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Le commerce équitable combat aussi les inégalités de genre

Autant à travers ses standards qu’avec la mise en place de programmes dédiés, le mouvement Fairtrade/Max Havelaar se bat activement contre les inégalités de genre et promeut l’empowerment des productrices et des travailleuses agricoles dans le monde.

Temps de lecture: 4 minutes

Les femmes représentent près de 40% de la main d’œuvre agricole dans les pays en voie de développement, ce ratio atteint même jusqu’à 80% dans certains pays, selon l’ONU.

Pourtant, elles sont souvent invisibles, non reconnues à la hauteur de leur investissement, voire non rémunérées. Les femmes cumulent les activités et sont considérées comme des aides sur les exploitations. Elles sont ainsi davantage exposées à la misère que les travailleurs et agriculteurs et se retrouvent dans une dépendance financière totale vis-à-vis de leur mari. Une discrimination souvent culturelle qui a du mal à évoluer.

C’est pourquoi le mouvement de commerce équitable Fairtrade/Max Havelaar se bat contre l’appauvrissement des productrices et contre les inégalités de genre depuis plus de trente ans.

Des conditions égales encadrées

Dans ses cahiers des charges, le label Fairtrade/Max Havelaar a inclus des critères spécifiques visant à protéger les femmes et à établir une égalité entre les femmes et les hommes.

Ainsi, dans ses exploitations agricoles, par exemple de thé, de coton ou encore de bananes, le label garantit un salaire équivalent pour les hommes et les femmes. Ça n’a l’air de rien, mais il s’agit pourtant d’un critère important car, d’après une étude de Fairtrade Advocacy Office, les agricultrices sont, à travail égal avec leurs collègues masculins, rémunérées 30 à 40% de moins qu’eux en moyenne.

Les cahiers des charges les protègent également grâce au contrat de travail obligatoire. Celui-ci doit inclure le droit de se regrouper en syndicats pour faire valoir leur voix, un droit de vote à l’égal des hommes, une protection sociale, le droit à la formation ou encore un congé maternité avec salaire garanti pendant cette période. Ce n’est pas forcément le cas dans le droit de chaque pays où les femmes sont bien souvent privées de ces avantages.

Avant tout, faciliter l’intégration des femmes

Avoir des critères protecteurs vis-à-vis des femmes est fondamental, mais encore faut-il s’assurer qu’elles puissent intégrer les coopératives de producteurs dont elles sont trop souvent exclues.

En effet, les agricultrices et productrices manquent généralement de protection juridique dans leur pays et, au-delà, sont souvent privées de leurs droits à la terre. C’est-à-dire qu’elles travaillent la terre sans en être propriétaires. La propriété de l’exploitation transmise par ses pairs est alors donnée aux hommes de la famille, à leur mari ou directement à leurs fils. Ainsi, moins de 20% des propriétaires fonciers dans le monde sont des femmes. Ce chiffre atteint même moins de 5% dans les régions d'Afrique du nord et d'Asie de l'ouest, selon l’ONU.

Le mouvement international Fairtrade/Max Havelaar a mis l’émancipation des femmes au cœur de sa stratégie 2020-2025 et se donne l’objectif d’augmenter la participation des femmes au sein des coopératives. Par exemple, il est proposé aux coopératives d’organiser systématiquement l’adhésion de tous les membres du ménage plutôt que de la restreindre au seul chef de famille.

De plus, des actions de plaidoyer sont menées sur le terrain, auprès des Etats et au sein des communautés. Les coopératives mettent en place des actions de sensibilisation à destination des femmes, en réunion ou via des radios locales, pour les encourager et les aider à faire valoir leurs droits.

Kabita Pujari, Shanti Dandasena et Dhanamani Nayak préparant un insecticide naturel à base de feuilles pour les champs de coton en Inde.

