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LeBron James, Dwyane Wade, Carmelo Anthony... Le vin est-il compatible avec le sport de haut niveau?

Cette boisson est devenue tendance pour de nombreux entraîneurs et sportifs américains, notamment en NBA.

Carmelo Anthony, basketteur et amateur de vin. | Capture d'écran <a href="https://www.youtube.com/watch?v=RLr1I3wF0u0&amp;ab_channel=CarmeloAnthony">via YouTube</a>
Carmelo Anthony, basketteur et amateur de vin. | Capture d'écran via YouTube

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C'est un document très surprenant qu'on retrouve intercalé entre la page 72 et 73 du livre d'Arsène Wenger, Ma vie en rouge et blanc, publié chez JC Lattès en octobre dernier. «Règles de diététique: important: un verre de vin à la fin des principaux repas suffit.»

Tel est le conseil que semblait donner l'ancien entraîneur d'Arsenal à ses joueurs il y a quelques années. Impossible de savoir de quand date ce mémo, mais le conseil a de quoi interroger: la consommation de vin est-elle vraiment compatible avec la pratique d'un sport de haut niveau?

Une tendance récente en NBA

Pas du tout répandue dans les années 1990, la consommation de vin est aujourd'hui revendiquée par de nombreux joueurs de la NBA avec en tête LeBron James. La star des Los Angeles Lakers poste régulièrement sur les réseaux sociaux des photos et vidéos de lui avec un verre de rouge ou une bonne bouteille, et en assume une consommation quasi quotidienne.

 

«La production et la consommation de vin en général ont augmenté aux États-Unis ces dernières années, elle est devenue plus acceptable aux yeux des Américains, explique Baxter Holmes, journaliste sportif pour ESPN. La NBA s'est également beaucoup internationalisée ces vingt dernières années avec de plus de plus de joueurs issus de pays comme la France, l'Espagne ou l'Argentine, dans lesquels le vin est un produit de consommation courant.»

Des joueurs comme Tony Parker et Boris Diaw auraient donc contribué à démocratiser le vin dans la ligue américaine, comme le confirme Fabrice Gautier, le kinésithérapeute français de nombreuses stars de la NBA. «Je suis moi-même un grand amateur de vin. Il m'est arrivé de partager des bonnes bouteilles avec Tony et Boris, raconte le Français basé à Los Angeles. Le plus calé d'entre eux est sans doute Carmelo Anthony [l'ailier des Trail Blazers, ndlr], qui écarquille les yeux quand je lui parle de grands vins de Bourgogne. Mais je bois également de temps en temps un verre avec Rudy Gobert, par exemple.»

 

Le vin est même devenu un business pour plusieurs anciens et actuels joueurs comme Dwyane Wade (ex-Miami), Yao Ming (ex-Houston) et Stephen Curry (Golden State). Jeune retraité des parquets, Dwyane Wade a lancé son propre label en 2015, D Wade Cellars, en s'associant à un vigneron de la Napa Valley. Carmelo Anthony anime quant à lui un podcast sur le vin depuis un peu moins d'un an intitulé What's In Your Glass? (Qu'y a-t-il dans ton verre?).

Quels effets sur la santé?

À la différence des basketteurs américains, «peu de footballeurs en France consomment du vin régulièrement et ceux qui le font ne s'en vantent pas», explique Michel Martino, diététicien-nutritionniste pour des sportifs de haut niveau dont des équipes de football professionnelles. «Il s'agit plutôt d'une consommation ponctuelle qui a lieu pendant les vacances ou une fois par semaine lors d'un repas plaisir ou d'une soirée festive. Et la bière et l'alcool fort ont plus de succès.»

Surpris par cette tendance américaine, le Français qui est aussi responsable du groupe expert en nutrition des sportifs à l'Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDN) tient à rappeler les effets dangereux de l'alcool sur la santé. «C'est un psychotrope aux actions néfastes sur le système nerveux et l'organisme en général. Sa consommation entraîne notamment des troubles du système digestif, des perturbations neurologiques, une augmentation des pathologies cardiovasculaires et des risques de cancers.»

 

Cela étant dit, une consommation régulière mais légère de vin peut-elle être bénéfique pour la santé? «Le mythe du verre de vin par jour qui éloigne le docteur pour toujours s'est effondré le 23 août 2018, avec la publication d'une étude parue dans la revue scientifique britannique The Lancet. Les résultats mettent en évidence que le vin n'a aucun bénéfice sur le corps, bien au contraire, et que son niveau de consommation le plus sûr est de zéro.»

