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Pour réduire la consommation de carburant, il faut se pencher sur les moteurs des voitures

Si certaines pertes sont inhérentes au fonctionnement d'un moteur thermique, réduire les frottements des pièces permettrait d'augmenter le pourcentage d'énergie transformée.

Une amélioration de la combustion, associée à des systèmes de récupération d'énergie, peut permettre de réduire la consommation de carburant de près de 30%. | Tim Mossholder <a href="https://unsplash.com/photos/VurHDpO4VYI">via Unsplash</a>
Une amélioration de la combustion, associée à des systèmes de récupération d'énergie, peut permettre de réduire la consommation de carburant de près de 30%. | Tim Mossholder via Unsplash

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À l'approche des départs en vacances et avec l'envolée des prix des carburants, il est légitime de se poser la question: nos voitures consomment-elles trop? Même si l'Europe a décidé d'interdire la production de véhicule à moteur thermique à partir de 2035, la majorité des véhicules de tourisme en circulation en France et sur la planète fonctionne avec ce type de moteur, c'est-à-dire utilisant un carburant de type essence ou gasoil.

Ces moteurs ont pour fonction de transformer l'énergie thermique, résultant de la combustion du carburant, en énergie mécanique qui servira à mettre en mouvement le véhicule. Environ 40% à 50% de l'énergie fournie par le carburant est transformée en énergie mécanique, le reste étant dissipé en chaleur. L'énergie mécanique n'est pas entièrement restituée aux roues du véhicule et près de 30% seraient perdus par frottement.

Au final, l'énergie utilisée pour faire effectivement avancer le véhicule ne représente qu'environ 30% de l'énergie totale fournie par le carburant. D'où viennent ces pertes? Peut-on les réduire? Quel gain peut-on espérer sur la consommation des véhicules?

La moitié de l'énergie thermique devient énergie mécanique

Un moteur thermique est constitué d'une chambre de combustion, dans laquelle le carburant est brûlé avec de l'air. Ceci conduit à une augmentation du volume de gaz dans la chambre de combustion, qui va pousser un piston vers le bas. Ce dernier est lié à une bielle, elle-même connectée à un vilebrequin qui va transformer le mouvement vertical du piston en rotation. Cette rotation est transmise par la transmission mécanique (notamment la boîte de vitesse) aux roues du véhicule.

Des soupapes vont s'ouvrir et se fermer pour laisser entrer l'air et le carburant et permettre aux gaz brûlés de sortir par le tuyau d'échappement. Seule une partie (40% à 50%) de l'énergie thermique de la combustion est transformée en énergie mécanique. Le reste de cette énergie est perdu et évacué par les gaz chauds qui sortent de l'échappement et par le radiateur qui assure le refroidissement du moteur.

Une amélioration de la combustion, associée à des systèmes de récupération d'énergie, peut permettre d'augmenter le pourcentage d'énergie transformée et réduire la consommation de carburant de près de 30%.

Les pertes par frottement

Il est maintenant utile de définir ce qu'on entend par frottement. Lorsque l'on met deux objets en contact, le frottement qui apparaît dans les zones de contact entre eux va s'opposer au glissement de l'un par rapport à l'autre.

Par exemple, le frottement entre nos chaussures et le sol nous permet de nous déplacer sans glisser. Si le frottement est trop faible, comme lorsque le sol est verglacé, le glissement sera facilité entre nos chaussures et le sol et il devient très difficile de se déplacer en marchant. En revanche, on peut alors opter pour des patins, qui vont utiliser le faible frottement avec le sol pour permettre un déplacement par glissement.

Lorsque l'on fait glisser (ou frotter) deux objets l'un sur l'autre, il va donc y avoir une résistance due au frottement. Ceci conduit à une perte d'énergie sous forme de chaleur, qui est perceptible lorsque l'on se frotte les mains. C'est exactement ce qui va se produire entre les éléments en mouvement dans le moteur et dans la transmission mécanique et dont nous allons évaluer les conséquences.

En rouge, le mouvement des pièces, en jaune, les zones de frottement. | Zephyris via Wikimedia Commons

La tribologie est la science qui s'intéresse aux problèmes de contact et de frottement et à la façon de les contrôler. Des études récentes de tribologie, ont permis d'estimer les pertes par frottement dans les moteurs thermiques et les transmissions vers les roues du véhicule. La figure ci-dessus présente en jaune les zones de contact où surviennent les pertes par frottement dans un moteur.

