La tapisserie de Bayeux est une œuvre emblématique du Moyen Âge célèbre dans le monde entier. Brodée au XIe siècle pour narrer la conquête (alors toute récente) du trône d'Angleterre par Guillaume le Conquérant (alors duc de Normandie), elle appartient sans doute autant à l'histoire du Royaume-Uni qu'à celle de la France.
C'est pourquoi, en 1885, comme le raconte le site Actuallité, une brodeuse britannique du nom d'Elizabeth Wardle décida avec quelques amies de son club de broderie d'en faire une réplique exacte afin que les sujets de Sa Majesté puissent eux aussi l'admirer sans avoir à sortir des frontières du royaume.
Aujourd'hui exposée au musée de Reading, dans le Berkshire, la réplique anglaise force l'admiration. Les brodeuses ont utilisé les mêmes points de broderie sur une toile de lin similaire et l'on voit clairement qu'elles ont eu à cœur de produire une réplique qui soit la plus fidèle possible à l'originale. Fidèle… à un détail près.
Sur la véritable tapisserie de Bayeux, il y a des pénis. En novembre 2018, le professeur George Garnett, de l'Université d'Oxford, en a dénombré pas moins de quatre-vingt-treize, dont quatre à cinq appartenant à des personnages humains (il y a un doute pour un des cadavres de la bataille d'Hastings). À l'exception de celui du soldat mort, tous apparaissent en érection.
Même ceux des chevaux ont été supprimés
Interrogé par la BBC, Antoine Verney, conservateur en chef des musées de Bayeux, explique que les hommes nus de la tapisserie «sont présentés dans la partie inférieure de la tapisserie et ils ont pour vocation de représenter la partie impure du monde, la nudité évoquant principalement le caractère vénal et l'impudeur dans ce cadre chrétien». Les autres pénis représentés sont des pénis de chevaux, en érection ou non, qui apparaissent dans la partie principale de la tapisserie et ne semblent être représentés que par souci de réalisme.
Or, vous ne trouverez normalement aucun pénis sur la réplique exposée au musée de Reading. Même ceux des chevaux ont été supprimés. Parfois, une culotte a été ajoutée au personnage. Également sollicité par la BBC, Benjamin Bishop, du musée de Reading, rappelle qu'au moment de l'époque victorienne où cette réplique a été brodée, il y avait «plus qu'une renaissance de l'Église» et qu'il était alors très mal vu de «montrer les formes humaines» (y compris… sur les chevaux, note-t-il).
Pants on, pants off! Great clip on the BBC about the @ReadingMuseum Bayeux Tapestry replica and why the Victorians chose to censor it. https://t.co/qbpSEUf8aO #rdguk pic.twitter.com/db0KQYYNej
— Reading Council (@ReadingCouncil) March 12, 2018
Cependant, avant de blâmer la pudibonderie des brodeuses du club d'Elizabeth Wardle, il convient de signaler qu'elles avaient confectionné leur réplique à partir des reproductions (dessins, gravures et photographies colorisées à la main) du South Kensington Museum (aujourd'hui Victoria and Albert Museum), à Londres. Sur ces reproductions (entièrement réalisées par des hommes, précise le musée), la censure des pénis médiévaux avait déjà été opérée.
Si vous souhaitez comparer la réplique à l'originale, sachez que la tapisserie de Bayeux est disponible au format numérique ici et que vous pouvez voir sa copie victorienne là.