Mettre son réveil à 5h, débuter la journée par une séance de yoga avant le travail, boire un jus de citron. C'est ce que vous avez lu dans un récent ouvrage de développement personnel pour améliorer votre quotidien. Pour vous, ça fait sens: après tout, ne disons-nous pas que «le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt»? Mais saviez-vous que cette obsession pour les routines matinales ne date pas d'hier?
Aux États-Unis, les morning routines remontent aux premiers penseurs, qui croyaient que les heures matinales étaient la clé de la réalisation du rêve américain. Benjamin Franklin, un des pères fondateurs de la nation, pensait par exemple déjà que son succès était en partie dû à son réveil à 5h du matin. Son autobiographie de 1793 décrit son rituel: chaque jour de 5 à 7h, il «se levait, se lavait et s'adressait à la puissante Bonté»; puis il consacrait du temps à «préparer les affaires du jour et prendre la résolution du jour, poursuivre l'étude en cours et prendre le petit déjeuner».
De l'optimisme américain à l'affirmation de soi
Ces quelques lignes sont peut-être la trace de la première miracle morning jamais écrite de l'histoire des États-Unis. Ce qui est sûr, c'est qu'elles ont déclenché une obsession du lever tôt et de tout ce qui l'entoure. Car outre le fait de commencer aux aurores, la routine de Benjamin Franklin était intrinsèquement positive, menant à l'idée qu'une attitude enthousiaste le matin ne pouvait que donner une journée réussie.
En parallèle de cet optimisme américain, les morning routines mettent souvent l'accent sur l'amélioration de soi: petit déjeuner sain, moment de prière ou de réflexion, exercices physiques. C'était le cas de la routine de John Quincy Adams, qui avant d'être président se levait entre 5 et 6h du matin pour se baigner dans une rivière et faire une promenade de deux heures.
Le matin est aussi un moment où le tourbillon de la vie n'a pas encore débuté. On peut alors se consacrer à nos priorités. Ainsi, l'autrice Toni Morrison expliquait qu'«écrire avant l'aube a commencé par être une nécessité» lorsqu'elle a dû s'occuper de ses enfants et concilier son travail d'éditrice de livres avec ses propres projets créatifs.
Au XXe siècle, avec la prolifération des tabloïds, la morning routine s'est ancrée davantage dans la culture américaine. Tout à coup, une nouvelle fixette nationale s'est développée, celle des rituels matinaux des célébrités. Les lectrices voulaient connaître les secrets beauté de Marilyn Monroe ou d'autres pour les appliquer.
Puis, dans la seconde moitié du siècle, avec l'émergence des livres de développement personnel s'est installé un nouveau langage. La pensée positive de Franklin est devenue l'«affirmation de soi», et son habitude d'adopter «la résolution de la journée» s'est muée en «planification par quadrant» du gourou Stephen Covey, auteur de Les Sept Habitudes des gens efficaces. Aujourd'hui, la tendance a toujours pour leitmotiv le self-care.