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Un sportif au Panthéon, c'est pour quand?

[BLOG You Will Never Hate Alone] En ce jour où on célèbre la panthéonisation de Joséphine Baker, on pourrait se demander pourquoi aucun athlète n'a encore connu pareil honneur.

Un sportif, homme ou femme, aurait toute sa place dans l'enceinte du Panthéon. | motfemme <a href="https://www.flickr.com/photos/motfemme/5055444163/">via Flickr</a>
Un sportif, homme ou femme, aurait toute sa place dans l'enceinte du Panthéon. | motfemme via Flickr

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Aujourd'hui entre au Panthéon Joséphine Baker. Elle y rejoindra des hommes et des femmes politiques, des scientifiques, des militaires, des écrivains, des résistants, toute une galerie de personnalités qui chacun à leur manière incarnèrent la flamboyance du génie français. Pour autant, dans cette liste de noms prestigieux, on chercherait en vain le nom d'un sportif, d'une athlète qui, non seulement aura marqué de son empreinte sa discipline, mais aussi permis à la France de s'illustrer au plan international.

Et on se demande bien pourquoi.

Après tout, nos sportifs n'incarnent-ils pas à leur manière les valeurs de la République dont ils portent haut l'étendard lors d'événements internationaux? Ne sont-ils pas eux aussi des «grands hommes» dont les exploits font rêver des millions et des millions de Français, toutes générations confondues? Ne font-ils pas vibrer l'orgueil national au point d'amener des gens de tous horizons, de toutes conditions, à fraterniser le temps d'une compétition? N'incarnent-ils pas le cœur battant d'une France qui triomphe et impose le respect au monde entier, des héros des temps modernes qui défendent nos couleurs comme le faisaient naguère nos plus vaillants généraux?

Pourquoi Raymond Kopa, décédé en 2017, n'aurait-il pas les honneurs de la patrie reconnaissante? Il était d'origine polonaise. Il passa une partie de sa jeunesse à travailler dans les mines. Il fut le premier Français à remporter la Coupe d'Europe des clubs champions, l'ancêtre de la Champions League, avec le Real de Madrid. Nommé meilleur joueur de la Coupe du monde 1958 où la France finit troisième, il fut le premier Français à remporter le Ballon d'or... À bien des égards, il fit plus pour le prestige de la France que n'importe quel écrivain, chanteur, homme politique de son temps.

Et Alain Mimoun, pourquoi sa dépouille ne reposerait-elle pas parmi celles de Simone Weil ou de Jean-Jacques Rousseau? Qu'y aurait-il de si incongru à ce qu'un marathonien émérite, médaille d'or aux Jeux Olympiques de Melbourne, auteur d'une course de légende qui fit chavirer la France entière, un homme dévoué à sa patrie, ne soit pas honoré de la même manière qu'un homme politique ou un scientifique? D'ailleurs, pour ses obsèques, il eut le droit à un hommage national dans la cour d'honneur des Invalides en présence du président de la République. Comme quoi…

 

 

Car, au fond, qu'est-ce qui empêcherait un sportif de rentrer au Panthéon? Si l'on considère que le sport est un moyen pacifique trouvé par les nations pour perpétuer l'art de la guerre, si les grandes compétitions internationales sont la sublimation d'une rivalité entretenue autrefois sur les champs de bataille, si une rencontre de Coupe du monde entre la France et l'Allemagne perpétue un affrontement pluricentenaire, ceux qui s'y illustrent, ceux qui font triompher les couleurs tricolores, ceux qui terrassent leur adversaire, ne mériteraient-ils pas la reconnaissance de la nation toute entière?

L'idée, à n'en pas douter, dérangera. Ou prêtera à sourire. Dans un pays comme la France où nos élites ont toujours montré un parfait dédain vis-à-vis du monde sportif, une sorte de condescendance hautaine, un sportif est la plupart du temps considéré comme un simple d'esprit tout juste bon à pousser un ballon ou à courir sur une piste d'athlétisme. À lui, on ne prêtera aucun génie si ce n'est d'être assez populaire pour susciter l'admiration de nos enfants. Rien de plus.

Pourtant, à sa manière, une nageuse, un sprinteur, ne représentent-ils pas ce que l'être humain porte de plus haut en lui: le dépassement de soi, l'abnégation, l'apprivoisement de la souffrance, la capacité à se sublimer, la volonté de reculer toujours plus loin les limites du possible, la force de caractère, le don de sa personne, l'exemplarité d'une existence consacrée à la conquête d'un titre olympique, le modèle d'une jeunesse en manque de repères?

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Et puisque cette quête s'opère au nom de la France, puisque le pays tout entier se reconnaît dans son triomphe, puisqu'il porte à son firmament les couleurs du drapeau national, puisque son succès apporte à la France respect et considération, puisqu'il est une incarnation du génie national, le sportif, homme ou femme, a toute sa place au panthéon de nos illustres gloires.

C'est oracle ce que je dis.

Vous verrez, un jour prochain, quand leur heure viendra, sous les vivats de la foule nombreuse et émue, une quelconque présidente de la République, du haut de son perchoir, en considérant les cercueils posés devant elle, d'une voix vibrante, le Panthéon derrière elle, s'exclamera:
«Entre ici Marie-Jo, entre ici Zinedine...»

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