Politique / Société

Mathilde Panot, l'indécence jusqu'à l'écœurement

[BLOG You Will Never Hate Alone] Quand on prétend honorer la mémoire des disparus, d'abord on les nomme, ensuite on se tait pour mieux les respecter.

On ne joue pas avec la mémoire des disparus. | Alain Jocard / AFP
On ne joue pas avec la mémoire des disparus. | Alain Jocard / AFP

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Ne pratiquant pas cette discipline qui consiste à confier ses états d'âme et autres pensées à son fil Twitter, j'ignore ce qui peut bien se passer dans la tête d'un individu au moment où il s'en sert. Aussi je serais bien incapable de dire quel était l'état d'esprit de Mathilde Panot quand, dimanche dernier, elle a jugé opportun de rédiger pour commémorer le quatre-vingtième anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv, le texte suivant:

Ce que je sais par contre, c'est que ce faisant elle a atteint un degré d'ignominie qui sur le moment m'a laissé sans voix. J'entends bien que pour un responsable d'un parti politique, qui plus est un parti d'opposition, toute occasion est bonne pour attaquer son adversaire. Pour autant, je ne pensais pas qu'un jour aussi solennel puisse servir de prétexte à de douteux et équivoques règlements de comptes –misère du combat politique pour qui rien ne compte sauf le triomphe de son idéologie.

Ainsi donc, le jour même où le pays tout entier était convié à se souvenir de ceux morts d'être nés juifs, Mathilde Panot, au lieu de s'incliner devant la mémoire de ces morts sans sépulture, de ces milliers d'enfants entassés dans une chambre à gaz dont on recueillait les corps sans vie pour mieux alimenter des fours à crématoire qui jamais ne cessaient de fonctionner, n'a rien trouvé de plus intelligent que de déverser sa bile faite de propos incendiaires.

J'appelle cela une profanation de la mémoire, une manière absolument odieuse de se servir de la douleur d'autrui, en l'occurrence ici de la communauté juive et, par-delà, de la société française toute entière, comme d'un strapontin à des polémiques politiciennes. Il faut six caractères pour composer le mot de Pétain, seulement quatre pour celui de juif, et pourtant des deux, c'est le premier qu'a choisi Mathilde Panot.

Comment peut-on prétendre célébrer la mémoire de disparus sans même prendre soin de les nommer? Comment peut-on passer sous silence, à l'heure d'évoquer leur mémoire, que la raison pour laquelle ils furent ainsi acheminés de Pithiviers ou de Drancy à Auschwitz tenait en quelques lettres, juif, de cette métaphysique de la haine qui vit 6 millions d'entre eux être exterminés dans le silence d'une agonie sans fin?

Est-ce à croire qu'aux yeux de Mathilde Panot les victimes n'en étaient pas vraiment? Ou bien alors faut-il conclure qu'à force de penser le juif comme celui qui colonise des terres ou incarne la puissance du grand capital, on finit par croire à ces fantasmagories au point de leur refuser le statut de martyrs? Il est là le scandale, elle est là l'abomination, cette caricature du juif si profondément inscrite dans le patrimoine génétique de certains membres de La France insoumise qu'ils préfèrent, à l'heure d'honorer leur mémoire, se perdre dans des considérations d'où ils sont absents.

Je me contrefous de savoir dans quelle mesure le président actuel s'est fourvoyé au sujet du Maréchal Pétain, j'ai déjà écrit sur ce sujet ici avec une férocité qui ne l'épargne pas. Je me contrefous de comprendre la syntaxe de Mathilde Panot, laquelle est si approximative et absconse dans son argumentation qu'on ne sait même plus qui rend honneur à qui. Je me contrefous de savoir qui à ses yeux était collabo et qui ne l'était point –à l'heure d'enterrer ses morts, seuls prévalent le silence, le recueillement, l'effacement et la dignité de l'être humain face à la tragédie de l'anéantissement.

Car en invisibilisant de la sorte les victimes, en alimentant des polémiques imbéciles à des fins partisanes, Mathilde Panot, consciemment ou pas, a craché à leurs visages, a piétiné leur mémoire, a sali la douleur de leurs enfants et petits-enfants.

Et pour cela, pour ce crime de la mémoire bafouée, il n'y aura ni oubli, ni pardon.

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