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Alors l'iPhone 4, il est comment?

Apple espère que les quelques nouvelles fonctionnalités suffiront pour laisser l'iPhone sur son trône.

Temps de lecture: 5 minutes

C'est une sensation bizarre que d'assister à un événement Apple vidé de tout mystère. Lorsque la presse est convoquée à une keynote de Steve Jobs, on a généralement une vague idée de ce qu'il va nous révéler. On s'attend à chaque fois à ce qu'il nous annonce la sortie d'un nouveau téléphone au cours de l'été, mais d'habitude, on ne peut qu'essayer de deviner ses nouvelles fonctionnalités, à quoi il va ressembler, et si oui ou non il disposera enfin d'une autonomie décente.

Mais cette année, Gizmodo a doublé Jobs. Au mois d'avril, le site s'est procuré un prototype d'iPhone qu'un employé d'Apple avait oublié dans un bar de San Francisco, et l'a disséqué online. En mai, c'est sur un blog high-tech vietnamien que s'est retrouvé un autre prototype. Pour les punir, Apple a banni Gizmodo du discours que Jobs donnait à la conférence des développeurs lundi matin. (On n'en sait pas plus sur le sort réservé au blog vietnamien.) Au moment où le PDG est monté sur scène, le seul doute qui planait concernait le nom de ce nouvel iPhone. Serait-ce l'iPhone HD, comme l'avaient prédit certains? Ou bien est-ce qu'Apple avait décidé de rester dans le thème des protections féminines?

Le bug de Steve Jobs

Ni l'un ni l'autre, puisque le petit dernier d'Apple a été baptisé iPhone 4. Mouais. («Arrêtez-moi si vous l'avez déjà vu ailleurs» a plaisanté Jobs en affichant les photos du nouveau smartphone sur l'écran géant.) Un nom un peu déroutant, puisqu'il suggère que l'iPhone disposera d'un réseau «4G», ce qui n'est pas du tout le cas. Le 4 est tout simplement un numéro de version, et bien que Jobs ait annoncé que le boîtier externe de l'iPhone 4 servira d'antenne, il ne nous a pas promis meilleure réception sur le nouveau modèle, que ce soit des données ou bien de la voix de notre interlocuteur. En fait, lors de la démo, le nouvel iPhone a même eu du mal à afficher une page Web en Wi-Fi, tandis qu'en comparaison, l'ancien modèle 3GS s'en sortait très bien. Lorsque Jobs a demandé de l'aide sur scène, un petit malin a crié «Passez à Verizon!»: Verizon et AT&T sont les deux plus gros opérateurs de téléphonie mobile aux Etats-Unis, AT&T ayant un contrat d'exclusivité avec Apple sur la distribution de l'iPhone (Pour Jobs, c'était la faute des interférences émises par les centaines de routeurs personnels des blogueurs présents dans la salle. Pas impossible, puisqu'une fois que tout le monde eût éteint téléphones et ordinateurs, la démo s'est déroulée sans problème.)

Alors, que penser de ce nouvel iPhone? Jobs insiste sur le fait que l'iPhone 4 –qui sortira le 24 juin aux Etats-Unis et en Europe, au même prix que l'ancien modèle– possède un design radicalement différent. Mais comme je l'ai écrit après avoir vu le prototype de Gizmodo, pour moi, c'est peu ou prou le même téléphone. Le nouveau modèle a beau être 24% moins épais que l'ancien, au final ça ne représente que quelques millimètres, rien de vraiment remarquable donc. Ses bords sont carrés plutôt que ronds, et, nous dit Apple, moulés dans un nouveau type d'acier inoxydable plutôt que du plastique. Mais de loin, seuls les fans hardcore seront capables de distinguer le nouveau modèle de l'ancien, surtout que la plupart d'entre nous fourre son téléphone dans une housse en plastique.

