Disponible en France depuis 1982, la pilule abortive devrait être autorisée au Japon d'ici à la fin de l'année, rapporte le Guardian. Cette avancée cache toutefois une triste réalité: les femmes seront obligées d'obtenir l'approbation de leur partenaire avant de pouvoir accéder au médicament.
Comme le souligne le journal britannique, le Japon fait partie des onze pays du monde où l'accord d'un tiers est nécessaire pour avoir recours à un avortement chirurgical, malgré les appels de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à cesser cette pratique.
Selon de nombreux militants, cette politique encadrée par la Maternal Health Protection Law de 1948 bafoue les droits reproductifs des femmes. Les associations appellent donc le gouvernement et les autorités sanitaires japonaises à se débarrasser de cette condition d'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).
«Le “consentement du conjoint” devient un problème lorsqu'il y a un désaccord avec ce dernier, ou que le conjoint oblige la femme à donner naissance contre son gré», commente Kumi Tsukahara, membre fondatrice de l'association Action for Safe Abortion Japan. «Être forcée à poursuivre une grossesse non désirée est une violence et une forme de torture.»
Cette mesure a déjà causé des conséquences tragiques par le passé. L'année dernière, une femme de 21 ans a été arrêtée après que le corps de son nouveau-né a été retrouvé dans un parc, raconte le Guardian. Condamnée à une peine de prison, la jeune femme a confié au juge qu'elle n'avait pas pu recourir à l'avortement puisqu'elle n'avait pas eu l'accord de son partenaire.
«Les femmes ne sont pas la propriété des hommes, soutient Mizuho Fukushima, députée de l'opposition, membre du Parti social-démocrate. Leurs droits doivent être protégés. Pourquoi une femme devrait-elle avoir besoin de l'approbation de son partenaire? C'est de son corps qu'il s'agit.»
Doublement inaccessible
En plus des contraintes inhérentes à l'approbation du partenaire, il semblerait que l'IVG médicamenteuse ne sera pas couverte par l'assurance maladie nationale. Cette intervention sera facturée 100.000 yens, soit environ 730 euros, précise le journal britannique. Pour les associations de défense des droits, il y a fort à parier que bon nombre de jeunes femmes ne pourront pas se payer le médicament, et devront donc mener jusqu'au bout des grossesses non désirées.
«Pour certaines femmes, l'avortement est impossible pour des raisons financières, explique Chiaki Shirai, professeur de sciences sociales à l'Université de Shizuoka. La contraception, l'avortement, la grossesse et l'accouchement devraient tous être financés par l'État.»
Le Guardian rappelle par ailleurs que le Japon a attendu quarante ans pour autoriser les contraceptifs oraux... quand il n'a mis que six mois à autoriser le Viagra. Selon les militants, ceci reflète bien le «peu d'interêt porté à la santé des femmes par le Parlement et la communauté médicale, majoritairement masculins».