Société / Économie

Que faire si vous détestez votre boulot?

La démission n'est pas la seule option.

Depuis le début de la pandémie, certains se sentent coincés dans un travail qu'ils n'aiment pas. | Ashkan Forouzani <a href="https://unsplash.com/photos/uM6mfDt12Fo">via Unsplash</a>
Depuis le début de la pandémie, certains se sentent coincés dans un travail qu'ils n'aiment pas. | Ashkan Forouzani via Unsplash

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Je reçois constamment de nombreuses lettres de gens qui détestent leur travail et veulent en changer. Depuis que la pandémie a commencé, une partie non négligeable d'entre eux a l'impression d'être prise au piège. L'état du marché du travail les rend pessimistes sur leurs chances de trouver un nouveau poste et les licenciements sont si nombreux qu'ils s'inquiètent à l'idée que même s'ils décrochent un nouveau job, il ne soit pas aussi stable que celui qu'ils auraient quitté.

Je les comprends. Changer de travail peut être éprouvant pour les nerfs même dans les meilleures circonstances du monde –on ne peut jamais être sûr à 100% de ce que seront la nouvelle entreprise, le nouveau patron, les nouveaux collègues– mais si vous travaillez pour une boîte qui parvient à garder la tête hors de l'eau en ce moment, choisir de tenir bon et de rester en place peut apparaître comme le meilleur choix possible.

C'est ce qui conduit bon nombre de salariés à se sentir misérablement pris au piège, comme cette personne qui écrivait il y a quelques mois:

«Je suis en télétravail et mon entreprise dit qu'ils ne vont licencier personne mais je me sens très mal. Ça fait un moment que je suis en souffrance, je venais juste de finir un gros projet avant la pandémie, et je m'étais dit “tu tiens jusque-là et ensuite tu peux partir”. Tous les jours quand je me déconnectais du boulot, je me disais que c'était OK d'être malheureuse à ce point et je me trouvais des excuses de ne pas me donner à 100% parce qu'il y avait d'autres emplois possibles, il y avait de l'espoir et je n'allais pas tarder à sortir de là. Et maintenant, dans mon secteur il n'y a plus d'embauches et personne ne sait vraiment pour combien de temps ni quel sera l'impact de tout ça.»

Certains avaient préparé activement leur départ l'année dernière avant de devoir remettre leurs projets au moment où la pandémie a frappé. Depuis, ils se sentent coincés, comme cette personne qui avait participé à des entretiens pour rejoindre une nouvelle entreprise avant que tout ne parte à vau-l'eau:

«À la fin du dernier rendez-vous, ils m'ont dit que l'étape suivante serait la prise de contact par les RH de la boîte. Malheureusement, cet entretien s'est tenu le 13 mars juste avant que tout ne ferme dans notre région et que le confinement soit décrété. Je n'ai pas eu la moindre nouvelle de leur part depuis le mois de mars.

Je n'ai pas particulièrement envie de changer de travail au milieu d'une récession ou pire. Mon emploi actuel est très stable et je n'ai pas forcément envie de subir la pression d'un nouveau poste et celle de devoir être performant dans un rôle de consultant alors que des forces extérieures sont susceptibles de rendre tout ça encore plus difficile que d'ordinaire. Mais en même temps, si je cherchais quelque chose de nouveau, au départ, il y avait une raison.»

La peur de l'inconnu

Même hors pandémie, il n'est pas rare que l'on se sente bloqué dans un job que l'on a envie de quitter. Parfois c'est un sentiment d'obligation qui nous retient (on veut accompagner un projet jusqu'au bout, ou on se sent coupable de laisser son équipe se débrouiller toute seule), ou encore la crainte de ne pas pouvoir trouver un emploi aussi bien rémunéré ou avec autant d'avantages. Voici un témoignage venu de la lointaine époque de 2018:

«Cela fait quatre ans que je me dis que ça va s'arranger au boulot mais ça ne s'arrange pas. Mon employeur c'est n'importe quoi, il est sans cesse aux infos mêlées à des scandales, il y a des réorganisations, des licenciements sans explication à n'en plus finir, et des résultats pas terribles. À mon poste mes compétences sont sous-utilisées, je n'ai pas assez de travail pour être occupé à plein temps, et je n'ai personne pour me défendre vu que les responsables changent sans arrêt. L'ambiance est épouvantable et j'ai la sensation que ce job détruit ma confiance en moi et aspire mon énergie vitale. Et quand j'ai vraiment du travail en rapport avec ce pour quoi j'ai été embauché, ça me plaît. Malheureusement, c'est rare, alors la plupart du temps je déteste mon boulot. [...]