Le multitâches, enfin

Ceci dit, il y a beaucoup de choses intéressantes dans cet iPhone 4. Déjà, un nouvel écran fantastique avec une résolution de 326 pixels par pouce (1 pouce = 2,54 cm, Apple affirme que c'est plus de pixels que l'oeil humain ne peut discerner), ce qui signifie des images et du texte beaucoup, beaucoup plus nets. Même un texte écrit tout petit sera lisible sur l'iPhone 4 –et pour ceux d'entre nous qui lisent énormément dans le noir, ce nouvel écran ne nous rendra pas aveugles. L'iPhone 4 dispose également d'un appareil photo 5 mégapixels qui permet aussi de filmer en HD, ainsi que d'un logiciel de montage vidéo pour bricoler ses propres films sur son téléphone. En plus de la HD, Apple a ajouté une seconde caméra pour faire de la visioconférence. Un gyroscope est également intégré à l'iPhone 4, permettant de détecter le mouvement sur six axes différents, ce qui signifie que les jeux pourront traduire des gestes précis en actions à l'écran. Enfin, le nouvel iPhone tournera sur un nouveau système d'exploitation autorisant le multitâches (vous pourrez enfin streamer de la musique en lisant vos mails), un client mail amélioré, et une interface moins chargée. (Les anciens modèles d'iPhone et l'iPod Touch pourront basculer gratuitement vers ce nouvel OS.)

Mais toutes ces super fonctionnalités sont-elles suffisantes pour garantir à Apple sa place de leader sur le marché du smartphone? L'iPhone en est à une phase très intéressante de son développement: trois ans seulement après sa sortie, c'est le produit le plus lucratif de la marque, et c'est également le smartphone qui établit le "standard" de l'innovation du marché mobile. Mais aujourd'hui, toutes les entreprises high-tech cherchent à détrôner l'iPhone. Android gagne du terrain, Microsoft s'apprête à lancer un nouveau téléphone Windows, et les smartphones de Palm sont désormais à surveiller de près maintenant qu'HP a racheté la société. Apple a également reçu beaucoup de mauvaise presse récemment: les élites high-tech se dressent contre la politique de "fermeture" de l'App Store, les poursuites engagées contre Gizmodo ont laissé un mauvais goût dans la bouche de tout le monde, et les conditions de travail un peu louches des usines chinoises où sont fabriqués iPhone et iPad ont soulevé des doutes quant à l'éthique d'Apple. Les grandes pontes de l'industrie se font un plaisir de rappeler à Apple ses erreurs de jeunesse, lorsque dans les années 80, la stratégie «cavalier seul» lui fit perdre le marché de l'ordinateur de bureau contre Microsoft. Cette stratégie, c'est celle qu'Apple suit aujourd'hui. La boîte de Steve Jobs serait-elle en train de répéter les erreurs du passé?

La rivalité Apple-Google a du bon

Lundi, Jobs s'adressant aux développeurs, il s'agissait donc de les convaincre qu'Apple ne comptait pas lâcher sa place de leader. Il s'en est bien sorti, rappelant que l'iPhone représentait maintenant 28% du marché des smartphones, moins que Blackberry, mais bien plus qu'Android ou Windows. Les utilisateurs d'iPhone génèrent à eux seuls près de 60% du trafic Web mobile, c'est à dire deux fois plus qu'Android. Mais les chiffres les plus impressionnants, ce sont les 5 milliards d'applis téléchargées sur l'App Store, et qui ont généré 1 milliard de dollars (environ 835 millions d'euros) de bénéfices pour les développeurs. Bref, rien ne suggère que l'empire Apple est sur le point de s'effondrer. Tout comme avec l'iPod, Apple s'acharne sur les mises à jour: juste au moment où ses concurrents le rattrapent, il les a déjà dépassés avec une toute nouvelle version.

Il est pourtant tout aussi fantaisiste de penser qu'Apple continuera à dominer le marché  du mobile en écrasant la concurrence, comme ils l'ont déjà fait avec l'iPod. Les concurrents d'Apple sont très bons, et plus le temps passe, meilleurs ils deviennent. Android attire de plus en plus de constructeurs et développeurs, et on retrouve le système d'exploitation de Google dans tout un tas de gadgets autres que des téléphones. Si Apple veut continuer à mener la danse, il va falloir ajouter sans arrêt de nouvelles fonctionnalités tout en conservant des prix bas. Est-ce qu'ils pourront tenir ce rythme? Espérons-le, et pas seulement pour le bien d'Apple, mais aussi parce que la rivalité intense du marché des smartphones a donné naissance aux gadgets les plus novateurs de la décennie. Des téléphones un peu plus extraordinaires chaque jour.

Farhad Manjoo. Traduit par Nora Bouazzouni.

Photo: Steve Jobs présente à la presse l'iPhone 4 le 7 juin 2010 à San Francisco, REUTERS/Robert Galbraith

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