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Venise, une renaissance attendue après tant de désastres

​La cité des Doges, qui fête en 2021 son 1.600e anniversaire, est en survie permanente depuis des siècles. Le maire semble déterminé à la protéger et livre quelques recommandations aux visiteurs.

Entrée de l'Hôtel Bauer. | BauerVenezia
Entrée de l'Hôtel Bauer. | BauerVenezia

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Jamais la cité des Doges n'avait connu pareille paralysie qu'en 2020: le désert des rues, des places, des monuments, les Vénitiens calfeutrés chez eux par crainte de l'épidémie galopante et l'isolement pénible des visiteurs en quête de beautés.

La Sérénissime vit du tourisme international et de l'affluence des amoureux d'une ville bâtie sur l'eau: c'est un défi permanent pour les Vénitiens (50.000 habitants dans le centre historique au lieu de 120.000 en 1970), hôtes d'une presqu'île en danger d'inondations constantes chaque hiver, un risque vital.

Venise, qui fête en 2021 son 1.600e anniversaire, est en survie depuis des siècles et son avenir en pointillé. Sa mort prévisible tourmente historiens, philosophes et penseurs. Les dommages causés à la cité lacustre par le surgissement des eaux en cette année terrible ont suscité un traumatisme dans la population, chez les fidèles et pèlerins réguliers comme le furent Richard Wagner, Marcel Proust, Paul Morand, Jean d'Ormesson, Philippe Sollers...

Ces jours-ci, le maire Luigi Brugnaro pointait les risques d'inondation générale de la cité par l'acqua alta répétée chaque hiver. À quoi s'est ajoutée la subite pandémie et les morts par dizaines qui ont marqué l'histoire récente d'une ville blessée et meurtrie. Plus jamais ça!

Le premier citoyen de la ville chère à tant de célébrités vient d'annoncer début août un projet de «renaissance de Venise», reine des mers, libérée enfin des navires et paquebots pollueurs si menaçants pour les fondations de la cité née des eaux.

Depuis août 2021, ces immeubles flottants lourds de milliers de tonnes sont contraints d'éviter le Grand Canal et déroutés vers le port de Marghera: une décision attendue depuis des décennies. La survie de Venise en dépendait.

Voilà une victoire pour la municipalité soutenue par le gouvernement de Rome. Après tant de billevesées et de magouilles technocratiques, Venise capitale des mers est protégée.

Le maire, très proche de ses concitoyens, vient de rédiger et de diffuser un ensemble de règles de vie recommandées aux douze millions de visiteurs par an. Les voici:

 

  • Goûter les produits locaux et la cuisine vénitienne typique;
  • Visiter les boutiques d'artisans traditionnels, ne rien acheter aux vendeurs de rue;
  • Privilégier les tours de la cité lacustre par des guides qualifiés;
  • Ne pas s'arrêter sur les dizaines de ponts, ne pas utiliser de vélos;
  • Ne pas pique-niquer près des monuments, préférer les jardins publics;
  • La place Saint-Marc est un site monumental interdit à la nourriture et au sommeil;
  • Venise est une ville d'art, un héritage mondial à préserver coûte que coûte.

Dans le centre historique et les quartiers (sestiers) principaux (Dorsoduro, San Marco, Cannaregio, San Polo, Santa Croce, Castello), il est désormais interdit de camper et de nager, d'abord dans le bassin de San Marco réservé aux gondoles (80 euros la demi-heure) et aux multiples embarcations à moteur ou pas.

À Venise, les eaux servent au transport des gens, des biens et des morts véhiculés au cimetière sur l'île San Michele (tombeau d'Igor Stravinsky). Paul Morand ne put y avoir une tombe pour son repos éternel.

Comment préparer son voyage à Venise?

Vaste question, à laquelle voici quelques éléments de réponse:

 

  • Le maire recommande de choisir vos dates de séjour en dehors des périodes de grand tourisme –Noël, Pâques, le 15 août... En semaine, la ville aux cent ponts est moins bondée et plus abordable. Arriver un lundi, un mardi, au milieu de la semaine conditionne des visites aisées aux palazzi, aux musées, à la Basilique, au Musée Correr, à l'Accademia (œuvres d'art) et à Murano pour la verrerie et les ateliers millénaires.
  • Sélectionner les appartements à louer, hôtels ou pensions selon la localisation dans Venise: le quai des Esclavons près du Danieli, le Dordosuro, le Rialto, le centre historique, l'île de la Giudecca à dix minutes en vaporetto. Venise s'arpente à pied, c'est le plaisir physique de la découverte des monuments, des quartiers et des mystères de la cité lacustre. Les locations d'appartements ne sont pas données, même sur la plage du Lido.
  • Lire le City Guide Un Ospite di Venezia offert par les concierges d'hôtels: quatre-vingts pages de conseils, d'adresses, de dates de concerts et de bons plans pour profiter des bienfaits, des chefs-d'œuvre architecturaux et des lieux de vie comme le fameux Caffè Florian place Saint-Marc, une halte qui s'impose pour un café vénitien.
  • Dresser un itinéraire cohérent selon la proximité des quartiers, du centre historique, départ place Saint-Marc jusqu'au Rialto et retour par l'intérieur. Le nom des rues est inscrit et fléché pour la place Saint-Marc, on ne se perd plus dans Venise.
  • Les concierges d'hôtels proposent des plans de Venise, des rues et quais à suivre pour parvenir à votre destination, des adresses de restaurants, de trattorie et de sites majeurs.