En France, l'Inca (Institut national du cancer) recommande de ne pas dépasser les 15 grammes d'alcool par jour pour un sujet adulte, soit 1,5 verre de vin. On dispose cependant de peu d'études sur l'impact de l'alcool chez le sportif. Michel Martino évoque un niveau de consommation «acceptable» pour une personne lambda, mais non adapté au sportif.

«LeBron, c'est un athlète qui mange bien, dort bien et se soigne bien. Un bon repas avec du riz, un steak de saumon et un verre de vin suivi d'un grand verre d'eau me semble cohérent.»
Fabrice Gautier, kinésithérapeute et ostéopathe

«Le corps d'un sportif est son outil de travail. On ne peut pas lui interdire de boire du vin mais rappelons que ce dernier est beaucoup plus nuisible que chez le sédentaire, il amène de nombreuses perturbations comme une récupération post-effort plus lente stockage du glycogène et régénération musculaire, l'altération des capacités d'aérobie, la prise de masse grasse, la déshydratation ou encore des effets cognitifs comme la baisse de vigilance et un temps de réaction allongé.»

Pour Fabrice Gautier, les sportifs de haut niveau comme les basketteurs ont une connaissance très poussée de leur corps et savent ce qu'ils peuvent faire ou non. «Le vin a une tendance inflammatoire, c'est vrai, mais tout est une question de mesure. La consommation de vin doit entrer dans une hygiène de vie globale», explique celui qui est aussi l'ostéopathe de l'équipe de France de basket.

Il précise: «Pour reprendre l'exemple de LeBron, c'est un athlète qui mange bien, dort bien et se soigne bien. Un bon repas avec du riz, un steak de saumon et un verre de vin suivi d'un grand verre d'eau me semble cohérent.»

 

Un outil pour fédérer

Au-delà de la consommation individuelle, l'aspect convivial de la dégustation de vin a séduit plusieurs entraîneurs qui s'en servent comme un outil de management. «La tendance en NBA a commencé avec des gens comme Gregg Popovich, l'entraîneur des San Antonio Spurs, qui a compris qu'il pouvait favoriser l'alchimie entre son staff et ses joueurs autour de bonnes bouteilles», raconte Fabrice Gautier.

«Les dîners d'équipe sont devenus une habitude dans la culture des Spurs depuis une vingtaine d'années, avec des joueurs influencés par la passion de Popovich pour le vin, ajoute Baxter Holmes. Doc Rivers [ex-entraîneur des Clippers, désormais des Sixers, ndlr] en est aussi un amateur. Je ne serais pas surpris qu'il s'en serve avec son équipe.»

«C'est piégeur pour le sportif, cela pourrait le pousser à l'addiction.»
Michel Martino, diététicien-nutritionniste

La «hype» pour le vin en NBA a atteint son paroxysme dans la bulle d'Orlando l'été dernier, à l'occasion de la reprise de la saison arrêtée initialement en mars en raison de la pandémie. Bloqués pour un à deux mois entre quatre murs, joueurs et entraîneurs sont arrivés à Orlando avec des caisses entières de vin, Baxter Holmes évoquant même dans un de ses articles la création d'un «club de vin non officiel».

 

«Il faut replacer le contexte de la bulle: il s'agissait d'une situation insolite pour les joueurs, qui se sont retrouvés à passer douze heures par jour pendant plusieurs semaines dans leur chambre, loin de leur famille et de leurs amis. Le fait de pouvoir descendre de temps en temps dans le hall de leur hôtel le soir pour ouvrir une bouteille, partager un bon verre et avoir des interactions sociales leur a fait beaucoup de bien.»

«J'ai joué mon petit rôle dans la bulle pour en parler aux joueurs, les éduquer, et en gérant notamment les commandes de Joakim (Noah) et Rudy (Gobert)», ajoute Fabrice Gautier en mettant en valeur l'aspect «convivial» et «cérémonieux» du vin.

«Recommander ou encourager la consommation habituelle de vin me dérange. C'est piégeur pour le sportif, cela pourrait le pousser à l'addiction, estime quant à lui Michel Martino. En cas de consommation, je conseillerai de ne pas dépasser un verre par jour, à boire au moins deux heures après l'effort, pendant le dîner», ajoute le diététicien-nutritionniste en rappelant que «bon sens» et «modération» doivent primer.

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