Société / Économie

Un diplôme et puis plus rien: les galères de la «Promotion Covid»

De nombreux jeunes diplômés en 2020 peinent toujours à trouver une situation professionnelle stable.

Une pancarte brandie lors d'une manifestation d'étudiants à Paris, le 16 mars 2021. | Bertrand Guay / AFP
Une pancarte brandie lors d'une manifestation d'étudiants à Paris, le 16 mars 2021. | Bertrand Guay / AFP

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En avril 2020, Lila, community manager en formation, est au beau milieu de sa dernière année d'alternance. À six mois du terme de son Master 2, l'étudiante apprend alors que l'entreprise dans laquelle elle travaille ne la reconduira pas. La jeune femme a jusqu'à novembre pour rebondir et trouver un job. D'un naturel organisé, elle commence ses recherches tôt et postule dans différentes boîtes. «En septembre, je n'avais toujours rien, aucune réponse, pas d'entretien, se désole-t-elle. Soit j'allais être au chômage, soit je me rendais au Japon avec un PVT, un permis vacances-travail.»

Mais plus la fin de son alternance approche et plus l'idée d'un PVT à l'autre bout du monde s'éloigne: comme beaucoup de pays, le Japon ferme ses frontières fin 2020. Autre obstacle pour Lila dans son insertion professionnelle: les étudiants de son école devaient, à la remise des diplômes, rencontrer des anciens élèves pour échanger des conseils et commencer à se faire un réseau. Huit mois après sa sortie de l'école, la cérémonie n'a toujours pas eu lieu.

L'apparition du virus a bouleversé la vie étudiante, imposant des cours à distance, et rendant les stages plus difficiles à trouver. Au point que certains élèves affirment cyniquement appartenir à une «promotion Covid». Marie est de ceux-là, et comme beaucoup, ses projets ont été bouleversés. Certes, elle peut se targuer d'avoir trouvé un travail, mais il ne correspond pas du tout à ses plans de départ. Après son stage de fin d'études dans une école de commerce, elle a été embauchée par une entreprise de prise de rendez-vous médicaux, un domaine forcément porteur en pleine crise sanitaire.

«C'est sûrement l'inverse des autres étudiants, mais à la base, je ne devais pas travailler. Je voulais faire hôtesse de l'air en job d'été, puis prendre le temps de voyager, avant de trouver un travail ou de reprendre mes études pour me réorienter.» Marie a beau avoir «la chance» d'avoir trouvé un travail, elle a dû faire des concessions: «Le Covid m'a fait prendre un taf que je n'aurais pas accepté à cette rémunération-là, car c'est en-dessous de ce que je pouvais espérer en sortie d'école. Mais en termes d'apprentissage, c'était super intéressant, parce qu'avec le Covid, le secteur dans lequel je travaille était en plein boom.»

Un volume d'embauches en baisse

Le chômage partiel s'étant généralisé, et la situation économique dégradée, l'insertion des jeunes diplômés dans la vie active a été particulièrement complexe. Le bilan dressé par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail est venu étayer ce constat. Elle estime que le volume d'embauches de personnes de moins de 26 ans, en CDI ou en CDD de plus de trois mois, a reculé de 14,2% en 2020 par rapport à l'année précédente. Le rapport précise que «la baisse des embauches de jeunes est nettement moins marquée à la fin du deuxième confinement que du premier», ce qui pourrait concorder avec l'entrée en vigueur d'une mesure gouvernementale à destination des jeunes actifs.

«Globalement, on a des retours disant que cette période a été plus difficile que d'habitude du côté de l'insertion professionnelle.»
Mélanie Luce, présidente de l'Union nationale des étudiants de France

Du 1er août 2020 au 31 mai 2021, les entreprises pouvaient bénéficier d'une aide de 4.000 euros à l'embauche d'un jeune de moins de 26 ans pour un contrat d'au moins trois mois. Cette aide fait partie d'une enveloppe de plus de 6 milliards d'euros débloquée l'été dernier pour le «Plan Jeunes» du gouvernement. «À l'origine, c'est un plan pour les jeunes, mais en réalité c'est un plan pour les entreprises, fait savoir Mélanie Luce, présidente de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF). Les jeunes n'en bénéficient pas réellement, contrairement aux entreprises.»

Face à ces difficultés, le gouvernement a également dégainé «1 jeune, 1 solution», une plateforme numérique lancée fin novembre pour faciliter les recherches d'emplois, de stages, d'alternances ou même de jobs d'été de la jeunesse. L'initiative, pratique, a permis de centraliser de nombreuses informations sur un seul site. Mais elle n'est pas suffisante pour lutter efficacement contre la précarité des jeunes diplômés, estime Mélanie Luce: «Dans l'absolu, centraliser toutes ces choses, c'est intéressant, mais ça ne permet pas de résoudre le problème et ne suffit pas à aider les jeunes.»

Des aides à l'insertion encore insuffisantes

«Globalement, on a des retours disant que cette période a été plus difficile que d'habitude du côté de l'insertion professionnelle, commente la présidente de l'UNEF. Ce qui remonte, c'est la très grande précarité des diplômés, car on manque d'aide à l'insertion.» Mélanie Luce est remontée contre le gouvernement, qu'elle accuse de ne pas faire grand-chose en faveur des jeunes. Diplôme en poche, une grande partie de ces ex-étudiants ne peuvent pas prétendre au chômage, puisque l'une des conditions pour le toucher est d'avoir été salarié au moins quatre mois au cours des vingt-quatre derniers mois.

Le RSA? Oui, mais seulement si ces diplômés ont plus de 25 ans, ou s'ils ont entre 18 et 24 ans et qu'ils ont travaillé deux ans à temps plein au cours des trois dernières années. L'aide à la recherche du premier emploi (ARPE)? Ce coup de pouce permettant de bénéficier de sa bourse (ou d'autres avantages) quatre mois après la fin des études a été supprimé en 2019 par le gouvernement d'Emmanuel Macron.

Les aides à la sortie de l'école ne sont donc pas bien nombreuses. «On parle beaucoup des jeunes, mais on en fait peu pour eux. C'est facile de dire qu'on ne veut pas sacrifier la jeunesse, mais beaucoup de jeunes ont trouvé des emplois en CDD, et se retrouvent donc, après, au chômage, raille la responsable de l'UNEF. Pour lutter contre ça, il faut soutenir les entreprises, oui, mais à embaucher en CDI.»

Elle propose plutôt des contrats de générations entre quinquagénaires et jeunes, pour que les premiers, qui souffrent aussi d'une certaine précarité sur le marché du travail, puissent former les seconds. «Cela protégerait les extrémités du marché du travail, dans une notion de solidarité. Mais on pourrait aussi mettre en place un accompagnement des jeunes à l'insertion pro, davantage d'aide à la préparation des CV, des entretiens, etc.»

Malgré un retour progressif de l'activité économique, Lila est convaincue qu'elle ne trouvera pas un travail avant la rentrée prochaine. Un scepticisme dû, notamment, au fait qu'elle préférerait trouver un job de community manager dans le milieu de la culture, durement frappé par la crise économique. «Le Covid a tout changé, mais avec la fin des restrictions, j'espère que tout va revenir à la normale d'ici septembre», confie-t-elle.

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