«Je sais que je ne trouverai pas d'autre travail dans la région aussi bien rémunéré ou avec de tels avantages.»

Ceci dit, du point de vue de la famille et de ma vie personnelle, j'ai un travail génial. Je suis très bien payé (surtout compte tenu du peu de boulot qu'on me donne), j'ai une super mutuelle, plein de vacances et de congés maladie. Et puis je suis inscrit dans le système de retraite de mon État, depuis dix-sept ans, ce qui fait que si je garde ce travail encore treize années je pourrai prendre ma retraite au bout de trente ans d'activité, à 55 ans. Et puis j'ai des horaires souples qui me permettent d'aller chercher mes enfants en primaire à l'école, d'assister aux réunions scolaires même en journée, etc. [...] Malheureusement, je sais que je ne trouverai pas d'autre travail dans la région aussi bien rémunéré ou avec de tels avantages.»

Se concentrer sur l'essentiel

Alors que peut-on faire quand on déteste son travail mais que pour une raison ou pour une autre, on sent que ce n'est pas le moment de partir? Ce qui peut aider, c'est de commencer par définir clairement les changements qui vous sont nécessaires pour que la situation vous satisfasse. Faudrait-il un patron totalement différent? Une prise de distance entre vous et un client difficile? Une charge de travail plus gérable? Un salaire plus élevé?

Tous les problèmes ne peuvent être résolus, mais se focaliser sur ce que vous voulez précisément peut vous aider à déterminer si certaines étapes sont réalisables avant d'abandonner votre situation actuelle. Trop souvent, on imagine qu'aucun changement n'est possible alors on ne demande rien. Mais parfois, une discussion directe avec votre patron peut changer pour le mieux votre vie professionnelle de façon spectaculaire –pas toujours, bien sûr, loin de là, mais assez souvent pour qu'il vaille la peine de l'envisager sérieusement.

Si vous concluez que ce qu'il vous faut pour vous rendre plus heureux ne risque pas d'arriver à plus ou moins court terme (par exemple, vous avez un patron horrible totalement rétif aux retours et qui n'a à rendre de compte à aucun supérieur, et qu'il n'est pas possible de changer d'équipe au sein de votre entreprise), alors il peut aider d'avoir vraiment les idées claires sur l'essentiel.

Y a-t-il des choses qui sont susceptibles de vous rendre la vie plus agréable jusqu'à ce qu'il vous soit possible de partir?

Vous avez choisi de rester à ce poste pour une raison, et garder cette raison bien en tête peut vous aider à endurer un travail vraiment pénible. Par exemple, si vous avez choisi de supporter une patronne odieuse ou un emploi abrutissant à cause des horaires extrêmement souples, pour booster votre CV ou (plus communément) pour le salaire, vous le remémorer régulièrement peut vous aider à vous concentrer sur vos priorités. Cela renforcera aussi l'idée que vous exercez un certain contrôle et que c'est vous qui décidez que pour le moment, c'est ce qu'il y a de plus logique à faire dans votre intérêt.

Et dans l'intervalle, y a-t-il des choses qui, sans résoudre le nœud du problème, sont susceptibles de vous rendre la vie plus agréable jusqu'à ce qu'il vous soit possible de partir? Un projet à lancer en parallèle, ou à l'inverse un projet que vous détestez et dont vous pouvez justifier qu'on vous en débarrasse, un espace de travail plus confortable? Pouvez-vous imposer plus efficacement vos limites, comme l'heure quotidienne à laquelle vous arrêtez de travailler et n'êtes plus joignable, et désactiver votre messagerie professionnelle de votre téléphone? Pouvez-vous investir davantage dans quelque chose qui vous intéresse en dehors du travail, que ce soit la famille, du bénévolat, un passe-temps ou l'apprentissage d'un nouveau savoir-faire?

Ceci étant dit, il vaut aussi la peine de remettre en question la certitude qu'il ne vous est pas possible de partir maintenant. C'est vrai que le marché du travail n'est pas reluisant, mais il y a quand même des embauches. Et oui, il peut être risqué d'intégrer une entreprise qui pourrait s'avérer moins stable que celle que vous quitteriez, mais passer des entretiens ne vous oblige en rien à accepter l'emploi qu'on vous propose. Vous pouvez vous renseigner plus avant, faire votre petite analyse de votre potentiel futur employeur, et décider ensuite –au moins, vous aurez un choix.

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