Les pertes les plus importantes se produisent en périphérie du piston (environ 45%), dans les liaisons entre la bielle, le vilebrequin et le bloc moteur (environ 30%) et autour des soupapes et de leur système d'actionnement (environ 10%). Les 15% restant correspondent à des pertes dans les accessoires du moteur.

L'énergie mécanique qui sort du moteur est à nouveau réduite par les pertes dans la transmission mécanique, notamment à cause du frottement dans les engrenages de la boîte de vitesse. L'énergie mécanique fournie par la combustion au sein du moteur thermique est finalement amputée d'environ 30%, dans les conditions moyennes d'utilisation du véhicule, en raison de l'ensemble de ces pertes.

Quelles améliorations
sont possibles?

Puisque 30% du carburant est utilisé pour vaincre le frottement entre les pièces mécaniques en mouvement, une réduction de ces pertes laisserait donc entrevoir un gain substantiel de la consommation. Mais il faut maintenant se focaliser sur les éléments en frottement pour discuter des améliorations possibles.

Les pièces du moteur et de la transmission sont lubrifiées par une huile qui s'insère entre les surfaces et permet de limiter le frottement et l'usure de ces surfaces. Pour réduire encore les pertes par frottement, les recherches en tribologie s'intéressent à deux axes.

Le premier est l'amélioration des lubrifiants. Ces travaux visent à un meilleur contrôle de la variation des propriétés du lubrifiant, telle que la viscosité avec la température. En effet, le frottement est globalement réduit lorsque la viscosité est plus faible, mais le film d'huile peut devenir trop mince et conduire aux contacts des aspérités des surfaces et à une usure plus rapide. Pour cela, le développement de nouveaux additifs, ajoutés au lubrifiant et permettant la création de couches protectrices à faible frottement sur les surfaces, est aussi un sujet de recherche.

 

Les solutions utilisées pour réduire le frottement et l'usure dans les contacts mécaniques. | Fourni par l'auteur

Le second volet concerne l'amélioration des surfaces elles-mêmes, notamment grâce à la réalisation de revêtements à base de carbone qui assurent la protection des surfaces en contact et un plus faible frottement. Une autre façon de limiter le frottement passe par l'utilisation de surfaces texturées par un réseau de cavités dont les dimensions sont optimisées pour permettre une lubrification plus efficace.

Des moteurs plus performants,
des voitures moins massives

Des travaux que nous avons récemment menés à l'Institut Pprime de Poitiers (Centre national de la recherche scientifique, université de Poitiers, École nationale supérieure de mécanique et d'aérotechnique) ont montré qu'il est possible de réduire le frottement de 50% dans certains types de contact, grâce à la texturation de surface.

Dans le cas des véhicules à moteur thermique, différentes études confirment que ces nouvelles technologies peuvent permettre, à moyen terme de réduire les pertes par frottement de 50% à 60% pour un gain en consommation de carburant de l'ordre de 15%.

Ce gain peut sembler faible, mais s'il est combiné à une amélioration des moteurs et surtout à une réduction de la taille et la masse des véhicules et par conséquent de la largeur des pneumatiques, des économies de consommation de carburant de l'ordre de 50% sont atteignables. L'accroissement du segment des SUV sur le marché automobile, montre que ce n'est malheureusement pas une voie qui a été retenue par les fabricants ces dernières années.

Des solutions à court terme

À très court terme quelles sont les solutions pour réduire la facture? Si on exclut l'achat d'un nouveau véhicule, l'utilisation de lubrifiants plus performants peut réduire la consommation de quelques pourcents, ce qui reste faible et ne compense pas l'augmentation du prix des carburants à la pompe. De plus le choix d'un nouveau lubrifiant reste compliqué pour un particulier, car les études comparatives ne sont, pour l'heure, disponibles que dans la littérature scientifique et technique et donc réservées à un public averti.

En revanche, n'oublions pas que les véhicules sont conçus pour transporter plusieurs passagers. Le covoiturage autorise, si on rapporte la consommation aux nombre de passagers, à diviser la consommation par deux, trois, quatre ou plus. Une utilisation rationnelle des véhicules reste la solution la plus efficace et la plus simple pour réduire la facture énergétique.

À plus long terme, la voiture électrique, qui est maintenant plébiscitée par l'Union européenne et de nombreux constructeurs, est-elle une solution plus efficace du point de vue des pertes par frottement? La réponse est oui. Le nombre de pièces mécaniques en frottement étant très limité, ces pertes sont évaluées à moins de 5%. Il reste cependant de nombreux verrous à lever pour en faire la solution idéale: le poids et le prix des batteries, l'extraction des matériaux nécessaires à leur fabrication et leur recyclage.

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l'article original.

The Conversation

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