Égalités / Culture

Madeleine Pelletier, la première femme psychiatre en France, en 1906

Rejetant les théories sexistes et racistes de l'anthropologie de l'époque, la militante féministe consacrera sa vie à soigner les pauvres et défendre l'IVG.

Madeleine Pelletier dans <em>Elles ont été les Premières!</em> | Gomargu
Madeleine Pelletier dans Elles ont été les Premières! | Gomargu

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À l'occasion du centenaire de la Journée internationale des droits des femmes, les journalistes Mélina Gazsi et Suzanne Kestenberg, l'illustratrice Gomargu et l'actrice Julie Gayet rendent hommage à cent femmes, connues du grand public ou beaucoup moins, qui ont marqué l'histoire en étant les premières: à faire le tour du monde, à devenir milliardiaire, à exercer le métier de psychiatre, à obtenir le permis de conduire ou encore à devenir cheffe d'État.

Elles ont été les Premières! 100 femmes exceptionnelles paraît le 4 mars 2021 aux Éditions de La Martinière. Nous en publions ci-dessous un chapitre.

Dans la maison familiale, on ne roule pas sur l'or. Le père est cocher de fiacre, la mère marchande de légumes. La fillette doit donc arrêter l'école à l'âge de 12 ans. Mais, très vite, elle s'intéresse à la politique, fréquentant dès ses 15 ans les milieux anarchistes. Déçue par ces idées, Madeleine Pelletier comprend toutefois l'intérêt d'avoir une bonne éducation. Elle décide de reprendre ses études afin de passer le bac, en solitaire. Dur, dur!

Ses parents étant morts, elle trouve un appui intellectuel et financier auprès de l'anthropologue Charles Letourneau, issu lui aussi d'un milieu défavorisé. À l'université, en 1898, elle fait partie des 129 femmes présentes sur 4.500 étudiants!

Elle se tourne ensuite vers l'anthropologie, en acceptant, un peu interloquée quand même, les théories qui font alors autorité. Par exemple, celle de l'anthropologue Paul Broca selon laquelle l'intelligence se mesure à la taille du cerveau. Il affirme: le cerveau est plus gros chez les hommes éminents que chez les médiocres, chez les races «supérieures» que chez les races «inférieures» et, bien sûr, chez les hommes que chez les femmes.

Puis, la nature rebelle de l'apprentie étudiante reprenant ses droits, Madeleine Pelletier finit par s'opposer à ces idées et abandonne l'anthropologie. Elle veut s'inscrire au concours des internats des asiles, mais c'est impossible! Il faut pour cela jouir de ses droits politiques, autrement dit, pouvoir voter. Ce qui est encore interdit aux femmes. Elle se battra donc pour abolir cette règle, soutenue par le quotidien féministe La Fronde de Marguerite Durand.

Première féministe à promouvoir l'interruption de grossesse

Enfin autorisée à passer le concours, Madeleine Pelletier devient en 1906 la première femme française diplômée en psychiatrie. Enfin, presque. En réalité, il semble qu'elle n'ait pas réussi le concours... Néanmoins, une fois médecin en entreprise, elle poursuit son engagement politique, d'abord au sein du Parti socialiste (à l'époque, la SFIO), puis au Parti communiste.

Militante radicale de la cause des femmes, les cheveux courts et habillée en pantalon, elle se moque de celles qu'elle nomme les «féministes en dentelles». Radicale, c'est un euphémisme. Tout ce qui s'apparente un tant soit peu au féminin la répugne, jusqu'aux grossesses –sa mère en eut une douzaine... Quant au port du pantalon, Madeleine le revendique, à l'instar de George Sand, Marie-Rose Astié de Valsayre, Violette Maurice et Rosa Bonheur, mais sur un mode un peu plus musclé.

Militante radicale de la cause des femmes, Madeleine Pelletier a revendiqué le port du pantalon. | Gomargu

À une ordonnance du préfet de police de Paris datant de 1800, qui interdit aux femmes de se travestir en pantalon, sauf à demander une autorisation, elle répond en substance: je porterai des robes et montrerai mes seins quand les hommes commenceront à s'habiller avec une sorte de pantalon qui montrera leur... Elle n'avait pas imaginé l'arrivée des jeans moulants.

Quoi qu'il en soit, Madeleine Pelletier a choisi sa voie: elle soignera les pauvres, travaillant la nuit dans les quartiers populaires, où elle rencontre des femmes qui se font avorter bien que ce soit illégal. Première féministe à promouvoir l'interruption de grossesse, qualifiée par la loi de «crime d'avortement», elle est arrêtée en 1939 sur dénonciation pour avoir aidé à avorter une adolescente violée par son frère. Pour Madeleine, la punition ne sera pas la prison mais l'asile. Elle y meurt au bout de quelques mois, des suites d'un accident vasculaire.

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