Monde

La fausse trêve d'ETA

L’annonce du groupe terroriste repositionne la gauche indépendantiste dans le jeu électoral.

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«ETA fait savoir que, depuis quelques mois déjà, elle a pris la décision de ne plus mener d’actions armées offensives.» Pour la treizième fois de son histoire, l’organisation terroriste basque annonçait un cessez-le-feu le 5 septembre par le biais d’une vidéo diffusée par la chaîne publique britannique BBC et un texte dans les pages du quotidien indépendantiste Gara (la vidéo et la traduction de la déclaration en espagnol sont consultables sur le site d’El Pais).

Quatre ans après avoir mis fin à une autre trêve par un attentat sanglant à l’aéroport de Barajas à Madrid fin 2006 (tuant 2 personnes), voilà que les terroristes remettent ça (El Pais revient en photos sur les différentes trêves). Mais personne, ni à Madrid ni ailleurs, n’est dupe. Le contexte qui entoure cette annonce laisse planer de sérieux doutes sur cette proposition que l’on peut qualifier de malhonnête.

Une organisation affaiblie

Car aujourd’hui, ETA est très affaiblie. Depuis le début de l’année, 65 etarras présumés ont ainsi été arrêtés par les forces de l’ordre espagnoles et françaises et en 2009 déjà de nombreux responsables de l’organisation ont été placés en détention. ETA manque de bras et de têtes. Les chefs tombent les uns après les autres. A peine remplacés, déjà arrêtés: cela joue sur le moral des troupes et rend plus difficile le recrutement.

Outre la question matérielle de la lutte armée, l’aspect politique n’est jamais à négliger quand il s’agit d’ETA. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette déclaration tombe à point nommé, notamment pour la gauche indépendantiste basque. Dans quelques mois, des élections municipales vont avoir lieu au Pays Basque. Batasuna, la branche politique d’ETA (qui refuse de condamner les actes terroristes), est interdite depuis 2003 et ne peut donc se présenter à ce scrutin. Elle démarre donc une course contre-la-montre confirmée par sa demande de légalisation au gouvernement de José Luís Zapatero. A cette stratégie cousue de fil de blanc, le chef du gouvernement a immédiatement répondu par une fin de non recevoir en avertissant Batasuna que cette trêve ne le fera pas changer d’avis:

«Ceux qui se trouvent hors-la-loi parce qu’ils ne condamnent pas fermement la violence sont dans la même situation aujourd’hui qu’avant le communiqué d’ETA.»

Aux plus optimistes, ceux qui voient en cette trêve une bonne chose et un pas vers la fin de l’organisation terroriste et la fin de la violence, le quotidien basque El Correo répond que tout ceci n’est que théâtre et mensonges (n’oublions pas que, traditionnellement, ETA profite des trêves pour se réarmer) et qu’elle n’est pas prête à déposer les armes: l’envoi de lettres de menaces réclamant aux entrepreneurs basques le paiement de l’impôt révolutionnaire se poursuit. «Le chantage continue», affirme le journal citant des sources policières espagnoles et françaises. Certains chefs d’entreprises se sont ainsi vus réclamer, en août, jusqu’à 400.000 euros. Ce qui fait dire aux policiers que «la cellule d’ETA chargée de l’extorsion fonctionne à plein» et que l’organisation est (sic) «pleine aux as».

Comment, dans ce cas, croire des gens qui cachent leur visage et qui continuent de soutirer de l’argent par la menace et la violence, quand ils affirment qu’ils vont mettre fin à la lutte armée?

Marc Fernandez

 

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