Monde / Économie

États-Unis: un défaut de paiement et une récession en fin d'année?

Tandis que les Démocrates et les Républicains se chamaillent autour du plafonnement de la dette, le précipice se rapproche.

Joe Biden, à Tulsa (Oklahoma), en juin 2021. | Brandon Bell / Getty Imgaes North America via AFP
Joe Biden, à Tulsa (Oklahoma), en juin 2021. | Brandon Bell / Getty Imgaes North America via AFP

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Après une crise financière en 2008, une crise sanitaire en 2020, que diriez-vous d'une crise économique en 2022? Dans quelques semaines, les États-Unis pourraient atteindre le montant maximum d'endettement et faire face à un défaut de paiement sur leur dette, pour la première fois de leur histoire. La première puissance mondiale n'aurait alors pas suffisamment d'argent pour payer les factures du gouvernement. Les militaires, les retraités ou encore les bénéficiaires d'aides sociales (et tant d'autres) se verraient couper les vivres. Mais ce n'est pas tout, puisque la secrétaire au Trésor de l'administration Biden, Janet Yellen, évoque même le risque d'une récession qui entraînerait, entre autres, des faillites et des licenciements à la chaîne.

Si un tel scénario catastrophe se produisait, le monde entier en subirait les conséquences. Est-ce irrémédiable? Absolument pas. Tout cela peut être évité si les Démocrates et les Républicains trouvent un accord au Congrès pour relever le plafond de la dette, comme cela a déjà été fait près de quatre-vingt fois depuis 1960 dont trois durant le mandat de Donald Trump. Mais pour l'heure, l'opposition refuse. Tour d'horizon des solutions qui s'offrent aux élus démocrates pour éviter ce cataclysme.

Une accord arraché in extremis

Par pur calcul politique, afin de mettre en difficulté Joe Biden à un an des élections de mi-mandat, les Républicains s'opposent au vote d'un accord qui permettrait d'éviter le défaut de paiement. En effet, soixante voix sont nécessaires au Sénat pour qu'il voit le jour, or la majorité démocrate ne dispose que de cinquante sièges. Mitch McConnell, leader du Parti républicain au Sénat, a réitéré à plusieurs reprises la position des membres de son camp et ne semble pas disposé à céder.

Les deux camps politiques sortiraient perdants si aucune solution n'est trouvée d'ici décembre. L'opposition sera-t-elle prête à partager la responsabilité d'un défaut de paiement et d'une probable récession? Rien n'est moins sûr et tout pourrait finalement se régler dans les derniers jours ou dernières heures. C'est en tout cas le pari du président Biden qui a récemment convoqué le gratin de Wall Street à la Maison-Blanche pour mettre la pression sur les sénateurs républicains, friands de l'argent des entreprises cotées en Bourse pour financer leurs campagnes électorales. Efficace, puisqu'un accord temporaire a été trouvé pour les deux prochains mois –initialement la date butoir était le 18 octobre.

Modifier les règles du «filibuster»

Ce mot barbare désigne la technique d'obstruction parlementaire nécessitant soixante voix, au lieu de cinquante, pour faire adopter un projet de loi au Sénat. La majorité démocrate s'écharpe depuis le début du mandat de Joe Biden à ce sujet. Les progressistes voudraient y mettre fin, ou plus précisément revoir son interprétation, afin d'avoir les coudées franches pour agir politiquement (notamment au sujet de l'avortement, des armes, du vote et des pratiques policières).

Les modérés s'y opposent, arguant qu'il serait dangereux d'agir ainsi et que l'essence même du pouvoir législatif américain est la recherche du compromis. Et les désormais célèbres sénateurs démocrates Joe Manchin et Kyrsten Sinema ont réitéré leur opposition à ce contournement. Pour autant, la situation est si dangereuse qu'elle pourrait faire infléchir, temporairement, la position de l'aile centriste démocrate. Au bord du précipice, les convictions des uns et des autres ont tendance à vite s'évaporer.

Agir sans les Républicains

C'est peut-être l'option la plus simple après l'accord bipartisan (option 1). En utilisant la procédure de réconciliation budgétaire, qui permet de contourner l'obstruction parlementaire, les Démocrates n'auront besoin d'aucune voix républicaine pour agir, puisque la majorité simple (cinquante voix) suffira. Si cela paraît idéal, le camp démocrate et la Maison-Blanche veulent à tout prix éviter ce chemin pour au moins deux raisons.

Premièrement, cela offrira à l'opposition une victoire politique. Les Républicains pourraient claironner qu'ils n'ont pas cédé et qu'ils n'ont pas donné leur accord pour accroître la dette du pays (bien que cette dernière ne soit pas le fait de Joe Biden). Deuxièmement, l'utilisation de la technique de réconciliation budgétaire est annuellement limitée et peut prendre du temps à la mise en œuvre. Or le temps (et l'argent) manque et surtout les Démocrates souhaitent garder ce joker pour faire adopter le grand plan infrastructures, climat et social de Biden avant la fin d'année.

La pièce de 1.000 milliards de dollars

Et si le Trésor américain frappait une pièce de platine, lui donnait la valeur de 1.000 milliards et la stockait dans un coffre de la FED, banque centrale américaine? Cette idée, qui semble folle au premier abord, est le fruit de la réflexion d'un avocat de Géorgie en 2011 s'appuyant sur une loi de 1997 qui permet au secrétaire du Trésor de frapper une pièce de la valeur de son choix. Bien qu'un certain nombre de juristes estiment que ce ne soit pas faisable, le prix Nobel d'économie Paul Krugman soutient l'initiative pour réduire l'influence des guerres politiques partisanes. Si cette option a déjà été discutée au plus haut sommet de l'État, elle n'est pas envisagée par l'administration Biden. Reste qu'elle offre au moins une possibilité de dernier recours, non négligeable dans le climat politique actuel.

Il est tout de même peu probable qu'intervienne le premier défaut de paiement de l'histoire des États-Unis en fin d'année. Cependant face à tant de divisions et de complexité, ce ne peut être exclu. Les surprises outre-Atlantique se sont multipliées ces dernières années, alors un conseil: ne jetez pas vos bas de laine à la poubelle, ils pourraient vous servir.


 
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