Culture

Kippour, saison 5782

[BLOG You Will Never Hate Alone] Aujourd'hui est le jour du grand pardon pour les juifs de tous horizons. Reste à savoir qui il nous faut pardonner. Nous ou Lui?

En toute logique, je ne devrais pas faire Kippour mais je le fais quand même. | Matthew Angus <a href="https://unsplash.com/photos/wBTvi3J9x18">via Unsplash</a>
En toute logique, je ne devrais pas faire Kippour mais je le fais quand même. | Matthew Angus via Unsplash

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Être juif n'a que des inconvénients. On vous imagine riche alors que vous n'avez pas le sou. On vous croit puissant là où vous passez votre temps à obéir à n'importe quel parvenu de goy qui se sert de vous comme d'un paillasson. On vous tient responsable de tous les maux de la Terre alors que vous n'êtes même pas fichu d'activer la puce de votre carte de crédit. On vous maudit d'être qui vous êtes, ce dont par ailleurs vous n'avez aucune idée précise tant vos origines sont brouillées et multiples, bigarrées et contrariées.

Et pour couronner le tout, chaque année, le temps d'une journée, il vous faut jeûner afin de demander pardon à un Dieu acariâtre, sorte de grande Diva aux mille et un caprices dont le comportement erratique ressemble à celui d'un propriétaire de biens locatifs prompt à hurler au scandale si vous payez votre loyer avec un jour de retard, mais aux abonnés absents sitôt qu'il s'agit de réparer les robinets de la salle de bains.

Ce Dieu d'Israël est tellement retors que même ceux qui doutent de son existence ne manquent pas chaque année de lui demander pardon de l'avoir offensé. Moi le premier. Mais comment demander pardon à un fantôme qui depuis son pompage/remplissage de la Mer Rouge n'a plus jamais donné signe de vie comme s'il se fichait éperdument du sort réservé à son peuple prétendument élu? Élu de quoi, d'ailleurs?

D'essayer en exclusivité mondiale des douches qui vous font passer de vie à trépas en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire? De garnir à satiété des fours à crématoire tout juste bons à vous recracher dans l'immensité de cieux polonais dont on se doute qu'ils mènent à tout, sauf au paradis? D'être massacrés par millions sans être certain que pareille mésaventure ne vous arrivera pas demain ou après-demain, quand des peuples exaltés se seront mis en tête que vous êtes à la source de leurs malheurs?

Faudrait-il donc aimer Dieu malgré lui, malgré son incurie, malgré sa lâcheté, malgré ses absences? Probablement que oui. Ce qui expliquerait pourquoi, en ce jour, nous sommes autant à jeûner. Non point pour se faire pardonner mais pour le pardonner, Lui. Du moins, c'est ainsi que je l'entends. Si je jeûne, si je reste à la maison à pioncer dans mon lit, si je renonce à me laver, si je passe ma journée à jouer au jokari avec mon chat, ce n'est point que je me sente coupable –il ne manquerait plus que cela!– mais plutôt que j'essaye de pardonner à Dieu ses manquements à répétition.

C'est bien pour cela qu'en ce jour béni, je ne vais pas à la synagogue. Je joue à domicile là où d'autres prient à l'extérieur. Je ne mets pas de kippa. Je ne demande pas aux voisins de jouer du chophar. Je reste en pyjama. Je suce des pastilles à la menthe. Je regarde du foot à la télé. Je paye les factures en retard. Je n'attends même pas l'apparition de la première étoile pour rompre le jeûne. Je suis mes propres règles.

En toute logique, je ne devrais pas faire Kippour mais je le fais quand même. Je veux être juif et athée, juif et agnostique, juif et renégat. Je veux être un incroyant qui croit à ce qu'il ne croit pas. Je laisse le champ des possibles ouverts. Je ne suis pas dans l'invective mais dans la rébellion. Moi aussi, j'ai la nuque raide. Ankylosée même. Prête à se rompre. Mais je continue à jeûner. Envers et contre tout.

Contre moi-même, surtout.

 

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