Égalités / Monde

La Turquie se retire du traité européen sur les violences faites aux femmes

Pourtant, le nombre de féminicides n'a fait qu'augmenter dans le pays au cours de la dernière décennie.

Des membres de la KCDP (Kadin Cinayetlerini Durduracagiz Platformu, soit <em>«la plateforme Nous stopperons les féminicides»</em>) tiennent des pancartes sur lesquelles on peut lire <em>«stop au féminicide»</em> et <em>«Nous appliquerons la convention d'Istanbul»</em>, lors d'une manifestation pour une meilleure application de la convention d'Istanbul et de la loi turque 6284 pour la protection de la famille et la prévention de la violence contre les femmes, à Ankara, le 22 novembre 2020. | Adem Altan / AFP
Des membres de la KCDP (Kadin Cinayetlerini Durduracagiz Platformu, soit «la plateforme Nous stopperons les féminicides») tiennent des pancartes sur lesquelles on peut lire «stop au féminicide» et «Nous appliquerons la convention d'Istanbul», lors d'une manifestation pour une meilleure application de la convention d'Istanbul et de la loi turque 6284 pour la protection de la famille et la prévention de la violence contre les femmes, à Ankara, le 22 novembre 2020. | Adem Altan / AFP

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur The Guardian

La Turquie, qui avait été l'un des premiers États à signer le traité international issu de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique en 2011, vient de se retirer de l'accord ce samedi via un décret présidentiel, comme l'a annoncé le journal officiel, T.C. Resmî Gazete.

Conclu à Istanbul, l'accord vise à éliminer la violence domestique et promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes, et constitue le premier outil juridiquement contraignant au niveau européen en la matière, assurant prévention de la violence, protection des victimes et condamnation des personnes reconnues coupables de violences. La décision turque intervient alors même que le pays enregistre depuis plusieurs années une forte augmentation du nombre de féminicides (plus de 3.100 au cours de la dernière décennie, et déjà 77 au cours des 79 jours écoulés de cette année).

Offensive conservatrice

Sur son compte Twitter, la ministre turque du Travail, des Affaires sociales et de la Famille Zehra Zümrüt Selçuk a déclaré: «La garantie des droits des femmes est la réglementation en vigueur dans notre législation nationale, en particulier dans notre Constitution. Notre système judiciaire est suffisamment dynamique et solide pour mettre en œuvre de nouvelles réglementations si nécessaire», réaffirmant son soutien au président Recep Tayyip Erdoğan.

L'année dernière déjà, des responsables du Parti de la justice et du développement (l'AKP, le parti conservateur présidé par Erdoğan) avaient annoncé que le gouvernement envisageait de se retirer du traité international. Pour de nombreux conservateurs, ce dernier tendrait à saper les structures familiales turques, encourageant la violence et promouvant l'homosexualité, au regard du principe de non-discrimination fondée sur l'orientation sexuelle qu'il contient.

Du côté de l'opposition et de celles et ceux qui luttent contre les violences faites aux femmes, le retrait de la convention d'Istanbul est un très mauvais signe dans le contexte d'explosion des violences domestiques que connaît la Turquie, et qui tend à éloigner le pays encore davantage des valeurs défendues par l'Union européenne, à laquelle la Turquie reste en théorie candidate. Selon eux, l'accord et la législation approuvée dans son sillage devraient au contraire être appliqués de façon plus stricte.

Si la Turquie ne tient pas de statistiques officielles sur les féminicides, dont le décompte est effectué par des associations féministes, l'Organisation mondiale de la Santé révèle que 38% des femmes turques sont victimes de violences de la part d'un partenaire au cours de leur vie, tandis qu'en Europe, 25% des femmes sont concernées.

La Turquie n'est pas le premier pays à vouloir se retirer de la convention: en 2020 déjà, c'est la Pologne qui considérait ce traité «nuisible» pour le pays.

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