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1,3 million de Britanniques nus: l'essor du naturisme post-Covid-19

L'un des résultats inattendus de la pandémie a été l'attractivité nouvelle des pratiques nudistes.

Le confinement a suscité chez certains des désirs de nature et de nudité. | Patricia de Melo Moreira / AFP
Le confinement a suscité chez certains des désirs de nature et de nudité. | Patricia de Melo Moreira / AFP

Temps de lecture: 3 minutes - Repéré sur The Guardian

1,3 million, c'est à peu près le nombre de membres de l'Église d'Angleterre. C'est aussi le nombre de Britanniques qui apprécient les joies de la nudité en public. En Grande-Bretagne, le naturisme n'a jamais été aussi cool que depuis le premier confinement lié au Covid-19. Au printemps 2020, rien que le nombre de recherches Google sur le «bain de soleil nu» avait augmenté de 384%.

Si pendant un temps, ce sont des groupes virtuels de yoga, de lecture ou encore de cuisine (nus) qui se sont développés, la fin du confinement et le retour des beaux jours a vu les activités collectives de plein air (nues) se multiplier: escapades en pleine nature, hôtels et lieux de villégiature réservés aux naturistes…

Échapper à la ville moderne

Pour Annabella Pollen, chercheuse à l'université de Brighton, autrice de l'ouvrage Nudism in a Cold Climate, la situation post-confinement fait écho aux débuts du naturisme, apparu en Allemagne dans les années 1890, et qui s'est développé en Grande-Bretagne dans les années 1920: «Après la Première Guerre mondiale et la pandémie de grippe espagnole, il y avait cet énorme appétit de trouver de nouvelles façons de vivre, d'explorer de nouvelles structures sociales et de se sentir libre.»

La Freikörperkultur, soit «culture du corps libre», visait à répondre à l'industrialisation croissante des villes par la nudité de plein air et le communautarisme. Un siècle plus tard, c'est le même sentiment de vouloir se «reconnecter à la nature», loin du brouhaha urbain, qui habite les naturistes.

Depuis près de trente ans, Nick Mayhew-Smith, un habitant de Hastings, au sud-est du Royaume-Uni, se promène nu dans les forêts: «Si vous vous asseyez dans un endroit isolé, entièrement nu et parfaitement immobile, la faune commence à s'habituer à vous. Les oiseaux sautillent plus près, les écureuils et les blaireaux émergent: vous devenez, et c'est la meilleure façon de le dire, une partie de la nature. C'est une expérience magique, qui prend tout son sens dans les moments de stress.»

Certains ne s'y sont mis que récemment, comme Helen Berriman, âgée de 46 ans, qui réside à Bromley, dans le Grand Londres, et dit s'être «convertie au nudisme pandémique», par l'intermédiaire de son époux. Posant comme modèle habillée devant des artistes nus pour un cours de dessin intitulé «Normalising Nudity», le ridicule de la situation l'a soudain frappée, et elle a décidé de se déshabiller: «À ma grande surprise, le monde ne s'était pas arrêté, j'étais nue et je me sentais vraiment très bien.»

Moins d'un an plus tard, elle démissionne de son emploi chez un opticien et trouve du travail chez British Naturism. Aujourd'hui, elle se dit bien plus épanouie: «J'ai un bronzage intégral, j'ai arrêté les antidépresseurs après une décennie et j'accepte vraiment les autres. Avec le recul, je pense que j'étais assez moralisatrice avant.»

Échapper aux préjugés

De fait, la pratique du naturisme demeure entachée de nombreux préjugés et de confusions, volontiers assimilée à des pratiques échangistes, de l'exhibitionnisme ou une forme de perversion. Le fait qu'elle soit encore majoritairement hétérosexuelle et masculine y contribue –le responsable LGBT+ et diversité de British Naturism, Rick Stacey, estime ainsi que seulement 2% de personnes LGBT+ participaient auparavant à des événements de sociabilisation naturiste, mais que cela est en train de changer.

Pour beaucoup de naturistes, leur pratique est surtout associée au fait de prendre soin de leur corps et de leur esprit, et de nouer des liens avec une communauté souvent soucieuse de l'écologie et sensible aux enjeux du végétarianisme et de l'antispécisme.

Mais tout le monde ne se sent pas à l'aise dans les cercles de naturistes pour autant. Selon David Salisbury, naturiste gay de 47 ans, «certains naturistes, en particulier les femmes, ont du mal à se sentir en sécurité dans un environnement non contrôlé, donc les clubs traditionnels offrent un espace sûr où la diversité peut s'épanouir loin des voyeurs goguenards que l'on peut trouver sur les plages nudistes». Certains clubs ont ainsi mis en place un code de conduite strict visant à garantir la sécurité de leurs membres –pas de téléphones, pas de regards, de gestes ou de propositions déplacés…

En Angleterre et au Pays de Galle, le fait d'être nu en public ne constitue pas une infraction pénale, même si en vertu de l'article 66 de la loi de 2003 sur les infractions sexuelles, une personne peut être arrêtée s'il est prouvé qu'elle s'est montrée nue dans l'intention de choquer ou de mettre quelqu'un en détresse.

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