Santé / Société

Vaccinés, non-vaccinés, le casse-tête des fêtes de fin d'année

À l'approche des réveillons de Noël et du Nouvel An, de nombreuses familles tentent tant bien que mal de s'organiser pour se réunir en toute sécurité.

<em>«S'il le faut, je me sacrifierai et j'irai manger ma part de bûche dans la cuisine»,</em> plaisante Marguerite, 78 ans, qui se languit d'accueillir ses proches. | Juliette F <a href="https://unsplash.com/photos/fb0_wj2MZk4">via Unsplash</a>
«S'il le faut, je me sacrifierai et j'irai manger ma part de bûche dans la cuisine», plaisante Marguerite, 78 ans, qui se languit d'accueillir ses proches. | Juliette F via Unsplash

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«Les fêtes, c'est toujours le cirque, mais alors cette année, c'est le pompon!» Marguerite, 78 ans, est habituée à recevoir tous ses enfants et petits-enfants dans sa grande maison de Bourgogne pour Noël. Après l'annulation du réveillon 2020 à cause du Covid-19, elle compte bien se rattraper cette année, malgré une organisation encore plus compliquée qu'à l'accoutumée. «Entre les vaccinés et les non-vaccinés, celles et ceux ayant reçu leur troisième dose et les autres, les antivax, les anti-pass… c'est un enfer!», confie la retraitée qui a donc décidé de faire plusieurs tables où chacun s'installera en fonction de son niveau de vaccination et de son degré de risque pour pouvoir dîner tous ensemble tout en limitant les risques. «Je vais faire trois ou quatre tablées différentes dans le salon. Je vais avoir l'impression de tenir un restaurant. De toute façon, entre les végétariens, les sans gluten, ceux qui n'aiment pas le poisson ou les fruits de mer, je prévois déjà plusieurs menus différents, donc autant jouer le jeu à fond.»

En dehors des repas, tout le monde –même les enfants– portera un masque et respectera les gestes barrières. «C'est contraignant, mais si c'est le seul moyen de se retrouver, on fera avec. Et s'il le faut, je me sacrifierai et j'irai manger ma part de bûche dans la cuisine», plaisante Marguerite qui se languit de pouvoir organiser ce rassemblement avec sa famille et ses amis et surveille chaque jour les nouveaux taux de contamination.

Passer les fêtes «l'esprit tranquille»

Sa crainte: que la cinquième vague joue la trouble-fête alors que la campagne vaccinale semblait avoir mis un coup d'arrêt à l'épidémie. Si, l'an dernier, de nombreuses familles ont choisi d'annuler leurs retrouvailles ou de s'astreindre à la règle des «six autour de la table», cette fois-ci la vaccination permet d'envisager les fêtes de manière un peu plus sereine. En théorie. Car, en pratique, il s'avère difficile de réconcilier vaccinés et non-vaccinés. «Je ne suis pas certain de rejoindre mes proches pour les fêtes. Je suis le seul de la famille à être vacciné et je ne veux pas prendre le risque de les contaminer, surtout mes grands-parents qui ont plus de 80 ans», confie Julien, 23 ans, qui pense donc organiser un réveillon de Noël avec ses amis vaccinés pour passer les fêtes «l'esprit tranquille.»

«Je ne veux pas avoir la mort d'un proche sur la conscience.»
Mathias, 39 ans

Dans le même souci de sécurité, d'autres, comme Mathias, posent leurs conditions dès le début: «Je sais que cela ne fait pas trop “esprit de Noël”, mais j'ai envoyé une sorte de faire-part par e-mail à tous mes invités, explique ce jeune papa de 39 ans qui organise le réveillon pour la première fois. J'y précisais la date et l'heure, mais surtout, j'y ai écrit que chaque personne présente ce soir-là, qu'elle soit vaccinée ou non, agissait en ayant conscience des risques et qu'elle assumait ses choix. C'est purement symbolique, évidemment, mais c'est une manière de responsabiliser tout le monde et d'en inciter un maximum à faire un test de dépistage

Une méthode qui ne fait pas l'unanimité auprès de ses convives, puisque deux des membres de sa famille se sont désistés après l'envoi du message. «Je viens de m'engueuler avec ma tante et mon cousin, soupire-t-il. Ils ne sont pas vaccinés et ne veulent pas se faire tester avant le dîner. Ils m'ont expliqué avoir reçu mon mail comme une insulte et une discrimination.» Mathias se défend vivement. Il avance la diminution de la charge virale et de la contagiosité chez les personnes vaccinées. «J'essaye de me baser sur les données que nous donnent les scientifiques et d'être le plus juste possible. Je ne veux simplement pas avoir la mort d'un proche sur la conscience.»

