Santé / Monde

Au Royaume-Uni, on conseille à des migrants traumatisés de faire des sudoku

C'est la réponse apportée aux migrants qui doivent être transférés au Rwanda, dont certains présentent des risques suicidaires.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson à l'aéroport de Lydd lors de l'annonce de l'accord avec le Rwanda concernant le transfert des demandeurs d'asile en situation illégale, le 14 avril 2022. | Matt Dunham / AFP
Le Premier ministre britannique Boris Johnson à l'aéroport de Lydd lors de l'annonce de l'accord avec le Rwanda concernant le transfert des demandeurs d'asile en situation illégale, le 14 avril 2022. | Matt Dunham / AFP

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur The Guardian

En avril 2022, le Royaume-Uni scellait définitivement un accord avec le Rwanda afin d'y transférer des demandeurs d'asile entrés illégalement sur le territoire, quelle que soit leur nationalité. Vivement critiquée notamment par des associations de protection des droits humains, il s'agit là d'une stratégie gouvernementale dont le but affiché est de dissuader les migrants d'accéder à la Grande-Bretagne par la Manche.

Le Guardian a révélé que les personnes qui encourent ce risque de transfert et présentent des comportements autodestructeurs ou suicidaires n'ont bénéficié d'aucune aide psychologique. En revanche, il leur a été conseillé... d'apprendre à jouer d'un instrument de musique ou d'essayer le sudoku.

Le quotidien prend l'exemple d'un homme de 40 ans, détenu depuis mai 2022 dans le centre d'expulsion des migrants de Colnbrook. Il a reçu une notice du ministère de l'Intérieur annonçant qu'il devait être transféré au Rwanda, et ses avocats ont jusqu'au vendredi 10 juin pour répondre. Lors de sa détention, le corps médical a constaté qu'il avait été victime de torture, potentiellement aussi d'esclavage, et indiqué qu'il présentait donc, à cause de ses traumatismes, un risque important de se faire du mal, dont de se suicider.

«Pack trauma»

Malgré l'avis médical, cet homme n'a pas eu droit à une consultation, mais à un document comportant des suggestions sur «comment se sentir mieux». Ces dernières incluaient «faites des mots croisés ou un sudoku», «jouez d'un instrument ou apprenez à en jouer», «essayez l'aromathérapie» ou encore «faites du coloriage ou de la peinture».

Le Guardian a pu se procurer la lettre qu'il a reçue d'un NHS Foundation Trust de Londres (un service associé à la sécurité sociale anglaise): «Vous avez été déclaré au service du bien-être psychologique pour un soutien à la suite des traumatismes que vous avez vécus par le passé. Malheureusement, nous sommes pour le moment dans l'incapacité de vous prodiguer des sessions de psychologie personnalisées en raison de circonstances imprévues.»

Cette même lettre l'informait ensuite qu'un «pack trauma», dossier de documentation sur les traumatismes, lui serait donné. Celui-ci propose «des informations sur le traumatisme, des techniques et des stratégies pour s'auto-soutenir».

Interrogé sur son sort, l'homme a répondu: «Je ne suis pas en mesure de réfléchir à cause de la perspective d'être envoyé dans un pays dont la situation est comparable ou pire que ce que j'ai fui en effectuant un voyage long et traumatisant.» Un migrant iranien se trouvant dans le même cas (ayant subi des tortures et devant être expulsé au Rwanda) a reçu une lettre similaire.

Gina Skandari, avocate de l'un d'eux, explique que le ministère de l'Intérieur à échoué à prendre des mesures adéquates quand il a été alerté des intentions de son client de mettre fin à ses jours. «Les problèmes de santé mentale dus aux traumatismes requièrent un traitement expert qui ne peut pas remplacer un pack d'informations recommandant de l'aromathérapie et une nouvelle coupe de cheveux», a-t-elle dénoncé.

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