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Mais que devient Donald Trump?

L'ex-président américain ne s'est pas rangé des voitures. Depuis Mar-a-Lago, il continue de tirer les ficelles du Parti républicain, qui lorgne les élections de mi-mandat de 2022.

L'ex-président des États-Unis Donald Trump quitte la scène après un discours à Orlando (Floride), le 28 février 2021. | Oe Raedle / Getty Images North America / AFP
L'ex-président des États-Unis Donald Trump quitte la scène après un discours à Orlando (Floride), le 28 février 2021. | Oe Raedle / Getty Images North America / AFP

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Voici plus de deux mois que Donald Trump a lâché la présidence avec pertes et fracas. Après quatre années de mandat, et quantité de bourdes et de rodomontades, il a laissé la place à une administration Biden tellement apaisée qu'elle en paraîtrait presque ennuyeuse, à quelques petits problèmes migratoires près. Qu'est donc devenu le 45e président des États-Unis? À quoi ressemble la retraite (forcément) dorée de l'ex-aspirant dictateur?

Après avoir quitté la Maison-Blanche de façon plutôt discrète, sans passer par la case investiture de son successeur, la famille Trump a posé ses valises dans son complexe privé de Mar-a-Lago, en Floride, dont elle a bien failli se faire évincer aussi sec. En effet, le règlement du club stipule depuis presque trente ans que nul ne peut vivre de façon permanente à Mar-a-Lago, pas même un ancien président des États-Unis.

Les voisins du complexe trumpien se sont élevés contre son installation, craignant que la présence de Trump à l'année n'attire une population indésirable à Palm Beach. L'avocat de l'ex-président a opposé à cette fronde de voisinage que Trump étant un «employé» de son propre club, il pouvait y rester à loisir. L'affaire n'est pas résolue mais selon Newsweek, il est fort probable que Trump ait gain de cause malgré ses engagements.

Le complexe de Mar-a-Lago a partiellement fermé le 19 mars à la suite d'une suspicion de cluster, mais les affaires continuent. Depuis son arrivée fin janvier, Trump y est une véritable attraction, et on le retrouve régulièrement posant avec des fans pour des selfies béats.

 

 

L'ancien président ne se contente pas de poser pour des photos; samedi dernier, il a fait un petit discours au milieu d'une noce qui se tenait au club pour féliciter les mariés. C'est en tout cas ce à quoi s'attendait le jeune couple mais une fois le micro en main, Trump a tenu le crachoir pendant deux minutes et repris ses bonnes habitudes. Il a parlé de la Chine, de l'Iran, de l'état des frontières, de l'incompétence de l'administration Biden, le tout au milieu du silence gêné des invités. «Ça y est, je vous manque?» a-t-il finit par lancer, déclenchant des acclamations enthousiastes, puis il a enchaîné sur «75 millions de voix, personne n'avait encore jamais eu ça», l'élection qu'il a curieusement perdue mais on sait tous pourquoi, avant de lâcher, in extremis, aux tourtereaux: «Vous êtes un super beau couple.»

Trump n'a pas abandonné la politique

Tout porte donc à croire que Trump s'est converti en G.O. de Club Med et qu'il a laissé tomber la politique. Et pourtant, non. L'ancien président continue d'exister dans les médias: grâce à des communiqués officiels, au ton très proche de celui de ses anciens tweets, à un retour devant un public conquis le 28 février et à des interviews téléphoniques, notamment sur Fox News, comme le 26 mars (après la première conférence de presse de Joe Biden) où il a défendu son «superbe mur», dénoncé les conditions de vie des enfants dans les centres de détention de l'administration Biden (ironie, quand tu nous tiens), affirmé que la violence des antifas et le mouvement Black Lives Matter étaient un réel sujet d'inquiétude et que les antifas tuaient des gens sans qu'il ne leur arrive rien.

Quant aux événements du 6 janvier au Capitole, s'il concède que les envahisseurs «n'auraient pas dû faire ça», il prétend qu'ils «embrassaient et étreignaient les policiers et les gardes». Enfin, il y a repris son antienne post-électorale et a comparé l'élection américaine à «des élections de pays du tiers-monde», et expliqué que les chiffres étaient «largement» en sa faveur et que les juges de la Cour suprême devraient «avoir honte» d'avoir refusé de renverser l'issue du scrutin. Fox News vient par ailleurs d'annoncer l'embauche sur son antenne de Lara Trump, bru de Donald, ce qui garantira une présence de la famille à la télévision.

