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Comment reconnaître les symptômes de l'AVC chez l'enfant

Chaque année, entre 500 et 1.000 jeunes et nourrissons sont victimes d'un accident vasculaire cérébral, dont 5% décéderont.

Quel que soit son âge, l'enfant sera amené à rencontrer un certain nombre de spécialistes. | Pavel Danilyuk <a href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/femme-etre-assis-enfant-clinique-5998453/">via Pexels</a> 
Quel que soit son âge, l'enfant sera amené à rencontrer un certain nombre de spécialistes. | Pavel Danilyuk via Pexels 

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«Nous étions à table en train de préparer le goûter quand, tout d'un coup, Amandine s'est figée. Sa bouche s'est déformée et elle a lâché le petit moule qu'elle avait dans la main. Elle avait l'air totalement perdue. Je n'ai rien compris à ce qui se passait. Ma fille était là, devant moi, à essayer de me parler sans y arriver. Je l'ai prise dans mes bras et j'ai machinalement composé le 15. La régulatrice m'a d'abord dit que ce devait être de la fatigue. Mais Amandine sortait de sa sieste et j'ai insisté pour parler à un médecin. Celui-ci a immédiatement fait venir le SAMU et Amandine a pu être prise en charge rapidement.»

Lorsqu'elle raconte l'accident vasculaire cérébral (AVC) de sa fille, 5 ans à l'époque, Sonia est toujours sous le choc. «Ça a été si rapide! Je ne savais absolument pas que l'AVC pouvait toucher des enfants, surtout en bonne santé. Quand, à l'hôpital, les médecins m'ont expliqué, je n'arrivais pas à l'entendre. C'était juste impossible. Et pourtant…» Parce qu'elle a été très vite prise en charge et diagnostiquée, Amandine a pu bénéficier d'un traitement de phase aiguë, une thrombolyse. Si la fillette garde quelques séquelles et qu'elle continue d'avoir des séances de rééducation, elle a fait cette année sa rentrée en sixième, à 11 ans.

Sous-estimation

En France, chaque année, ce sont entre 500 et 1.000 enfants qui sont victimes d'un AVC –dont 5% décéderont. Or, selon un sondage Odoxa pour la Fondation pour la recherche sur les AVC réalisé en 2018, près de 8 Français sur 10 sous-estiment le nombre de nourrissons et d'enfants victimes d'un AVC –ils sont même 13% à déclarer que «cela n'existe pas». En outre, 78% des Français avouent ainsi qu'ils n'en reconnaîtraient pas les symptômes chez un bébé ou un enfant. Enfin, une large majorité n'aurait pas le réflexe d'appeler le SAMU et un bon nombre attendrait simplement de voir comment les symptômes évoluent.

On mesure aisément l'incrédulité de parents face à des enfants qui montreraient des signes d'AVC pourtant assez semblables à ceux des adultes, comme l'explique la docteure Manoëlle Kossorotoff, neuropédiatre à l'hôpital Necker-Enfants malades et coordinatrice du Centre national de référence de l'AVC de l'enfant: «Dans 90% des cas, chez l'enfant, le principal symptôme est un déficit moteur hémicorporel avec des troubles du langage de survenue brutale.» Ces symptômes –paralysie d'un membre ou d'un côté et difficultés à articuler et/ou à émettre un discours intelligible, peuvent être accompagnés d'autres déficits d'un seul côté comme une perte de la vision d'un hémichamp ou des troubles sensitifs hémicorporels ainsi que de vertiges, des troubles de la coordination des mouvements volontaires et de violents maux de tête.

Le docteur Grégoire Boulouis, neuroradiologue interventionnel dans le service de radiologie pédiatrique de l'hôpital Necker-Enfants malades et au CHU de Tours ajoute cependant: «Chez les plus jeunes, les symptômes sont parfois plus frustes, avec simplement une baisse de la vigilance, des difficultés à rester réveillé ou encore une crise d'épilepsie.»

Soins et prévention

Du côté du corps médical, Viviane Noleau, trésorière de l'association AVC de l'enfant et dont la fille a eu ce type d'accidenr à l'âge de 2 mois, souligne que «tous les médecins ne sont pas très bien formés à l'AVC de l'enfant ou, tout du moins, ils n'ont pas forcément le réflexe d'y penser». Elle reconnaît avoir eu de la chance: le pédiatre de sa fille a tout de suite évoqué une ischémie face à ses convulsions et elle a pu être conduite rapidement à l'hôpital. Ce n'est malheureusement pas le cas de tous les enfants, reconnaît le Dr Boulouis: «Même si une majorité des petits patients arrive à être prise en charge dans la journée au sein d'un centre d'expertise, il arrive souvent que nous accueillions des enfants dont l'AVC remonte à plusieurs jours. Or, il est crucial que la prise en charge soit aussi rapide que possible. On parle en heures, sinon en minutes.»

