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A l’heure où le stress hydrique s’accroît, comment faciliter le retour dans les nappes et les rivières de cette eau tombée du ciel?

En France métropolitaine, seuls 40% des pluies alimentent réellement le milieu aquatique. Pourrions-nous améliorer la rentabilité de cette eau tombée du ciel?

Temps de lecture: 5 minutes

Seulement 200 milliards de m3 d’eau de pluie «efficaces»

Plic-ploc. Ah la pluie! On la déteste pendant nos balades, mais elle est pourtant indispensable au cycle de l’eau. Dans l’Hexagone, il en tombe ainsi en moyenne 512 milliards de mètres cubes par an. Cette pluie peut être interceptée par les feuillages des plantes (la canopée), ou tomber au sol, et s’infiltrer, ruisseler ou s’évaporer.

De là donc, elle ruisselle ou s’infiltre et rejoindra les nappes phréatiques ou les eaux de surface à moins d’être captée par les racines des plantes et l’évapotranspiration. Mais seulement 200 milliards de mètres cubes de cette eau de pluie sont dits «efficaces», c’est-à-dire qu'ils retournent réellement au milieu aquatique. Alors qu’on craint régulièrement des niveaux faibles dans les nappes souterraines ou des étiages de plus en plus bas des fleuves en été, n’y aurait-il pas un moyen de la récupérer plutôt que d'en laisser 300 milliards de mètres cubes à la dérive? La question mérite d’être posée… mais les réponses nécessitent d’être nuancées!

D’abord parce que ces chiffres sont des estimations: il est compliqué de connaître exactement la quantité d’eau qui part en évapotranspiration, c’est-à-dire interceptée par les plantes par la canopée et par le système racinaire. Ensuite, parce qu’on pourrait se demander l’intérêt alors que nous ne consommons «que» 35 milliards de mètres cubes par an. Mais il faut penser à toute la biodiversité qui en a besoin… Et enfin, parce que la notion même de pluies «efficaces» est un abus de langage: une eau qui nourrit des plantations et des cultures est efficace, car elle réduit les besoins en irrigation, pourtant elle n’est pas comptabilisée dedans.

Une rupture du cycle naturel de l’eau

Alors, où trouver de l’eau pour mieux capter cette ressource? Dans la pluie qui tombe sur le sol de vos villes. Car nos communes forment une grosse couche imperméable de béton et de goudron. « La ville se pose sur la nature et crée une rupture du cycle naturel de l’eau », explique Marie-Christine Huau, directrice stratégie eau & climat chez Veolia.

Son chemin ensuite est fléché : elle ruisselle des toits de maison ou sur les routes (et se pollue au passage en récupérant plomb, huile, peinture, bactéries…) avant d’être collectée dans les égouts. Là, quand il n’existe pas de réseaux séparatifs, elle est mélangée aux eaux usées avant d’être transportée vers des stations d’assainissement situées en dehors de la ville.

Cette stratégie a longtemps primé et reste encore en place dans de nombreuses villes. Mais elle montre ses limites. «Pour que ça marche bien, le réseau doit être suffisamment bien dimensionné et surtout qu’il soit bien entretenu et absorbe les à-coups hydrauliques. Si les bouches d’égout et / ou les canalisations sont trop petites, ça dégorge, provoquant des inondations. Si ça part dans des connecteurs mal entretenus ou poreux, ça n’est pas efficace non plus», ajoute Marie-Christine Huau.

Reprendre conscience de la fonction du sol

De plus, l’imperméabilisation de nos villes, ajoutée au changement climatique qui entraîne des intempéries de plus en plus brutales et intenses, accentue les risques d'inondations. Pour réduire la quantité d’eau qui part dans un réseau s’il ne peut pas absorber tout ce qui tombe, la première solution consiste à déconnecter l’eau pluviale pour la rediriger directement vers des endroits perméables terreux et végétalisés. Ce sont des noues paysagères, par exemple, et cela ressemble à de larges fossés qui récupèrent l’eau. On peut les fleurir des plantes hydrophiles pour permettre une meilleure absorption et ainsi éviter l’engorgement du réseau. La régulation hydraulique devient la clé pour absorber le trop «de pluie» en un temps court!

