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L'enjeu du développement s'invite dans les élections législatives au Maroc

Le nouveau modèle de développement marocain fixe les ambitions du pays à l'horizon 2035. Parmi les partis qui vont s'affronter aux élections, certains sont plus déterminés à le mettre en œuvre.

Les partisans du Parti Authenticité et Modernité (PAM), favorable au nouveau modèle de développement, acclament leur candidat lors d'un rassemblement électoral à Rabat, le 4 septembre 2021, à quatre jours des élections législatives et locales. | Fadel Senna / AFP
Les partisans du Parti Authenticité et Modernité (PAM), favorable au nouveau modèle de développement, acclament leur candidat lors d'un rassemblement électoral à Rabat, le 4 septembre 2021, à quatre jours des élections législatives et locales. | Fadel Senna / AFP

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À la veille des élections de 2021, la grande affaire du pouvoir marocain est la mise en œuvre de son nouveau modèle de développement (NMD) rendu public en avril dernier. Un document de 170 pages élaboré par une Commission spéciale indépendante du gouvernement présidée par Chakib Benmoussa, ambassadeur du Maroc en France, et dans lequel sont analysés les enjeux et fixées les priorités pour le pays à l'horizon 2035.

Le nouveau modèle de développement

Dans un exercice quelque peu surprenant pour une instance désignée par le pouvoir, la Commission commence à tirer à boulets rouges sur le bilan de l'action gouvernementale de ces vingt dernières années: croissance insuffisante, aggravation des inégalités, secteur éducatif peu performant, accès aux soins difficile, faible participation des jeunes et des femmes… Le document identifie ensuite les faiblesses du système, notamment la bureaucratie, le manque de coordination, le fonctionnement top down ou encore les lois obscures.

Le Parti Authenticité et Modernité est, pour 2021, un candidat crédible à l'alternance au Parti de la justice et du dévéloppement.

Le NMD définit les ambitions du pays en matière de création de richesse et d'emplois, d'accroissement des compétences, d'inclusion et de consolidation du lien social, de compétitivité, d'environnement. Et fixe des objectifs pour 2035 comme par exemple faire passer l'emploi formel de 40 à 80% du total ou amener la part des renouvelables dans la consommation d'énergie de 11 à 40%. Des objectifs qui, pour être atteints, supposent une économie diversifiée et créatrice de valeur, un gros investissement en matière de santé et d'enseignement, une lutte pour les égalités de genre, la protection sociale, une réorganisation territoriale, une révolution numérique et une réforme administrative. Tout cela financé par un effort budgétaire sans précédent, un accroissement des investissements publics et privés, une réforme fiscale, un recours à l'endettement et des partenariats internationaux.

Des objectifs partagés mais inégalement soutenus

Cette feuille de route précise et structurée initiée par le Palais royal est la référence de tous les partis qui vont concourir aux élections. Parmi ceux qui participent à la coalition gouvernementale sortante, on note toutefois des nuances. Le Parti de la justice et du dévéloppement (PJD) du Premier ministre El Othmani tente de faire oublier son conservatisme sociétal –rappelons qu'il a obtenu que la liberté de conscience ne figure pas dans la Constitution de 2011– en mettant l'accent sur le renforcement du climat démocratique et sur l'égalité sociale et territoriale. Quant au deuxième parti au pouvoir, le Rassemblement national des indépendants (RNI), classable au centre droit libéral, il a logiquement une lecture plus économique du NMD. Sans surprise, le centre-gauche social-démocrate de l'Union socialiste des forces populaires (USFP) met l'accent sur le volet social et la solidarité. Enfin, situé le plus à gauche sur l'échiquier politique autorisé, le Parti du progrès et du socialisme (PPS) insiste sur la nécessité du développement économique.

Reste que la formation politique la plus proche de la philosophie du nouveau modèle de développement est un parti qui s'est toujours tenu dans l'opposition: le Parti Authenticité et Modernité (PAM). Fondée en 2008 par Fouad Ali El Himma, un proche du roi Mohammed VI et devenu son conseiller depuis 2011, cette formation classée au centre gauche allie les tendances modernistes, libérales et écologistes.

Arrivée en deuxième position aux élections de 2016 (elle dispose de 102 députés à la Chambre des représentants) et en tête aux élections communales de 2015, cette formation est, pour 2021, une candidate crédible à l'alternance au PJD dont les chances de succès sont amoindries par l'usure de dix ans de pouvoir et un bilan législatif plutôt maigre. D'autant que son nouveau secrétaire général, l'avocat Abdelatif Ouahbi, venu de la gauche, affiche une absence de dogmatisme qui lui fait même envisager une alliance avec le PJD, son ennemi de toujours.

Un match PAM vs. PJD

Le PAM est en tout cas la formation la plus louangeuse des réformes poussées par le Palais et ne cesse de rendre hommage à la gestion économique et sociale de la pandémie du Covid-19 ainsi que de la campagne de vaccination mise en œuvre sous l'impulsion du roi. Une politique qui a valu au Maroc une véritable reconnaissance internationale de la Banque mondiale, de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et même de plusieurs organes de presse occidentaux habituellement peu amènes avec le régime marocain comme Le Canard enchaîné.

Dans ce contexte, les élections du 8 septembre méritent effectivement d'être suivies de près. Sans nul doute, entre le PAM et le PJD, se joue un match entre modernité et conservatisme. Si le nouveau modèle de développement suivra de toute façon son cours sous l'impulsion de Mohammed VI, le rythme et l'intensité des réformes de ces prochaines années dépendront notamment de ceux qui domineront le prochain gouvernement.

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