Santé / Monde

Qui sont les gens qui ne veulent pas du vaccin contre le Covid-19?

Aux États-Unis, ils ont un profil bien particulier.

Manifestation contre une mesure du gouverneur du Massachusetts exigeant que tous les enfants reçoivent un vaccin contre la grippe pour aller à l'école, devant le Capitole de l'État du Massachusetts à Boston, le 30 août 2020. | Joseph Prezioso / AFP
Manifestation contre une mesure du gouverneur du Massachusetts exigeant que tous les enfants reçoivent un vaccin contre la grippe pour aller à l'école, devant le Capitole de l'État du Massachusetts à Boston, le 30 août 2020. | Joseph Prezioso / AFP

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Au cours des trois dernières semaines, aux États-Unis le rythme de vaccination contre le Covid-19 a ralenti. Pourquoi? Parce que beaucoup de ceux qui souhaitaient se faire vacciner l'ont été, et beaucoup de ceux qui ne le sont pas encore sont réticents. Pour arrêter la propagation du virus, nous devons le priver de porteurs, ce qui veut dire convaincre ceux qui y font obstacle de se retrousser la manche. Qui sont-ils? Et comment peut-on leur faire changer d'avis? Des enquêteurs ont interrogé des milliers d'entre eux. Voici ce qu'ils ont découvert.

Pour commencer, le nombre de personnes réticentes au vaccin diminue. Pas beaucoup, et c'est un déclin plutôt lent et parfois saccadé, mais qui apparaît dans plusieurs enquêtes. Cependant, il y a un hic: lorsque les réticents sont triés par degré de résistance –généralement en distinguant ceux qui disent qu'ils «attendent de voir» de ceux qui affirment qu'ils ne se feront pas vacciner quoi qu'il arrive, le déplacement vers le consentement est largement confiné au groupe de ceux qui attendent de voir. Ceux qui disent qu'ils ne se feront pas vacciner ne changent pas d'avis. Appelons ces deux groupes les hésitants et les antivax.

La bonne nouvelle, c'est que le groupe des antivax est plutôt réduit. En moyenne, dans l'ensemble, les hésitants représentent 20% de la population. Les antivax grosso modo 15%. Ensemble, ils posent un problème majeur parce que pour atteindre l'immunité collective, c'est-à-dire le point où le virus a du mal à trouver des hôtes susceptibles de lui permettre de subsister, nous avons probablement besoin d'inoculer entre 70 et 85% de la population. Nous pouvons atteindre 85%, ou pas loin, sans les antivax. Mais il nous faut les hésitants.

Jeunes, moins diplômés, trumpistes

Les enquêtes mettent en lumière la composition démographique de ces groupes. Comparés au reste de la population, tous ont plutôt tendance à être jeunes et conservateurs. Dans un sondage Washington Post/ABC News effectué la deuxième quinzaine d'avril, seuls 7% des plus de 65 ans étaient des antivax. Ce chiffre double chez les gens âgés de 40 à 64 ans (16%) et triple chez les 18-39 ans (22%).

Les antivax sont moins susceptibles d'avoir fait des études supérieures ou d'avoir des revenus élevés, et plus enclins à regarder la chaîne Fox News. Dans plusieurs enquêtes, les Républicains ont deux fois plus de chances que les autres personnes interrogées d'être des antivax. Dans un sondage Harris réalisé en mars, 37% des antivax, comparés à 21% pour la moyenne générale de ceux qui ont répondu, disent qu'il est très probable qu'ils «s'inscrivent sur un potentiel réseau social créé par l'ancien président Trump».

Certains antivax expliquent qu'ils n'ont pas besoin de vaccin car ils sont déjà immunisés depuis qu'ils ont été infectés (cette immunité n'est pas aussi fiable que celle que procure un vaccin). Or, les enquêtes indiquent que les antivax, comparés à la population générale, sont justement moins susceptibles d'avoir été infectés que les autres. Un sondage Harris conduit fin février montre que seuls 9% des antivax, comparés à 12% de toutes les personnes interrogées et à 16% de celles qui sont déjà vaccinées, disent avoir eu le Covid. Dans d'autres enquêtes, lorsqu'on demande aux antivax et aux hésitants pourquoi ils ne veulent pas se faire vacciner, 5% à 10% seulement affirment que leur principale raison est qu'ils ont déjà eu le virus.

Les hésitants de plus en plus convaincus

Les recherches suggèrent qu'il existe plusieurs pistes prometteuses pour convaincre les hésitants. Lorsqu'on leur demande d'expliquer leur réticence, la réponse la plus courante tourne autour de leurs doutes sur l'innocuité et l'efficacité du vaccin. En mars, un sondage Kaiser leur a donné matière à avancer dans leur réflexion en leur fournissant des informations pertinentes –en leur expliquant par exemple que bien que les vaccins soient récents, les techniques scientifiques sur lesquelles ils sont basés sont développées depuis vingt ans.

