Société

«J'ai découvert que je suis un narcissique»

[C'est compliqué] Cette semaine, Lucile conseille Max, qui a découvert qu'il souffrait de narcissisme.

<em>«Dans mon cerveau bien dérangé, il faut que la souffrance et le jeu soient mentaux.»</em> | RODNAE Productions <a href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/bois-homme-amour-gens-6669871/">via Pexels</a> 
«Dans mon cerveau bien dérangé, il faut que la souffrance et le jeu soient mentaux.» | RODNAE Productions via Pexels 

Temps de lecture: 3 minutes

«C'est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c'est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected].

Vous pouvez aussi laisser votre message sur notre boîte vocale en appelant au 07 61 76 74 01 ou par WhatsApp au même numéro. Lucile vous répondra prochainement dans «C'est compliqué, le podcast», dont vous pouvez retrouver les épisodes ici.

Et pour retrouver les chroniques précédentes, c'est par là.

Chère Lucile,

J'ai 24 ans et cela fait deux ans que j'ai découvert que je suis un narcissique (charmant, n'est-ce pas?).

Passons à travers ces deux années rapidement en disant qu'elles ont été un bon mélange de dégoût de soi puis de reconstruction.

C'est fou que plus on apprenne à s'aimer soi-même, moins on ait de symptômes toxiques. Mais malgré le positif que j'ai de nouveau, je dois l'admettre, mes délires sont toujours ceux d'un bon narcissique comme on les connaît bien: désir d'admiration, de capturer, de jouer avec, d'abus (le pire étant que l'abus dans le sadomasochisme avec une partenaire consentante ne marche pas, car bien sûr dans mon cerveau bien dérangé, il faut que la souffrance et le jeu soient mentaux).

Bon... Un beau portrait de moi, on va dire.

Cela fait deux ans que je me retiens d'être moi-même ou me sauve avant de faire trop de dégât dans une relation lorsque je vois que je sombre dans ma toxicité.

J'ai suivi des psys pour essayer de me soigner, cela n'a pas vraiment marché... Ils ont plutôt réussi à me faire m'affirmer tel que je suis (un début, j'imagine). J'ai aussi beaucoup fait de voyages sous LSD pour essayer d'aller en profondeur afin de trouver le traumatisme déclencheur.

Que faire? Je n'ai pas envie de passer toute ma vie à me retenir. Ou vais-je devoir accepter que je dois vivre une relation malsaine pour le reste de ma vie?

Max

Cher Max,

C'est tout à votre honneur de regarder en face ce que vous êtes et vos modes de fonctionnement et jusqu'ici, d'essayer d'en protéger les autres. Je crois que quand on a une personnalité toxique et l'envie de bien faire, il n'y a malheureusement pas trente-six solutions. D'abord, ce n'est pas une mauvaise idée de continuer un suivi psy pour suivre votre cheminement et peut-être canaliser vos pulsions. Ensuite, vous pouvez aussi continuer à vous retenir d'être tout à fait vous-même.

Mais je crois que vous pouvez aussi essayer de trouver une partenaire avec qui vous définiriez les contours clairs de ce qu'il vous est possible de faire, ou pas, dans la relation. C'est un travail fastidieux, mais cela pourrait comme dessiner un vaste terrain de jeu où pourrait s'exprimer votre personnalité sans le décorum et les codes du BDSM. D'une part, cela sous-entendrait que vous ayez une conversation tout à fait sincère sur votre fonctionnement et vos besoins, d'autre part que la personne soit volontaire, consentante et aventureuse. Je préconise tout de même d'emprunter au BDSM la règle du safe word. C'est-à-dire que même si vous restez dans votre cadre relationnel avec vos propres codes décidés à l'avance, elle aurait tout de même le loisir de se rétracter ou de se protéger, d'un seul mot.

Je pense qu'il est possible de jouer à deux, de mettre en place un contexte relationnel qui vous convienne autant à vous qu'à une compagne, de trouver quelqu'un dont le langage amoureux et les besoins soient complémentaires des vôtres. Tout est question d'imagination. Je suis convaincue qu'une relation saine est une relation basée sur la communication, le respect, et le consentement... quoi qu'il s'y passe. Cela vaut autant pour les gens qui aiment à dominer du matin au soir que pour ceux qui font des jeux de rôles à base d'animaux. Peu importe votre truc, en fait, tant que vous usez des bons outils et que vous êtes décidé à partager votre univers dans le respect des règles établies au préalable. Les pratiques peuvent être les plus extrêmes qui existent, contenir un aspect psychologique de domination et quand même respecter la sécurité et les limites de l'autre. Vous avez probablement besoin d'explorer encore vos désirs pour en définir plus sereinement les contours. Vous avez aussi besoin de trouver la ou les bonnes partenaires, assez aguerries et expérimentées, pour vous suivre dans vos expériences.

Ce que je veux vous dire, c'est que faire le mal pour le mal n'est pas une fatalité. Ce n'est pas une composante intrinsèque de votre personnalité ni une condition sine qua non à votre bonheur et à votre plaisir. Vous pouvez vraiment faire mal sans détruire l'autre. Peut-être pouvez-vous aussi prendre le temps de découvrir les univers d'autres personnes pour clarifier vos envies. Pour moi, il est autant question d'acceptation de soi que de travail d'imagination. Laissez-vous l'opportunité et le temps de découvrir tout ce qu'il est possible de faire avec la bonne personne et dans le bon contexte. Tout pourrait tout aussi bien changer avec une rencontre et même si la tâche vous semble ardue, elle n'est pas impossible.


«C'est compliqué», c'est aussi un podcast. Retrouvez tous les épisodes:

 

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