Ça, c'est pour c'est le côté relations publiques et image de marque. Mais Trump n'est pas sorti de la vie politique américaine, loin de là. Début mars, il a mis en demeure les trois plus grands comités d'action politiques du Parti républicain, le RNC, le NRCC et le NRSC, de cesser d'utiliser son nom et son image dans leurs messages et sur les marchandises qu'ils commercialisent. En effet, ces organisations financent notamment des élus républicains qui ont voté contre lui lors de la procédure d'impeachment dont il a fait l'objet au Congrès, ce qu'il n'est pas près de pardonner. Son groupe de soutien officiel, le PAC Save America, continue les levées de fonds pour lesquelles il envoie des mails à ses soutiens où l'on peut lire «Plus d'argent pour les RINO [Republicans in Name Only, les Républicains que de nom, ndlr], envoyez vos dons au PAC Save America, sur DonaldJTrump.com. Nous reviendrons plus forts que jamais!»

Comme il l'a précisé lors de sa première prise de parole publique post-présidentielle à Orlando en février, seul son propre PAC va permettre «d'élire des conservateurs américains d'America First». Trump a bien l'intention de garder le contrôle du Grand Old Party, et la force de sa base qui lui reste fidèle, son image et l'argent qu'il est susceptible de lever pour les prochaines élections de mi-mandat, en 2022, sont le nerf de cette guerre. Son comité d'action politique Save America avait déjà levé 31,2 millions de dollars à la fin de l'année 2020. En outre, comme il aime à le rappeler, près de 75 millions d'Américains ont voté pour lui. Le parti est divisé entre ceux qui voudraient passer à autre chose et s'éloigner de son populisme xénophobe, et les fidèles qu'il compte bien soutenir lors des élections à venir, parfois contre des candidats républicains qu'il ne juge pas assez loyaux.

«[Trump a] lancé le mouvement politique le plus extraordinaire de l'histoire, détrôné des dynasties politiques, vaincu l'establishment.»
Extrait du bilan de la présidence de Trump, publié sur son site internet www.45office.com

S'il ne compte pas fonder un nouveau parti, en revanche, il envisage de lancer une nouvelle plateforme de réseaux sociaux. Banni de Twitter et de Facebook, Trump, dont une immense partie de la popularité s'explique par son omniprésence sur ces réseaux, ne s'avoue pas vaincu. Sa plateforme ne devrait plus tarder à voir le jour (d'ici deux ou trois mois selon son conseiller Jason Miller) et elle devrait selon toute probabilité connaître un bon succès, puisqu'une part non négligeable de ses millions d'abonnés devrait l'y rejoindre.

En attendant, il vient de lancer un site internet, 45office.com, où il est possible de le contacter pour lui laisser un message ou solliciter sa présence pour un événement, et où une page entière est consacrée au bilan hagiographique de sa présidence. Dès l'introduction, on y apprend qu'il a «lancé le mouvement politique le plus extraordinaire de l'histoire, détrôné des dynasties politiques, vaincu l'establishment de Washington et qu'il est devenu le premier vrai outsider élu président des États-Unis». Puis qu'il a «vaincu pratiquement toutes les structures de pouvoir indétrônables –politiques et financières– et arraché une victoire décisive, en remportant des États qu'aucun candidat républicain n'avait gagné depuis des décennies». La liste de ses hauts faits s'égrène en une litanie qui évite soigneusement de parler des morts du Covid, de l'invasion du Capitole, de la crise économique de 2020 et, naturellement, des deux procédures de destitution entreprises à son encontre. On ne se refait pas.

Malgré son éviction des réseaux sociaux, l'ex-président n'est donc pas près de disparaître de la scène politique américaine, et laisse même entendre qu'il pourrait se représenter en 2024. Comme l'affirme un de ses slogans préférés, Trump, sa famille et son électorat restent convaincus que «le meilleur reste à venir».

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