Politique

Que retiendra-t-on de l'homme politique que fut Benoît Hamon?

Le candidat socialiste à l'élection présidentielle de 2017 a annoncé rejoindre une ONG et mettre un terme à sa première carrière.

Benoît Hamon lors d'une séance photo à Paris, le 26 novembre 2020. | Joël Saget / AFP
Benoît Hamon lors d'une séance photo à Paris, le 26 novembre 2020. | Joël Saget / AFP

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«Bonjour, je voudrais vous dire que j'ai décidé de tourner une page.» Sans chichi, Benoît Hamon annonce, lunettes en main, la fin de sa longue carrière politique dans une courte vidéo publiée sur Twitter. Le candidat socialiste de la dernière élection présidentielle évacue rapidement cette retraite précipitée par ses derniers échecs politiques pour s'indigner sur «la façon dont les sociétés ont développé des images extrêmement négatives de celles et ceux qui ont été mis sur le chemin de l'exil».

Pour y remédier, fini la politique, place à l'ONG Singa dont il prend la tête. Il l'évoque longuement, quitte à en parler un peu trop dans une vidéo qui prend au fur et à mesure des allures de promotion d'une «entreprise sociale et un mouvement citoyen» qui «se consacre à créer des incubateurs dans huit pays en Amérique du Nord et en Europe qui parient sur l'innovation».

Plus expansif dans une interview accordée au journal Le Monde, Benoît Hamon ajoute que l'impact de la société civile, devenu probablement plus important que celui des responsables politiques, est l'une des raisons qui l'ont poussé à mettre un terme au (quasi) seul métier qu'il a exercé jusqu'ici. Le candidat de la débâcle socialiste met fin à une carrière politique prolixe, marquée au fer rouge par le souvenir d'une défaite cuisante à la dernière présidentielle.

Les tontons flingueurs

Le 23 avril 2017, le Parti socialiste prend une claque. Benoît Hamon, ancien ministre de François Hollande puis frondeur opposé à la politique économique et sociale du même président, ne capte que 6,36% des suffrages exprimés au premier tour de la présidentielle. Un score pas si éloigné que ça des 4,70% de Nicolas Dupont-Aignan, dont le budget de campagne était huit fois moins important. Habitué à jouer les premiers rôles, le PS termine cinquième... alors même que les Verts s'étaient alliés à son candidat. La faute à Hamon?

«Il est aussi responsable de cette débâcle bien sûr, mais si Manuel Valls avait gagné la primaire, le PS n'aurait probablement pas fait plus, assure Rémi Lefebvre, professeur en sciences politiques à l'Université de Lille et spécialiste du Parti socialiste. Le PS, c'était un très mauvais véhicule pour mener Benoît Hamon vers la victoire, et il s'en est rendu compte. Ce n'est pas le fossoyeur du Parti socialiste, le PS s'est autodétruit.»

Peut-être que la personnalité de Benoît Hamon ne lui a pas permis de rassembler suffisamment autour de sa candidature; peut-être que sa stratégie politique n'a pas été bonne; peut-être aussi que ses idées n'ont tout simplement pas réussi à séduire les électeurs. Peut-être. Ce qui est plus sûr, c'est que le candidat n'a pas été particulièrement aidé par sa famille politique.

Manuel Valls, son adversaire au second tour de la primaire socialiste, n'a pas hésité à rallier la cause d'Emmanuel Macron dès le mois de mars 2017. «Comme beaucoup, je ne crois pas que l'avenir de la France passe par une sortie du nucléaire, par l'abandon des règles et des interdits –je pense bien sûr à la légalisation du cannabis–, par le dénigrement de cette valeur qu'est le travail, par une fuite en avant avec le gonflement de notre dette, qui n'est que la promesse de hausses d'impôts», s'était permis de lancer l'ancien Premier ministre. Les mois suivant la victoire de Benoît Hamon à la primaire, de nombreux barons du vieux parti de gauche ont tiré à tout va.