Des débats houleux autour de la table

C'est pour s'épargner ce genre de conflits qu'Alice, 30 ans, a choisi de se faire vacciner spécialement pour l'occasion. «J'étais réticente au vaccin, j'avais peur du manque de recul, mais pour pouvoir passer Noël avec mes proches sans craindre de les mettre en danger, j'ai sauté le pas. Je recevrai ma deuxième dose le 18 décembre, pile à temps pour partir voir ma famille en Bretagne», explique la jeune femme, qui confie être apaisée de savoir que le sujet ne sera pas abordé en famille. «Mes parents et mon frère me tannent depuis des mois pour que je me fasse vacciner. Je sais que c'était pour mon bien, mais je le ressentais comme une forme de pression très lourde à porter. Maintenant que c'est fait, je sais que tout le monde sera plus détendu autour de la table. On pourra simplement profiter les uns des autres et on évitera ces débats sans fin.»

«J'ai un oncle antivax et complotiste à mort. On va se prendre la tête, c'est sûr et certain.»
Luna, étudiante en droit

Les inévitables débats entre pro- et anti-pass, vaccinés et non-vaccinés, Luna, elle, va devoir s'y coller. À son plus grand désarroi. «J'angoisse déjà», confie cette étudiante en droit qui sera de retour chez ses parents pour les fêtes. «J'ai un oncle antivax et complotiste à mort, à base de puces 5G dans les doses de Pfizer et de risques de devenir autiste. On va se prendre la tête, c'est sûr et certain. Ma mère m'a déjà briefée pour que je n'aborde pas ces sujets-là, mais c'est lui qui déblatère toujours ses théories sans qu'on ne lui demande rien.» Pour se préparer, Luna se fait des «antisèches» où elle note les chiffres et conclusions scientifiques vérifiées qu'elle pourra opposer aux arguments fantaisistes de son oncle. «Ça ne servira à rien, je sais que je ne le ferai pas changer d'avis, mais au moins, je pourrai lui répondre posément, sans me mettre à hurler. Ce sera ça, ou alors je ferai la sourde oreille et je ne dirai pas un mot, je ne sais pas encore. Au pire, s'il faut détendre l'atmosphère, on aura qu'à parler de la campagne présidentielle», ironise la jeune femme.

Le respect des gestes barrières toujours de mise

Pour éviter les disputes, d'autres comme Karim optent pour une approche plus radicale: «Interdiction de parler du vaccin ou du pass à table!» Après plusieurs repas de famille qui ont dégénéré, ce père de famille a tranché: «On sait que nous n'avons pas tous le même avis sur le sujet. On en parle depuis plus d'un an, donc pour Noël, on fait un break. On va célébrer plusieurs fêtes et plusieurs cultures autour de la table. Ma sœur vient spécialement de l'étranger, je ne l'ai pas vue depuis deux ans, mon fils nous présente sa nouvelle petite amie et ma fille rentre de la fac après six mois loin du foyer. On aura largement à faire niveau sujets de discussion, pas besoin de s'écharper», assure-t-il en confiant être plus inquiet quant à la hausse des contaminations et de la propagation du variant Omicron. «Je ne veux pas prendre de risques, donc si la situation dégénère, on devra peut-être annuler les fêtes, cette année encore. Ou ne les passer qu'entre personnes vaccinées.»

Pour l'instant, le gouvernement assure que la vaccination et le bon sens des Français peuvent suffire pour «sauver Noël». D'ici les fêtes de fin d'année, les autorités sanitaires recommandent de restreindre ses interactions sociales. Lors du réveillon, il peut être judicieux de limiter le nombre de convives à table, surtout en présence de personnes fragiles. Enfin, plus que jamais, il est impératif de respecter les mesures barrières: aérer les pièces dix minutes toutes les heures, conserver le masque et la distanciation physique lorsque c'est possible, se faire tester avant les fêtes de fin d'année et s'assurer que les personnes vulnérables ou âgées de plus de 70 ans soient vaccinées.

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