France

Comment le gouvernement entre-t-il en contact avec des terroristes ?

Pour Hervé Morin, le souci est d'entrer en contact avec les ravisseurs des otages du Niger. Comment le gouvernement français rentre-t-il en contact avec des terroristes lors d'une prise d'otage?

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Alors qu’al-Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi) a revendiqué la prise d’otage des sept ressortissants étrangers au Niger, le ministre de la Défense Hervé Morin a déclaré jeudi 23 sur RTL«Pour l'instant, notre souci, c'est de pouvoir entrer en contact avec al-Qaida, d'avoir des revendications que nous n'avons pas.» Comment le gouvernement entre-t-il en contact avec les groupes terroristes lors d’une prise d’otage?

Par des intermédiaires. Les contacts se font en fonction de la nature du groupe preneur d’otage (détestent-ils la France? Sont-ils prêts à négocier via des Etats amis?), mais la première prise de contact se fait généralement au travers d’intermédiaires. Ils peuvent être des ambassadeurs ou des consuls, bien placés pour connaître le terrain et ses acteurs clés.

Par exemple pendant l’affaire des otages du Liban, François Mitterrand a demandé à Eric Rouleau de se rendre à Téhéran pour entrer en contact avec le Hezbollah, contrôlé par les Iraniens et les Syriens. Eric Rouleau était ambassadeur à Tunis, mais connaissait bien les dirigeants iraniens et ceux de l’Organisation de Libération de la Palestine.

Les intermédiaires peuvent aussi être des chefs tribaux, des trafiquants du coin, des notables locaux. Dans le cas des otages au Niger, un haut responsable tribal du nord de Gao explique par exemple au Figaro que «le désert n’est pas vide. Il y a des éleveurs, des commerçants qui croisent ces gens-là. Après ils racontent aux leaders… »

Les autorités du pays où la prise d’otage a eu lieu peuvent aider à chercher des intermédiaires crédibles,  tout comme un pays ami de la France et mieux accepté des preneurs d’otage. Au Niger, le Figaro affirme par exemple que certains anciens rebelles touaregs ont encore des liens avec les services secrets maliens, algériens ou libyens, qui pourront ainsi aider à la mise en contact.

Parfois, les contacts développés par un pays étranger qui a vécu une situation similaire peuvent être utilisés.

Le Quai d’Orsay vérifie d’abord qu’il y a bien eu une prise d’otage, puis cherche à savoir qui en est le commanditaire, avant d’essayer de rentrer en contact avec le groupe pour connaître leurs revendications et prendre des nouvelles des otages.

Dans les cas où les preneurs d’otages s’identifient via un communiqué de presse repris dans les médias, le ministère des Affaires étrangères le vérifie aussi: Aqmi a revendiqué la prise d’otage du Niger mardi 21, cette piste n’a été confirmée par le ministère que le lendemain.

Le Quai d’Orsay travaille avec les services extérieurs français pour activer ses réseaux et utiliser des intermédiaires afin de communiquer avec les preneurs d’otages. Souvent, la France prend contact avec des pays étrangers, soit parce qu’ils sont sortis de situations similaires avec les otages en vie, soit parce que ce sont des pays voisins des preneurs d’otages mais amis de la France.

Encore faut-il que les preneurs d’otages veuillent négocier. Aqmi a envoyé un communiqué à la chaîne de télévision Al-Jazeera pour attirer un maximum de publicité sur la situation des sept captifs étrangers. Pourtant, d’après Hervé Morin, le groupe n’a pour l’instant pas cherché à communiquer avec la France, qui refuse de négocier par médias interposés (même si le gouvernement essaye parfois d’établir un contact via les médias, comme le fait implicitement Hervé Morin en demandant à connaître les revendications d’Aqmi).

La prise de contact préférée se fait en face-à-face, dans la vraie vie, entre intermédiaires: laisser des messages sur des forums islamistes en ligne n’est pas envisagé, parce que trop public (en plus de la difficulté de s’assurer de la légitimité des interlocuteurs).

Essayer d’obtenir, depuis la France, le numéro de téléphone de la bonne personne dans le groupe terroriste est fastidieux. Même si, après un premier contact en face-à-face, des négociations téléphoniques peuvent avoir lieu. L’amiral Edouard Guillaud a ainsi dit sur Europe 1 avoir pu parler au téléphone avec les deux journalistes Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, retenus en Afghanistan depuis décembre 2009. Au Niger, le Figaro explique en revanche que «les islamistes se méfient des téléphones satellitaires trop facilement localisables», et que la seule solution pour l’intermédiaire «consiste à partir en 4 x 4 dans le désert».

Cécile Dehesdin

L'explication remercie le Quai d'Orsay et Dominique Thomas.

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