Le Bauer, un hôtel historique sur le Grand Canal vénitien

À l'origine, c'était le Bauer Grünwald, construit en 1881 par l'investisseur autrichien Julius Grünwald qui avait acheté un palazzo en ruine qu'il transformera en un «Grand Hôtel d'Italie Bauer Grünwald», un édifice tout blanc de 200 chambres, salons et appartements à tous les prix dans la plus belle situation de Venise, c'est-à-dire sur le Grand Canal.

Tableau peint à l'époque de l'Hôtel Bauer Grünwald. | BauerVenezia

En 1950, ce fut l'hôtel le plus moderne de Venise, équipé de la climatisation et dont le restaurant De Pisis donnait sur le marbre immaculé de la Salute et le bassin de Saint-Marc.

Le luxe des salons revêtus de cuir, décorés façon rococo vénitien, assurait un climat de distinction, d'élégance et de courtoisie des personnels renforcé par la localisation parfaite sur les eaux lagunaires.

Vue sur le Grand Canal de la terrasse de l'Hôtel Bauer. | Jean-François Mallet

Dans Venise libérée du joug autrichien, le Bauer Grünwald devint alors une destination privilégiée de la jet-set internationale. Le roi Farouk d'Égypte, le roi et la reine du Danemark, le roi du Népal, l'Aga Khan, Maria Callas, Renata Tebaldi, Arthur Rubinstein, Rudolf Noureev, Warren Beatty, Jean-Paul Sartre, Joan Baez, Mario del Monaco (ténor) occupèrent les suites avec vue du Bauer, le rival du Danieli (1820) cher à Chopin et George Sand (chambre 10).

La terrasse du restaurant De Pisis à l'Hôtel Bauer. | BauerVenezia

C'est cette situation en or du Bauer si vénitien qui fait tout son prix et son charme. Les repas sont servis sur la terrasse dressée sur les eaux du Grand Canal, les gondoles filent sous vos yeux même dans la nuit vénitienne qui enveloppe le Bauer, en face de la Douane de Mer, la galerie de tableaux créée par François Pinault (expositions permanentes). Le Bauer appartient à une compagnie italienne d'investissement, les cadres sont tous italiens –dont le directeur général Vincenzo Finizzola, un connaisseur de la cité.

À l'Hôtel Bauer, la salle du restaurant De Pisis. | BauerVenezia

Au restaurant en surplomb des eaux vénitiennes, le chef Dario Parascandolo venu du Danieli propose une carte courte d'une douzaine de plats de cuisine vénitienne sans chichis ni acrobaties incongrues.

Dario Parascandolo, chef du restaurant De Pisis. | BauerVenezia

En prémices, voici la salade de la mer selon le marché du Rialto (35 euros), les ravioli au crabe, tomates et basilic (38 euros), les spaghetti aux coquillages et tomates (36 euros), le risotto aux carottes et poutargue (29 euros), les tagliatelle alla bolognese, le plat le plus demandé (30 euros).

Assortiment de poissons au restaurant De Pisis. | BauerVenezia

Parmi les préparations centrales, le bar sauvage aux pâtes longues de Sicile (47 euros), les poissons frits du marché du Rialto (45 euros), l'escalope de veau milanaise, tomates et frites (37 euros), les courgettes vapeur à la ricotta et champignons (29 euros) et le filet de bœuf grillé, pommes de terre rôties, légumes (52 euros).

Plat au restaurant De Pisis. | BauerVenezia

On termine par la salade de pêches, glace au safran (16 euros), le millefeuille aux framboises (16 euros) et l'éternel tiramisu crémeux (16 euros).

Dessert au restaurant De Pisis. | BauerVenezia

Mais c'est l'admirable site sur les eaux et le cadre vénitien qui font le prix d'un repas au Bauer, mitonné dans les règles par ce cuisinier napolitain respectueux des produits de base. Devrait être étoilé.

Vue du restaurant De Pisis sur l'église Santa Maria de la Salute. | BauerVenezia

San Marco 1459 Venise. Tél.: +39 041 520 7022. Chambres à partir de 270 euros, un bon prix. Petit déjeuner généreux, café excellent. Spa au cinquième étage.

Chambre avec vue à l'Hôtel Bauer. | BauerVenezia

Terrasse et restaurant Settimo Cielo au septième étage (ouvert le soir du mercredi au samedi). Au restaurant De Pisis, déjeuner, dîner, breakfast sur les eaux, pas de fermeture.

 

Terrasse du Settimo Cielo. | BauerVenezia

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