Au sud-est de l'Ukraine, Marioupol, avec ses quelque 430.000 habitants, est devenue la ville la plus bombardée du pays depuis le début de la guerre. BBC News a analysé quatre raisons pour lesquelles elle est actuellement la cible de l'armée russe.
1. Créer un couloir stratégique entre la Crimée et le Donbass
Marioupol se trouve sur le chemin de l'armée russe qui, arrivant depuis la péninsule de Crimée, voudrait rejoindre la région du Donbass. Les troupes essaient d'avancer vers le nord-est de l'Ukraine, et la ville est malheureusement sur leur chemin pour rejoindre leurs alliés séparatistes. Pour le général Richard Barrons, ancien commandant anglais, capturer cette ville est stratégiquement vital: «Quand les Russes l'auront fait tomber, ils auront un pont terrestre entre la Russie et la Crimée, ce qui sera vu comme un succès stratégique majeur.» De plus, si Marioupol venait à tomber, les Russes contrôleraient 80% de la côte ukrainienne en mer Noire, contribuant ainsi à isoler le pays du reste du monde.
Dans cette ville, la résistance ukrainienne est très volontaire et plutôt efficace depuis le début de l'invasion, mais cela a poussé les forces russes à utiliser une version moderne des techniques de siège médiévales: couper l'accès à l'électricité, au chauffage, à la nourriture et aux fournitures médicales. Le Kremlin accuse l'Ukraine d'être responsable de cette catastrophe humanitaire en refusant de se rendre.
Si la ville tombe, les 6.000 soldats russes mobilisés pourront venir renforcer les autres fronts comme celui du Donbass, d'Odessa ou de Dnipro.
2. Étouffer l'économie ukrainienne
Marioupol est un port très important qui permet d'exporter du maïs, du charbon et de l'acier jusqu'au Moyen-Orient et au-delà. Depuis l'annexion de la Crimée en 2014, la ville était déjà prise en sandwich entre les forces russes de la péninsule et les républiques séparatistes de Lougansk et de Donetsk.
3. Une opportunité pour la propagande russe
Marioupol abrite une partie de la milice ukrainienne Azov qui compte dans ses rangs des militants d'extrême droite et des néonazis. Ils forment une petite partie des forces de combat ukrainiennes, mais sont un bon outil de propagande pour Moscou qui veut convaincre ses soldats de lutter contre le fascisme. C'est un argument idéologique pour justifier l'envoi de jeunes hommes au front.
4. Un enjeu pour le moral des deux camps
Capturer Marioupol permettrait au Kremlin de montrer l'avancement de l'invasion à travers les médias d'État. Il y a pour Vladimir Poutine une signification historique au contrôle des côtes ukrainienne en mer Noire, qui appartenaient à l'Empire russe au XVIIIe siècle. En revanche, pour les Ukrainiens, une défaite à Marioupol n'aurait pas qu'un coût militaire et économique: il serait aussi psychologique, notamment pour la résistance dans le reste du pays. Elle serait la première grosse ville stratégique perdue dans la guerre.
Pour Richard Barrons, «l'armée russe ne pouvait pas entrer avec ses chars, alors elle a tout détruit. C'est ce que nous devons nous attendre à voir ailleurs.»