Pour bien comprendre l'importance d'agir vite, il faut saisir de quoi on parle. L'AVC de l'enfant prend deux formes: il peut être soit hémorragique –c'est-à-dire qu'un vaisseau se rompt, ce qui crée un ou des saignements dans le cerveau, soit ischémique, ce qui signifie qu'un caillot est venu boucher un vaisseau. Dans les deux cas, une partie ou des parties du cerveau cessent de recevoir leur apport habituel de sang transportant les substances nutritives vitales et l'oxygène. Les cellules cérébrales meurent et provoquent une perte des fonctions cérébrales.

«Il est crucial que la prise en charge soit aussi rapide que possible. On parle en heures, sinon en minutes.»
Dr Boulouis, neuroradiologue interventionnel

Le rôle des médecins consiste soit à stopper l'hémorragie, soit à déloger le caillot –ce qui peut parfois se faire avec des techniques peu invasives en neuroradiologie interventionnelle ou avec des médicaments. Dans certains cas, il faut en passer par la neurochirurgie. Au moment d'intervenir, le médecin a également un rôle préventif: il doit faire en sorte d'éviter que l'accident ne se reproduise en diagnostiquant d'éventuelles maladies (de la simple infection virale, comme la varicelle, à une maladie génétique, comme la drépanocytose) ou malformations responsables d'AVC –en sachant que dans 50% des cas, la cause est inconnue.

Une longue rééducation

Une fois l'urgence gérée, une longue rééducation attend les enfants, qui sont en plein développement moteur et cognitif. Elle aura non seulement pour rôle de leur faire récupérer leurs acquis, comme la marche par exemple, mais aussi de développer de nouveaux apprentissages comme la lecture, l'écriture ou le calcul. Pour les parents d'enfants victimes très jeunes, c'est «comme naviguer à vue» pour reprendre l'expression de Vivianne Noleau. «Ma fille était bien trop jeune pour qu'on puisse voir immédiatement les séquelles. Elle n'était même pas sortie de la période où un bébé bouge autrement que par mouvements réflexes…»

Alors, quel que soit son âge, l'enfant, selon les atteintes et selon la manière dont ses déficits évoluent, mais aussi en fonction de ses besoins, sera amené à rencontrer un certain nombre de spécialistes: kinésithérapeute, orthophoniste, psychomotricien, ergothérapeute. «C'est un grand saut dans le monde du handicap et nos vies se retrouvent bouleversées», témoigne Viviane Noleau. Nombre de parents se retrouvent aspirés par des démarches administratives chronophages et laborieuses et il n'est pas rare que l'un d'eux, souvent la mère, arrête de travailler.

Si des structures de prise en charge comme les Centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) offrent notamment jusqu'à 6 ans un suivi pluridisciplinaire, selon les régions il est parfois difficile de trouver un ou des spécialistes disponibles. Certains parents n'auront pas d'autres choix que de se tourner vers le libéral où les soins ne sont pas toujours pris en charge à 100%. Tout n'est jamais ni tout noir, ni tout blanc: nous avons pu échanger avec des parents dont la prise en charge de l'enfant a été relativement simple au vu du challenge initial.

Des séquelles plus ou moins handicapantes

Si les enfants récupèrent souvent relativement bien, 70% d'entre eux conserveront des séquelles plus plus ou moins handicapantes et plus ou moins visibles. La Dre Manoëlle Kossorotoff explique: «La plupart des zones cérébrales lésées ne récupèrent pas. Les cellules à côté de celles lésées travaillent à 150%, ce qui handicape l'enfant, qui se fatigue vite et qui a besoin de faire davantage de pauses ou d'avoir un enseignement scolaire plus fragmenté.»

«La plupart des zones cérébrales lésées ne récupèrent pas. Les cellules à côté travaillent à 150%, ce qui handicape l'enfant, qui se fatigue vite.»
Dre Manoëlle Kossorotoff, neuropédiatre

C'est parfois difficile à comprendre pour les parents, mais aussi pour les enseignants qui ne sont pas toujours formés à s'occuper d'enfants qui apprennent différemment. Enfin, si les parents témoignent d'un «agenda de ministre» de leur enfant pour concilier école et rééducation, ils ne devront pas oublier l'importance de la socialisation: «Il vaut parfois mieux aller à l'anniversaire d'un copain que de faire une séance de kinésithérapie», signale la Dre Manoëlle Kossorotoff.

Autant dire que la tâche des parents est souvent ardue, d'autant que, comme dans toutes les maladies et handicaps de l'enfant, l'AVC affecte durablement le couple et la fratrie. Et que l'enfant devra apprendre à grandir avec le traumatisme de l'accident et ses séquelles.

En travaillant sur cet article, nous avons échangé avec une mère dont l'enfant a fait un AVC et qui souhaite rester anonyme. Elle tient simplement à faire passer un message: «Je voudrais simplement remercier les soignants de l'hôpital Sud de Rennes et le CHU de Pontchaillou.»

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