«Cela nécessite de reprendre conscience du sol et de sa fonction première» souligne Marie-Christine Huau, «Un sol, c’est quoi ? De la terre oui, mais avant tout, un lieu de vie. Si la terre est morte, sans microfaune ou microflore alors, elle n’est plus poreuse et à 20 ou 30 cm sous une première couche meuble, elle forme en réalité une carapace infertile qui a perdu sa fonction tampon absorbeur».

Si le sol a perdu cette fertilité, par exemple parce qu’il est resté trop longtemps sous des dalles de bétons, il faut d’abord lui redonner cette qualité fonctionnelle. «On peut remembrer des haies, ce qui va remettre des systèmes racinaires dans la terre, l’aérer et donc redonner vie au sol. Le végétal est un ami des sols. Un sol fertile est plus productif pour le végétal, la culture et l’infiltration de l’eau», explique Marie-Christine Huau.

Les berges ne respirent plus

Cette revégétalisation de la ville est profitable à d’autres endroits, comme sur les berges des rivières et fleuves. Jusqu’à présent, nous les avons canalisées, mais quand il y a des pluies violentes, le niveau monte et il y a des risques de débordement. Les berges canalisées ou urbanisées accélèrent le flux. La berge ne respire plus. Aujourd’hui, quand c’est possible, il est judicieux de redonner de l'espace aux bords des cours d’eau, et de redonner vie au lit majeur pour que ces lieux rejouent leurs véritables fonctions: absorber le trop-plein lorsque la rivière sort de son lit, atténuer et ralentir le flux. Cela passe par exemple par l’installation de roselières qui vont profiter de ces zones humides pour attirer une faune riche et variée.

Autre exemple, les actions de surveillance et travaux de consolidation des digues à Nevers avec l’entretien et la gestion des ouvrages hydrauliques de régulation qui limitent les risques d’inondation lors de crues exceptionnelles de la Loire et qui redirigent l’eau vers des déversoirs. Un chantier gigantesque qui continue encore aujourd'hui, mais qui ne fait pas que des heureux: pour que le sol joue son rôle poreux, le chemin de crête des digues est recouvert de cailloux grossiers qui rendent la marche ou le vélo difficile pour les riverains.

Imaginer des ouvrages «verts»

Enfin, d’autres ouvrages verts sont envisageables, notamment lorsqu’une ville s’étend. Dans ce cas, il faut les penser en bonne harmonie avec le paysage. «Si on identifie une zone de cuvette, mieux vaut éviter d’y construire un parking et privilégier des zones perméables de nature qui vont faire de la rétention, ralentir des écoulements et éponger l'eau pour mieux l’infiltrer», explique Marie-Christine Huau.

C’est encore l’occasion de rapporter du végétal en ville en y construisant par exemple des parcs, des lieux de biodiversités ou des infrastructures sportives, comme des terrains de foot. Mais attention: ce n’est pas une garantie absolue. «Si on a trois fois de suite des inondations rapides, ça ne passera pas», alerte Marie-Christine Huau.

Désimperméabiliser nos villes, prendre conscience de la richesse du sol et de son rôle, entretenir la végétation, entretenir les ouvrages hydrauliques de régulation, faire de la gestion dynamique à ciel ouvert comme à la Vallée de la Bièvre et les penser pour qu’ils s’adaptent au temps de la nature, voici les grandes clés pour récupérer au mieux l’eau pluviale et mieux vivre avec.

Peut-être pas énormément, mais imaginez: rien qu’un pour cent correspond à plus de 5 milliards de mètres cubes d’eau. Soit presque deux fois la consommation en eau potable des Français sur une année. Loin d’être une simple goutte dans l’océan.

Cet article vous est proposé par Slate.fr et Veolia dans le cadre de Green Mirror, un événement éditorial écrit et audio pour voyager dans le temps, prendre conscience et réfléchir sur les enjeux qui nous attendent collectivement face au changement climatique. Comment agir dès maintenant face à l'urgence?

Découvrez les solutions déjà existantes ou prometteuses à travers notre série d'articles et de podcasts publiés sur notre site-événement.

 

Crédit photo: pexels

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