fernandez

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