Santé

J'ai reçu le vaccin Janssen mais ce ne sont pas ses effets secondaires qui m'inquiètent

Sa suspension après des cas de thrombose n'a rien d'étonnant. Ce qui me préoccupe, c'est notre relation torturée aux vaccins.

Une pharmacienne prépare des doses du vaccin Janssen contre le Covid-19, le 4 mars 2021 dans un hôpital du VA Boston Healthcare System (Massachusetts). | Joseph Prezioso / AFP
Une pharmacienne prépare des doses du vaccin Janssen contre le Covid-19, le 4 mars 2021 dans un hôpital du VA Boston Healthcare System (Massachusetts). | Joseph Prezioso / AFP

Temps de lecture: 8 minutes

Il y a huit jours, je me suis fait vacciner avec le vaccin Janssen, du laboratoire Johnson & Johnson. Aujourd'hui [mardi 13 avril, ndlr], quand je me suis réveillée, j'ai vu une alerte du New York Times sur mon téléphone, m'informant que la FDA [l'organisme qui autorise la commercialisation des médicaments aux États-Unis] recommandait la suspension de ce même vaccin. Six femmes, âgées de 18 à 48 ans, ont développé une forme rare de thrombose dans les deux semaines qui ont suivi leur vaccination, relatait l'article. Je suis une femme, j'ai entre 18 et 48 ans, et je me suis fait vacciner il y a moins de deux semaines.

J'ai réveillé mon compagnon et lui ai dit que si je m'évanouissais, il faudrait qu'il m'emmène à l'hôpital immédiatement. Puis je suis partie faire un footing. Si je m'étais évanouie à ce moment-là, il n'en aurait rien su; cette alerte, aussi alarmante qu'elle ait paru ce matin à la première heure, ne m'inquiétait finalement pas plus que ça.

Que se passe-t-il avec le vaccin Janssen? On ne sait pas encore vraiment. Mais s'il s'avère qu'il est bien responsable de quelque chose de grave, il s'agit certainement de quelque chose de très, très rare.

Au niveau individuel, ce n'est pas si alarmant que ça

Voici en revanche ce que nous savons: le vaccin a passé tous les contrôles de sécurité nécessaires lors des essais cliniques. Mais maintenant, il est distribué à beaucoup plus de personnes qu'on ne pourrait jamais en compter dans ces essais. La FDA surveille donc tout ça de très près, au cas où un incident se produirait.

Quand n'importe quel vaccin arrive sur le marché, il y a un risque que des effets secondaires soient signalés. Mais ceux-ci ne touchent qu'un petit, très petit nombre de personnes. Il y a aussi une possibilité que certaines personnes –toujours un petit nombre– soient victimes d'un même problème de santé juste après s'être fait vacciner; ainsi, une simple coïncidence va affoler tout le monde.

En une journée, 6,8 millions de personnes ont reçu le vaccin Janssen aux États-Unis. Six cas de thrombose ont été rapportés, et parmi eux, un décès. Pour beaucoup, ça veut dire qu'il y a une chance sur un million que ça tombe sur vous, mais ce n'est pas vraiment exact; tout d'abord, parce qu'il y a peut-être d'autres cas dont on n'a pas été informé, et ensuite, parce que si ça ne touche que des femmes dans cette tranche d'âge, alors on devrait établir ces statistiques en prenant seulement en compte les femmes entre 18 et 48 ans ayant reçu le vaccin, et non pas la totalité des personnes qui l'ont eu.

Alors, oui, à l'échelle de la population, ça peut être inquiétant. Mais le nombre total de personnes atteintes de thrombose reste probablement très faible, si faible qu'il est plutôt difficile de l'interpréter par rapport à soi; en fait, au niveau individuel, ce n'est pas aussi alarmant que ça.

Or, notre première réaction en lisant les dernières infos sera de penser «j'ai le profil type, il y a de grandes chances que ça m'arrive». C'est ce que je n'ai pas arrêté de me dire ce matin, bien que je comprenne les statistiques. J'ai fini par réaliser que même si ça reste inquiétant et qu'il est normal que je panique, il n'y a pas de quoi s'alarmer à ce point. De toute façon, je ne peux pas y faire grand-chose maintenant! Le vaccin est dans mon corps. Tout ce que je peux faire, c'est attendre.