Arnaud Montebourg ne s'est pas privé de jouer le jeu de la comparaison en dégainant lui aussi: «Si j'avais gagné, ça n'aurait pas été pareil, j'avais un programme qui pouvait trianguler avec celui de Macron.» Un petit dernier? «C'est le représentant de la Belle Alliance qui a été désigné dans le cadre de la primaire. Il est membre du PS, mais le Parti socialiste, heureusement, c'est plus que ça», lâchait avec amabilité François Rebsamen quelques jours avant le premier tour, rappelant qu'on n'est jamais trahi que par les siens.

Un emploi à défaut d'un mandat?

Cette défaite électorale ferait presque oublier l'autre fait majeur de la vie politique de Benoît Hamon: avoir fait émerger sur la scène politique le revenu universel, une somme versée de manière automatique et inconditionnelle sous condition de ressources.

Il s'agissait d'un concept nouveau et révolutionnaire au sein d'un parti en mal de marqueurs de gauche, après le mandat de François Hollande. «Pendant la primaire socialiste, il prend un risque énorme, il fait un choix tactique pour se différencier en basculant sur l'écologie et le revenu universel, analyse Rémi Lefebvre. En faisant cela, il régénère le PS, mais il se le met aussi à dos.»

«La politique, c'est sa raison de vivre, on n'y renonce pas comme ça. Je pense qu'il reviendra un jour, ça va le rattraper.»
Rémi Lefebvre, professeur en sciences politiques et spécialiste du Parti socialiste

C'est là tout le paradoxe de la vie politique de Benoît Hamon: pur produit de la gauche du PS, il finit lâché par un parti dont il représentait la jeune garde dans les années 2000, après un parcours militant classique au syndicat étudiant UNEF et à la présidence du Mouvement des jeunes socialistes. Puis, avec Arnaud Montebourg et Vincent Peillon, il a formé un temps le courant du Nouveau Parti socialiste.

Estimant qu'il n'arriverait pas à changer un parti en déroute, il fonde son propre mouvement, Génération·s, quelques mois après sa défaite à la présidentielle. «Il aurait pu prendre la tête du PS, mais il s'est dit que le parti était fini, explique Rémi Lefebvre. C'est surprenant, mais les deux candidats du second tour de la primaire du PS finissent par le quitter.»

Hamon subit un nouveau revers aux élections européennes de 2019 et annonce alors se mettre en retrait de la vie politique, même s'il réussit à conserver son siège de conseiller régional aux élections de juin 2021. «La politique, il faut en vivre et c'est difficile de faire de la politique si on n'est pas élu. On peut difficilement ne faire que de la politique quand on est élu régional», ajoute le spécialiste du Parti socialiste, qui rappelle que, si la conviction du nouveau directeur général de Singa sur la force politique de la société civile est sans doute fondée, ce retrait de Benoît Hamon comporte très probablement un aspect plus trivial: obtenir un bon salaire pour maintenir son niveau de vie.

Cinq jours après son annonce, le compte Twitter de Benoît Hamon montre que pour l'ancien ministre, une page se tourne. Sa nouvelle bio affiche «CEO of SINGA Global» et les tweets louant l'action de sa nouvelle maison se succèdent. Mais le livre est-il vraiment refermé?

«La politique, c'est sa raison de vivre, on n'y renonce pas comme ça, sourit Rémi Lefebvre. Je pense qu'il reviendra un jour, ça va le rattraper.» Avant lui, Arnaud Montebourg, candidat à la présidentielle à venir, avait annoncé son retrait de la vie politique en 2014. Signe que la page n'est peut-être pas totalement tournée: dans la bio du compte Twitter de Benoît Hamon, sa nouvelle fonction de «CEO of SINGA Global» n'arrive qu'après «ancien ministre et candidat à présidentielle».

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