Santé / Sciences

B.1.617, le variant «double mutant» qui effraie l'Inde et se propage déjà dans le monde

Le deuxième pays le plus touché par le Covid-19 fait face à une seconde vague beaucoup plus forte que la première. Les variants en seraient notamment responsables.

Avec 13,9 millions d'infections au Covid-19, l'Inde compte désormais le deuxième plus grand nombre de cas au monde, devant le Brésil. | Sujit Jaiswal / AFP
Avec 13,9 millions d'infections au Covid-19, l'Inde compte désormais le deuxième plus grand nombre de cas au monde, devant le Brésil. | Sujit Jaiswal / AFP

Temps de lecture: 3 minutes

Le Covid-19 et ses variants n'ont pas fini de faire trembler la planète. Partout sur le globe, de nouvelles souches du virus émergent semaine après semaine. Parmi elles, certaines semblent davantage inquiéter les scientifiques que d'autres.

Plus contagieuses et virulentes, ces nouvelles souches font des ravages, notamment au Brésil avec le variant P.1. Pendant que nos projecteurs sont tournés de l'autre côté de l'Atlantique, une mutation fait son trou en Asie, et plus spécifiquement en Inde.

Depuis plusieurs semaines, le pays fait face à une impressionnante flambée des cas de Covid-19. Une vague encore plus importante que la première, qui avait fait plier le géant aux pieds d'argile à l'été 2020.

Double mutation, doubles complications

Plusieurs variants circulent actuellement sur le territoire indien, comme le B.1.36, un variant local qui se propage depuis plusieurs mois au sud du pays, près de Bangalore.

Pourtant, depuis le début de l'année, et encore plus ces dernières semaines, c'est un autre variant qui retient l'attention des scientifiques: le B.1.617, surnommé «double mutant». Détecté pour la première fois le 7 décembre 2020 sur le territoire, il s'est depuis propagé, notamment dans le Maharashtra, à Delhi et dans le Punjab, des endroits particulièrement concernés par la recrudescence du virus.

Ce drôle de nom sorti tout droit d'un film de science-fiction, le B.1.617 le doit à une caractéristique particulière. «Ce variant contient deux mutations spécifiques, appelées E484Q et L452R», décrit dans The Wire Gautam I. Menon, professeur à l'Université Ashoka de Sonipat et à l'Institut des sciences mathématiques de Chennai. Ce sont donc deux mutations du virus qui se rejoignent en une, pour former un nouveau variant du coronavirus. Et ce n'est pas une bonne nouvelle.

D'un côté, la mutation L452R, détectée dans le variant californien, rend le virus plus transmissible tout en étant davantage résistant aux vaccins. De l'autre, la mutation E484Q, qui serait similaire à la mutation E484K observée dans les variants sud-africain et brésilien et qui pourrait également réduire l'efficacité des vaccins (des études sont en cours). D'après le ministère de la Santé indien, ces mutations réunies pour la première fois confèrent au variant B.1.617 «un échappement immunitaire et une infectivité accrue». Bref, c'est du costaud.

Autre inquiétude sur la détectabilité de ce recombinant: selon L'Obs, un grand nombre de cas ne sont plus décelés par les tests PCR et nécessitent des scans. Le saignement du nez serait un signe d'infection.

Responsable de la seconde vague?

Le terme de seconde vague est presque un euphémisme: c'est un véritable tsunami qui s'abat sur l'Inde en ce moment. Les cas de Covid-19 flambent dans presque tous les États du pays et plus de 150.000 nouveaux cas par jour en moyenne ont été recensés cette dernière semaine. À titre de comparaison, au pic de la première vague, le pays comptabilisait un peu moins de 100.000 nouveaux cas par jour. Avec un total de près de 13,9 millions d'infections au Covid-19, l'Inde compte désormais le deuxième plus grand nombre de cas au monde, devant le Brésil.

De multiples facteurs expliquent cette résurgence du virus en Inde depuis le mois de janvier. Outre un relâchement notable des gestes barrières combiné à la réouverture de tous les magasins et lieux publics, les nouveaux variants seraient les principaux fautifs. «Que la circulation des nouveaux variants potentiellement plus infectieux soit responsable du pic de cas après janvier 2021 semble de plus en plus incontournable», estime le professeur Gautam I. Menon.

Le «double mutant» serait en cause. Le 24 mars, le ministère de la Santé du pays rapportait que 15 à 20% des PCR réalisés dans l'État du Maharashtra concernent le variant indien, B.1.617. Ce dernier serait ainsi responsable de l'augmentation de 55% des cas dans cet État où se trouve la ville de Mumbai, qui vient tout juste de se confiner pour quinze jours.

En plus du «double mutant», plusieurs nouvelles souches du virus se propagent sur le territoire, notamment le variant du Kent. Le «scénario catastrophe» qu'a exposé Gautam I. Menon il y a quelques jours, soit «la combinaison de réinfections étendues avec une ou plusieurs nouvelles souches se propageant plus rapidement», semble peu à peu se profiler.

Le pays retient son souffle

Le climat devient de plus en plus anxiogène en Inde alors que de nouvelles restrictions pourraient être annoncées dans les jours à venir. Les images du premier confinement se répètent dans les gares et les arrêts de bus des grandes villes, où les migrants tentent de rentrer dans leurs campagnes d'origine pour ne pas se retrouver bloqués.

Les jours à venir devraient être déterminants, mais rien ne laisse présager une accalmie, au contraire. Les autorités redoutent les conséquences de rassemblements politiques et religieux, notamment du récent pèlerinage hindou de la Kumbh Mela, durant lequel près de 650.000 fidèles se sont baignés dans le Gange le 14 avril.

Pour ne rien arranger, la vaccination dans le pays connaît quelques difficultés. Bien que l'Inde ait déjà administré 108 millions de doses depuis mi-janvier, la rupture de stock dans certains États et la réticence du public à l'égard des vaccins pourraient retarder l'objectif du gouvernement de vacciner 300 millions de personnes d'ici à fin juillet. Pour accélérer sa campagne, le pays vient d'approuver le vaccin russe Spoutnik V.

En ce qui concerne le variant B.1.617, le fameux «double mutant», sa propagation à l'international semble déjà actée. Plusieurs cas ont déjà été recensés au Royaume-Uni, à Singapour, en Australie et aux États-Unis.

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