Politique

Et Jospin, il veut pas y aller aussi?!

[BLOG You Will Never Hate Alone] L'accumulation des candidatures à gauche est tellement ubuesque que celle de Lionel Jospin pourrait presque apparaître comme naturelle.

Un homme d'une grande intégrité intellectuelle. | jcy1 <a href="https://www.flickr.com/photos/jyc1/4580262173/">via Flickr</a>
Un homme d'une grande intégrité intellectuelle. | jcy1 via Flickr

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À bien y réfléchir, Lionel Jospin fut la dernière personne de qualité issue des rangs de la gauche gouvernementale à s'être présentée à l'élection présidentielle. Il n'était peut-être pas le plus chaleureux des hommes mais il avait pour lui cette intégrité morale et intellectuelle qui sied à ceux qui envisagent l'exercice du pouvoir, comme un adage, une manière de servir l'État au nom de convictions forgées à l'aune d'une vraie discipline intérieure.

Chacun à leur manière, Ségolène Royal et François Hollande furent juste des trublions, des candidats de circonstance chez qui on cherchait en vain cette pesanteur, cette profondeur, cette épaisseur sans laquelle hommes et femmes de pouvoir vont dans la vie aiguillonnés du seul désir d'assouvir leurs ambitions particulières ou d'épater la galerie. Leur manquaient cette force de caractère, cette opiniâtreté, cette appétence pour le travail de l'esprit –la connaissance du cœur humain dans son ensemble– autant de qualités qui permettent de fondre dans le même élan aspirations personnelles et destin collectif.

À force de n'avoir aucune idée, d'être sans réelle consistance, de jouer la comédie du pouvoir sans jamais vraiment l'incarner, les deux ont précipité la gauche dans un ravin sans fond, une véritable ode à la médiocrité dont les répliques se font ressentir jusqu'à aujourd'hui. Le spectacle donné ces jours-ci par la gauche n'est que la conséquence logique d'un abandon du combat intellectuel pour des joutes identitaires ou sociétales à mille lieues des préoccupations des Français.

Avoir oublié que la première des inégalités était celle qui touchait, au-delà de leur genre, de leur origine, les êtres condamnés à vivre une existence frappée du sceau de la pauvreté et de la précarité constitua la faute originelle, le point de bascule qui vit la gauche se renier pour devenir une ambassade de la classe moyenne voire même des classes aisées, une gauche certes bienveillante et animée des meilleures intentions mais incapable de répondre à l'étranglement économique subi par ceux que la mondialisation a réduit à la condition de simples faire-valoir, de chainons corvéables à merci.

C'est ainsi qu'on se retrouve aujourd'hui avec des candidatures fantômes voire fantasques si ce n'est fantasmatiques. Anne Hidalgo, la première partie, semble désormais porter sur ses épaules tous les chagrins du monde. On lit au fond de son regard l'incrédulité de celle qui découvre un brin ahurie que si Paris est la capitale de la France, elle incarne aussi un monde dont les valeurs de clinquant et d'esbroufe sont aux antipodes de ceux qui vivent loin de sa sphère d'influence.

À la voir s'agiter comme d'autres remuent des bras pour ne point se noyer, on en viendrait presque à l'admirer. Lâchée par tous, étrangère dans son propre parti, moquée par ceux censés la soutenir, sa campagne ressemble à un interminable chemin de croix où chaque jour passé apporte son lot de contrariétés. J'ignore si et où elle trouvera la force nécessaire pour tenir jusqu'en avril, mais sa vaillance à ne point abdiquer comporte quelque chose d'émouvant et de pathétique, le courage désespéré du renégat abandonné de tous.

On ne peut pas en dire autant de Christiane Taubira dont l'orgueil à se présenter à tout prix n'a d'égal que sa propension à vouloir rajouter de la confusion à une situation qui n'en manquait pourtant déjà pas. On peine à comprendre la logique de sa démarche si ce n'est de parader une dernière fois sous les feux de la rampe, de jouer sa partition pour mieux nous dire quelle femme extraordinaire elle est.

Chez Taubira, il y a toujours beaucoup d'emphase, une afféterie tellement affirmée, scandée d'une manière si péremptoire, qu'elle finit par provoquer à la longue comme une sorte de rejet. Parfois brillante, souvent cassante, bien souvent exaspérante, son absence de modestie alliée à une très haute idée de sa personne possède une brutalité qui serait celle d'une intransigeance nimbée d'une radicalité plus ou moins tronquée. On l'aimerait plus humaine là où elle demeure souverainement hautaine, un obstacle de taille quand on ambitionne de recoller les pièces d'un puzzle éparpillé.

Quant au dernier en date à avoir eu envie de se mêler au naufrage annoncé, notre petit farceur d'ancien président, on voudrait voir dans cette démarche la seule expression d'un esprit particulièrement taquin. Se penser comme l'homme providentiel ou le dernier recours quand son magistère fut une suite de déconvenues, de renoncements, d'exaltation d'une constante et lumineuse médiocrité, a quelque chose de si grotesque, de si désespéré, que mieux vaut en sourire pour ne point pleurer tout à fait.

Reste donc notre Lionel national. 84 balais au compteur. L'âge mûr où, devant la mort qui s'avance, on peut enfin s'installer à l'Élysée afin de mieux fendre l'armure...

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