Que faire si vous n'avez pas encore reçu le vaccin? Likez si vous vous trouvez dans la même situation:

«Bon alors, j'ai rendez-vous pour avoir le vaccin Janssen jeudi. Est-ce que je maintiens?»

Quand on lit les réponses à ce tweet et plus largement, les discussions autour de ce qui est pour l'instant un simple constat qui doit faire l'objet de recherches plus approfondies, on se croirait dans un cauchemar.

Un cauchemar du même type que celui de la pandémie qu'on vit déjà depuis un an, avec l'impression que chaque choix que nous faisons individuellement peut se répercuter sur tout le monde. C'est cette idée qui a guidé la mise en place de toutes les mesures: la distanciation, l'isolement, le port du masque... et maintenant, il faut se faire vacciner le plus tôt possible pour atteindre l'immunité collective et stopper les variants. Malgré la polémique, devez-vous accepter de faire le vaccin Janssen si on vous le propose, dans l'intérêt du plus grand nombre?

L'info la plus utile dans ce thread est peut-être la suivante: les États seraient en train de remplacer les injections de Janssen par des injections de Pfizer ou Moderna. Donc, pour ceux qui sont dans le même cas qu'Olga Khazan, ça peut valoir le coup de maintenir leur rendez-vous et voir s'ils peuvent recevoir un autre vaccin. (Un autre gros problème dans cette pandémie: il n'y a pas de gestion claire et centralisée des tests de dépistage du virus ni des rendez-vous pour le vaccin.)

Du temps pour comprendre puis expliquer

Si vous souhaitiez recevoir l'injection du Janssen spécifiquement, que vous préférez ses potentiels effets secondaires à ceux des autres, que vous ne voulez pas faire la queue deux fois pour une dose, que vous aimeriez simplement en finir avec tout cela (c'est pour cette raison que je l'ai choisi), vous n'avez pas à flipper non plus. Et ne vous dites pas que vous prenez la dernière dose, qu'il n'en restera pas pour les autres après! Ce n'est qu'une pause, une pause pour comprendre ce qui se passe.

En fait, ce genre de chose arrive très souvent (ce qui est plus rare, c'est que les gens s'intéressent autant au développement des vaccins). La pause sert à donner l'opportunité à la FDA et aux CDC [Centres pour le contrôle et la prévention des maladies] de trouver ce qui cloche; s'il semble évident que les sujets à risque sont les femmes de ma tranche d'âge, il faut encore en tirer des statistiques. Qui sait ce qu'ils trouveront? Quoi qu'il en soit, le cas du vaccin Janssen semble similaire à celui d'AstraZeneca, qui, dans de très rares circonstances, causerait également des thromboses.

«Si vous ressentez de sévères maux de tête, des douleurs abdominales, des douleurs aux jambes ou un essoufflement, contactez votre médecin généraliste.»
FDA

En Europe, où le vaccin a été largement administré, des scientifiques remettent en question la pertinence du ciblage d'une certaine catégorie de personnes. On dirait bien que cette suspension du Janssen va déboucher sur sa remise sur le marché, peut-être avec des instructions plus précises cette fois.

Lors de la conférence de presse tenue par la FDA et les CDC ce 13 avril, les médecins de chaque organisme ont insisté sur le fait qu'ils ont besoin de plus de temps pour transmettre aux professionnels de santé les détails de leurs observations. Le type de thrombose en question ici, possiblement lié au vaccin Janssen, nécessite un traitement tout particulier; c'est pourquoi la FDA et les CDC briefent en ce moment même les médecins sur les questions à poser aux patients pour savoir s'ils sont à risque.

Pour ceux qui s'inquiètent et s'interrogent, voici les dernières directives officielles de la FDA: «Si vous avez reçu le vaccin Janssen et que vous ressentez de sévères maux de tête, des douleurs abdominales, des douleurs aux jambes ou un essoufflement dans les trois semaines suivant votre vaccination, contactez votre médecin généraliste.»

