Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur The New York Times
Les véhicules étaient en si mauvais état que tous les 15 miles (environ 24 kilomètres), on trouvait des équipes de réparation. Voilà ce à quoi ressemblait le matériel de l'armée russe durant le conflit géorgien de 2008, selon le ministre russe de la Défense de l'époque. Le Kremlin avait alors annoncé le lancement d'une grande réforme pour rendre sa force militaire plus professionnelle et plus flexible. Mais d'après le New York Times, plus d'une décennie plus tard, les résultats sont insuffisants, comme le prouve la guerre en Ukraine.
Tous les observateurs se sont dit surpris de voir l'ampleur des difficultés rencontrées par l'armée russe en Ukraine. Vladimir Poutine prévoyait une guerre éclair qui lui aurait offert une victoire en quelques jours. Or, trois mois plus tard, son armée est toujours sur place et a dû abandonner Kiev.
Le fait est que cette «opération spéciale», comme l'appelle le Kremlin, a mis en lumière tous les défauts de l'armée russe hérités de la période soviétique: l'inflexibilité des structures de commandement et la dissimulation des pertes pour faire croire que tout se déroule toujours selon le plan.
Fidèle à son habitude, la Russie ne dévoile jamais ses faiblesses à moins d'y être forcée. Pas plus tard qu'en septembre dernier, un exercice militaire avait été organisé pour montrer à l'OTAN la capacité russe de déployer plus de 200.000 hommes de différentes branches de l'armée de manière coordonnée. Sauf que l'exercice était entièrement scénarisé et que les soldats avaient répété pendant des mois.
Une armée hybride
L'idée de la réorganisation de l'armée après 2008 était de sortir de la tradition centralisée de l'ère soviétique, en redonnant du pouvoir à des officiers de terrain, mais aussi en empruntant le tournant numérique. Seulement, de nombreux traditionalistes ont résisté à ces changements, car ils leur préféraient l'ancien modèle, avec ses gros effectifs et sa force concentrée. Et ce n'est pas le seul facteur qui a contribué à cet échec.
Le taux de natalité a plongé dans les années 1990, réduisant le nombre d'hommes susceptibles d'être enrôlés. Les salaires sont restés bas et la corruption s'est aggravée, menant à un nombre de recrutements insuffisant.
«L'armée russe a été conçue pour être constituée de millions d'hommes avec des stocks d'équipements sans fin», explique Michael Kofman, directeur des études sur la Russie du Center for naval analyses, un institut de recherche américain. «Elle a été conçue pour la troisième guerre mondiale avec l'OTAN, qui n'a jamais eu lieu.» Les analystes affirment que finalement, le changement amorcé en 2008 a créé une version hybride de l'armée, entre mobilisation de masse et force plus flexible, la rendant inefficace.
Pour William Alberque, directeur du programme de contrôle des armements à l'Institut international d'études stratégiques, la manière scénarisée dont l'armée russe pratique le combat est révélatrice: «Personne n'est testé sur sa capacité à penser sur le champ de bataille.» Les agents sont seulement évalués sur leur capacité à suivre des instructions.
Gleb Irisov, un ancien lieutenant de l'armée de l'air russe, ajoute qu'«ils utilisent la force militaire comme un outil de propagande». Le Kremlin prend ainsi l'exemple de la guerre en Syrie pour prouver l'efficacité de son armée et de l'entraînement prodigué à ses troupes. Alors qu'en réalité, elle a surtout usé de bombardements aériens.
Enfin, les analystes le rappellent: l'armée russe compte environ 900.000 soldats, ce qui n'est pas si imposant compte tenu du fait que le pays couvre onze fuseaux horaires différents.