En septembre 2021, les études internes commandées par Facebook au sujet des méfaits d'Instagram sur ses utilisateurs, et particulièrement sur les jeunes filles, avaient résonné comme un coup de tonnerre dans le monde entier. Instagram mettrait à mal la santé mentale des jeunes et aurait une influence particulièrement néfaste sur l'image corporelle de ses utilisatrices. Si ces révélations en avaient scandalisé plus d'un, les résultats de l'étude donnaient alors l'espoir d'une plus grande vigilance de la part du réseau social américain.
Et pourtant. Une récente étude menée par le Center for Countering Digital Hate (CCDH, «centre de lutte contre la haine numérique» en français), une association à but non lucratif axée sur l'analyse de la désinformation sur internet et du cyberharcèlement, rend compte d'un constat tout aussi alarmant, rapporte le Washington Post.
Reposant sur près de 8.700 messages haineux reçus par cinq femmes d'influence –dont l'actrice américaine Amber Heard– cette étude dévoile que, malgré les signalements des utilisatrices, Instagram n'a pas agi dans 90% des cas. Autrement dit, sur dix signalements, neuf sont restés sans réponse de la part des modérateurs. Une statistique édifiante que l'association considère comme un des éléments illustrant «une épidémie de harcèlement misogyne».
Les DM, du cyberharcèlement invisible
Alors que le cyberharcèlement est flagrant lorsqu'il apparaît sur des posts publics, il est bien moins visible au travers des messages privés, aussi appelés DM (direct messages). Comme le souligne le Washington Post, la boîte de réception d'Instagram est un «repaire de haine, en raison notamment de sa nature privée. Alors que la violence sexiste publique sur les plateformes numériques est courante, les messages privés sont moins surveillés, les harceleurs peuvent alors opérer en secret.»
Ce phénomène est par ailleurs mis en exergue et condamné dans le rapport du CCDH, qui tente de mettre en garde les utilisateurs de l'application: «Des menaces de harcèlement et de violence sexuelle portant sur le physique peuvent être envoyées par des inconnus, sans votre consentement, à tout moment et en grand nombre, directement dans vos DM. Et les plateformes ne font rien pour arrêter cela.»
Face aux conclusions apportées par le CCDH, Cindy Southworth, responsable de la sécurité des femmes sur Instagram, a pris la parole. Mais alors qu'elle reconnaît que les femmes sont souvent sujettes au harcèlement en ligne, elle réfute une partie des accusations portées à l'encontre de la filiale de Meta.
«Bien que nous ne soyons pas d'accord avec de nombreuses conclusions du Center for Countering Digital Hate, nous convenons que le harcèlement des femmes est inacceptable. C'est pourquoi nous n'autorisons pas la haine de genre ou toute menace de violence sexiste et sexuelle. L'année dernière, nous avons par ailleurs annoncé des protections plus fortes pour les personnalités publiques féminines.»