Sortons de la guerre des mentalités

Personnellement, ces événements me rappellent ce qui s'est passé début avril, quand 15 millions de doses de Janssen ont dû être jetées, ce qui est le parfait contre-exemple de comment le système devrait fonctionner, du point de vue de la santé publique. C'est un contretemps, mais pas de quoi en faire un drame: on a la chance, aux États-Unis, d'avoir beaucoup de vaccins, à la fois en matière de types et de quantité.

C'est vrai que nous sommes dans une sorte de course contre la montre, dans le sens où plus il y a de gens qui se font vacciner, plus on approche de l'immunité collective, et plus on limite l'apparition de variants (mais même là, on s'en sort plutôt bien, car les vaccins sont efficaces contre les variants).

C'est vrai aussi que le vaccin Janssen a des avantages uniques puisqu'il ne nécessite qu'une seule injection et n'a pas besoin d'être conservé au frais à des températures très basses. C'est donc beaucoup plus facile de l'envoyer dans les zones rurales que d'autres vaccins. Rien que pour cette raison, il faudrait l'autoriser à nouveau, aussi tôt que possible –mais il faut également faire preuve de diligence raisonnable afin de proposer aux gens un vaccin qui leur inspire confiance.

Notre réaction aux anti-vaccins nous empêche de parler franchement et ouvertement des risques des vaccins.

En lisant les informations ce matin, ce n'était pas les potentiels caillots de sang dans mon corps qui me préoccupaient, mais plutôt la relation torturée des Américains aux vaccins: on ne peut plus prendre de recul sur la situation et y voir clair. Ça grouille de débats infondés sur la légitimité de la pause, si c'est bien ou pas, si on peut faire confiance à la santé publique, etc. Je pense que toute cette situation est assez inédite comme ça, et votre opinion là-dessus est sûrement liée à vos antécédents plutôt qu'à quoi que ce soit d'autre.

Oui, les anti-vaccins vont utiliser cet incident comme argument. Toutefois, notre réaction à leurs discours nous empêche de parler franchement et ouvertement des risques des vaccins. Voilà la vérité: les vaccins comportent des risques. Aussi infimes qu'ils soient et même si ça en vaut la peine (dans le cas des vaccins contre le Covid-19, la question ne se pose même pas), ils peuvent faire peur et c'est une réalité qu'on ne devrait pas ignorer. Tout cela serait bien plus simple pour tout le monde si on pouvait juste en parler ouvertement. Je pense même que si c'était le cas, au bout du compte, on ferait plus confiance à la santé publique là-dessus.

Mais cette guerre des mentalités est telle que si on admet que quelque chose cloche avec le vaccin, on donnera raison à «l'autre côté» (par là, j'entends les anti-vaccins, un groupe de personnes déraisonnables qui ne sont pas de bonne foi) et il trouvera quelque chose à répliquer. Nous manquons donc l'occasion de conversations sensées au profit d'un militantisme finalement pas très convaincant, alors même que le nombre d'anti-vaccins n'a pas tant que ça bougé au cours des dernières décennies. En fait, si un nombre équivalent de personnes ne se font pas vacciner, c'est simplement parce qu'elles n'ont pas accès aux soins.

Ce n'est pas insensé de vous inquiéter de ces cas de thrombose si vous êtes une femme dans la tranche d'âge concernée et que vous avez reçu le vaccin Janssen dans les deux dernières semaines. De la même manière, c'est très probable que vous n'ayez rien. C'est aussi normal si, en découvrant les informations, vous êtes frustrée d'apprendre que le taux de thromboses causées par la pilule contraceptive est plus élevé que le taux de thromboses causées par le vaccin, mais que personne ne s'en préoccupe plus que ça. Je ne dis pas qu'il ne faut pas s'en inquiéter non plus, mais qu'on –que toute la société– devrait s'inquiéter des deux. On devrait faire en sorte que chaque voix compte, plutôt que de tenter de minimiser les dégâts.

Oui, il y aura des effets secondaires aux médicaments et aux vaccins que la grande majorité de la population recevra. Les médecins doivent prendre le temps de comprendre comment ils surviennent et faire en sorte que cela se produise le moins possible. C'est ce qui se passe avec Janssen. Ce n'est peut-être pas parfait, mais parfois, c'est comme ça que la science fonctionne.

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