Crédit:2021 Ranita Roy 

Développer et valoriser les compétences des femmes

Les cahiers des charges du label Fairtrade/Max Havelaar préconisent d’établir un plan de développement de l’égalité hommes-femmes. Celui-ci vise à encourager les femmes à faire entendre leur voix, développer leurs compétences, faire partie des instances de décision, diversifier leurs revenus pour être indépendantes, etc. Une partie de la prime de développement peut d’ailleurs être utilisée en ce sens.

Les succès ne manquent pas. Dans le district de Huye, au sud du Rwanda, un café certifié Fairtrade/Max Havelaar est, par exemple, 100% produit et commercialisé par des femmes. Elles sont près de 3 000 membres de six coopératives à cultiver et traiter le café Angelique’s Finest. En prenant en charge l’ensemble des étapes de production, de la récolte à la transformation, les productrices gagnent 55% de plus par kilo de café vendu que si elles vendaient les grains de café vert.

A la coopérative Cayat en Côte d’Ivoire, les femmes se sont regroupées pour créer un élevage de poules. Cette activité leur permet de vendre sur le marché les œufs et les poulets, réduire les déchets de la communauté, distribuer gratuitement de l’engrais aux membres de la coopérative, etc. Elles sont ainsi devenues plus indépendantes financièrement, garantes d’une production plus écologique et reconnues pour leur entreprenariat.

Les Ecoles du Leadership des Femmes

Initialement créée en 2014 en Amérique Latine, puis dupliquée en 2017 en Côte d'Ivoire, grâce au soutien de l’Agence Française de Développement et du Fonds Français pour l’Environnement Mondiale (FFEM), Max Havelaar France et Faitrade Africa, l'Ecole du Leadership des Femmes est le programme phare du mouvement international Fairtrade pour lutter pour l'égalité femmes-hommes. Ce programme vise à favoriser l’autonomisation des femmes en renforçant leurs compétences et leurs connaissances tout en leur apportant confiance en elles.

Les élèves acquièrent des savoirs en matière de commerce, de négociation et de finance, ainsi qu’un ensemble d’outils pour endosser des rôles de direction au sein de leurs coopératives et communautés. Des hommes sont également formés au sein de ces écoles. A l’issue de la formation, ils deviennent ambassadeurs au sein de leur propre coopérative. Fortes du succès des premières éditions, de nombreuses écoles ont vu le jour au Salvador, en Côte d’Ivoire, au Kazakhstan et en Inde.

Remise de diplômes aux élèves de l’Ecole du Leadership des Femmes en Côte d’Ivoire. Crédit: 2021 Fairtrade Africa

Pour la productrice Rosine Bekouin, le programme de l’Ecole du Leadership des Femmes qu’elle a suivi en Côte d’Ivoire a été une révélation. «Avec l’école j’ai beaucoup appris sur l’économie. Je ne savais pas que je faisais partie de l’économie. Mais sur les 10 modules, celui qui a changé ma vie est celui sur la confiance en soi … Avec la confiance, tu peux être au-devant des choses et prendre des décisions. Et maintenant je suis la Secrétaire Générale de l’Association des femmes de la coopérative

Dorcas Muhoro, quant à elle, est à la tête de la Gitugi Tea Factory au Kenya. «En 25 ans d’existence, la coopérative de thé n’avait jamais eu à sa tête de femme dirigeante», souligne celle qui a su faire bouger les lignes. Avant de conclure, sur une note inspirante et pleine d’espoir: «ma position a fortement encouragé les femmes, elles ont réalisé qu’elles avaient une voix et qu’elles pouvaient se faire entendre, qu’en tant que femmes, elles pouvaient tout faire.»

Pour tout savoir sur le commerce équitable, lisez notre dossier

Demain sera équitable!

 

Photo illustration: Ana Maria Gutierrez, productrice de café au sein de la coopérative ATAISI au Salvador, est responsable d’une Association de femmes. Elle les accompagne pour atteindre leurs objectifs et les encourage à participer davantage aux instances décisionnelles. Crédit: RGBesMEDIA 

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