Cette information n'a pas apaisé les antivax, mais elle a incité de nombreux hésitants à envisager la vaccination. À mesure que de plus en plus de gens se font vacciner, n'attrapent pas le Covid et ne tombent pas raides morts, les sondages confirment que certains de ceux qui y faisaient obstacle parce qu'ils «attendaient de voir» ont attendu, ont vu et ont changé d'avis.

Certaines personnes se sont abstenues à cause de complications logistiques. Mais à mesure que les organisateurs s'attellent à ces problèmes en rendant le processus de vaccination plus facile et plus accessible, ces inquiétudes disparaissent. Dans les sondages de Kaiser, le pourcentage de réticents qui évoquent une difficulté à se rendre dans un centre de vaccination ou leur incapacité à se faire vacciner «dans un endroit qui inspire confiance» a chuté de 10 points entre février et mars.

L'enquête a révélé qu'environ un tiers des hésitants étaient plus susceptibles d'accepter la vaccination si leur employeur l'organisait sur leur lieu de travail ou si leur professionnel de santé habituel le leur proposait lors d'une visite de routine. Les bakchichs –technique que la Virginie Occidentale est en train d'expérimenter sous la forme de don d'obligations d'épargne d'une valeur de 100 dollars– fonctionnent aussi. L'enquête Kaiser révèle que 30% des hésitants seraient plus susceptibles d'accepter l'injection si leur employeur leur offrait 50 dollars. Faire monter cette carotte à 200 dollars augmente ce chiffre, mais jusqu'à 38% seulement.

Les antivax, profondément méfiants et inébranlables

On peut trouver un certain réconfort à se dire que ceux qui ne peuvent pas être achetés pourraient éventuellement être soumis à des sanctions, comme l'interdiction de monter dans un avion sans certificat de vaccination. Dans les sondages, ce genre de règles convainquent une fraction des hésitants –environ 7% du total– qui disent qu'ils se feront vacciner uniquement si c'est obligatoire. Mais les antivax restent inébranlables. En fait, et ce avec des marges conséquentes, les antivax sont plus susceptibles de dire que les injonctions vaccinales renforcent leur résistance que de dire que l'obligation augmenterait la probabilité qu'ils cèdent.

Ce qui distingue les antivax, c'est leur sentiment de profonde méfiance. Dans le sondage Harris de fin avril, 20% d'entre eux disent ne jamais se faire vacciner, et 40% qu'ils n'accepteraient pas un vaccin Covid parce que «je ne fais pas confiance au gouvernement». Ces chiffres correspondent à ceux d'un sondage CBS News effectué en mars, dans lequel 28% du groupe des antivax et des hésitants affirment également «ne pas faire confiance aux scientifiques et aux entreprises qui fabriquent» les vaccins. Lorsque le sondage Harris demande aux antivax ne faisant pas confiance au gouvernement de s'expliquer –soit 6% de l'échantillon total– la plupart affirme que «le gouvernement est plein de gens dont la motivation ultime est le contrôle et la manipulation». Un sur trois pense que «le vaccin a été développé pour contrôler la population générale en nous injectant une puce ou un dispositif de traçage».

Les acharnés de la puce sont une cause perdue. Mais pour faire des progrès chez les autres antivax, il va falloir nous frayer un chemin au milieu de leurs soupçons. Dans un sondage Harris effectué mi-avril, la plupart des personnes interrogées, et la majeure partie des hésitants, ont dit faire confiance à l'opinion de leurs médecins et autres professionnels de santé sur le vaccin contre le Covid. En revanche, moins d'un tiers des antivax étaient de cet avis. Beaucoup d'antivax sont davantage susceptibles de tenir compte de l'opinion de quelqu'un comme Trump, qui partage leur hostilité à l'égard des experts Covid. Dans le sondage Kaiser, 20% des hésitants et antivax républicains, lorsqu'on leur demande ce qu'ils penseraient dans l'éventualité d'un hypothétique message de Trump en faveur de la vaccination, affirment que cela les rendrait plus enclins à obtempérer.

Pour de nombreux Américains, ô combien rageante est la perspective de charger Trump de ce genre de message, lui dont les mensonges et le sabotage ont conduit à plus d'un demi-million de morts dans ce pays. Mais il va falloir prendre sur nous. Mieux vaut surmonter notre dégoût et faire en sorte que ces gens se vaccinent que de prendre des risques avec le Covid.

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