Société

La disparition de Maître Mô nous rappelle que Twitter peut être un outil formidable

Je ne connaissais pas cet homme, et pourtant, j'ai pleuré.

On peut aimer quelqu'un pour ce qu'il écrit, c'est l'évidence. | Priscilla Du Preez <a href="https://pixlr.com/fr/x/#editor">via Unsplash</a>
On peut aimer quelqu'un pour ce qu'il écrit, c'est l'évidence. | Priscilla Du Preez via Unsplash

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Ce week-end, j'ai appris le décès de Maître Mô.
Et j'ai pleuré.
Ce n'était pas un ami, ni même vraiment une connaissance. On ne s'était jamais rencontré. Ce n'était pas un collègue. Il était avocat. Ce n'était pas une star de mon enfance dont la mort m'aurait renvoyée à un flot de nostalgie.
Maître Mô était simplement présent sur les réseaux sociaux.
Comment le décès de quelqu'un qu'on n'a jamais rencontré peut nous toucher autant?

Je suis la première à regretter ce que sont devenus les réseaux sociaux, à ne plus supporter l'agressivité qui y règne. La disparition de Maître Mô me rappelle que c'est aussi un outil formidable. Tellement formidable qu'il a créé de nouvelles relations humaines, pour lesquelles il faudrait inventer un mot. J'avais l'impression de connaître Maître Mô. Il partageait sur Twitter ses opinions, ses fatigues, ses colères, ses blagues. Il nous parlait de la délivrance du vendredi soir. Du bonheur de l'apéro. De la sainte petite coupette. Il plaisantait sur ses trois enfants, surnommés Mômette, Petit Mô et Mônuscule. Il râlait, il se plaignait, il taquinait ses collègues et ami·es. Même sans l'avoir rencontré, il existait réellement à mes yeux. J'avais l'impression de savoir quel genre de personne il était –le genre que j'aime.

L'impression de familiarité

Il n'y a peut-être pas que les réseaux sociaux qui ont joué dans mon affection pour un inconnu qui n'en était plus un. Au départ, je l'avais découvert par son blog. Il racontait les affaires qu'il traitait et c'était bouleversant. Il écrivait bien parce qu'il écrivait avec ses tripes et sa sincérité. J'avais ensuite acheté son livre, Au guet-apens, qui reprenait ses chroniques et que je vous recommande.

Mon seul lien avec Maître Mô, c'était donc précisément ces mots qu'il postait. On peut aimer quelqu'un pour ce qu'il écrit, c'est l'évidence. Mais les réseaux sociaux y ajoutent une couche de proximité. D'abord, parce qu'on voit cette personne interagir avec d'autres. Ensuite, parce qu'il y a une régularité presque quotidienne qui entretient une forme d'intimité. Pour moi qui travaille le plus souvent seule chez moi, ces phrases que vous écrivez sur Facebook ou Twitter, résonnent comme des phrases de voisins dans un open-space. Avec Maître Mô, qui était un utilisateur régulier des réseaux depuis des années, j'avais une véritable impression de familiarité.

Et en même temps, j'en étais gênée.

Comme si on avait été dans un restau, qu'il avait été en train de rire en déjeunant avec ses ami·es et que moi j'avais été installée au bout de la table à les écouter en mangeant silencieusement et que je m'étais permise de glousser à une de leur blague. (Oui, c'est très précisément l'impression, pas désagréable d'ailleurs, que peuvent me faire les réseaux sociaux.) J'étais un peu gênée d'avoir rigolé alors que je n'étais pas de leur bande.
Il se trouve qu'il m'est arrivé d'être de l'autre côté. Parce que j'ai longtemps tenu un blog où je racontais ma vie quotidienne, des gens me disaient combien cela les perturbait d'avoir l'impression de me connaître sans que cela soit réciproque. L'aspect unilatéral de cette relation les troublait. Je comprends.

Moi, ça ne me dérangeait pas que Mô ne me connaisse pas.

Je me dis simplement que j'avais de la chance de le connaître sans le fréquenter. Sans avoir besoin d'être une collègue à lui, ou une cliente, ou d'habiter le Nord de la France.
Sans internet, je n'aurais rien su de lui.
Avec internet, j'ai l'impression d'avoir eu une relation avec lui et ce n'est pas une illusion. C'était une relation à sens unique mais ça en était tout de même une. La preuve, la force de mon émotion en apprenant qu'il était décédé.

Je pense à sa compagne et à ses enfants, bien sûr.

Et je suis heureuse d'avoir eu la chance de le connaître, sans le connaître.


Une cagnotte a été ouverte pour donner en faveur du centre Oscar Lambret de Lille qui lutte contre le cancer.

 

 

 

Ce texte est paru dans la newsletter hebdomadaire de Titiou Lecoq.

 

 

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