Société

«Il est très actif et voudrait du sexe presque tous les jours, comme avant»

[C'est compliqué] Cette semaine, Lucile conseille Valérie, quinquagénaire ayant perdu tout désir sexuel, mais dont le mari fait la sourde oreille.

«Quand ça commence, je n'ai qu'une envie: que ça finisse» | That's Plenty <a href="http://www.flickr.com/photos/thatsplenty/">via Flickr</a> 
«Quand ça commence, je n'ai qu'une envie: que ça finisse» | That's Plenty via Flickr 

Temps de lecture: 3 minutes

«C'est compliqué» est une sorte de courrier du cœur moderne dans lequel vous racontez vos histoires –dans toute leur complexité– et où une chroniqueuse vous répond. Cette chroniqueuse, c'est Lucile Bellan. Elle est journaliste: ni psy, ni médecin, ni gourou. Elle avait simplement envie de parler de vos problèmes. Si vous voulez lui envoyer vos histoires, vous pouvez écrire à cette adresse: [email protected].

Vous pouvez aussi laisser votre message sur notre boîte vocale en appelant au 07 61 76 74 01 ou par Whatsapp au même numéro. Lucile vous répondra prochainement dans «C'est compliqué, le podcast», dont vous pouvez retrouver les épisodes ici.

Et pour retrouver les chroniques précédentes, c'est par là.

Chère Lucile,

J'ai actuellement 55 ans. Pendant de longues années, j'ai eu la chance de partager avec mon mari des séances de sexe riches, épanouissantes, créatives et délicieuses qui m'ont toujours comblée. Malheureusement, avec la ménopause, je n'en ai plus envie. Je n'ai plus de désir physique, mais c'est surtout dans ma tête. Je n'ai non seulement plus de fantasmes mais je n'y pense plus du tout.

Mon mari le ressent bien, mais veut le sexe que nous avons toujours eu. Il est très actif et voudrait du sexe presque tous les jours, comme avant. Pour moi, ça devient un supplice. Quand ça commence, je n'ai qu'une envie: que ça finisse.

Nous en avons parlé, évidemment, et il accepte que je ne sois plus participative si lui peut continuer à jouir. Il fait des efforts et a diminué la fréquence. De mon côté, je le laisse faire car il n'y est pour rien, parce que je l'aime et parce que je veux qu'il continue à prendre plaisir… mais, pour moi, ça devient un calvaire.

Où est la frontière? Dois-je supporter par amour?

Valérie

Chère Valérie,

Non, on ne doit pas tout supporter par amour. C'est ce que les romans veulent nous faire croire depuis des centaines d'années, que l'amour n'est beau et pur que s'il est sacrificiel, douloureux et passionné. Mais la vérité, c'est que même ce postulat est biaisé. Ce qu'il dit, c'est que les femmes devraient tout supporter par amour. Et quand elles ne le font pas, elles sont sévèrement jugées pour ça.

Les hommes, de leur côté, ne supportent pas grand-chose: statistiquement, ils quittent six fois plus leur compagne quand elle souffre de longue maladie que l'inverse. Et quand il est question de ce qu'on appelle le devoir conjugal, c'est souvent dans le sens de leur plaisir et de leurs besoins supposés que le problème est posé. Heureusement, depuis 2010, le consentement du conjoint ou de la conjointe aux relations sexuelles n'est plus supposé, ce qui permet de définir la notion de viol conjugal.

Par amour, on peut laisser le dernier yaourt à la mûre à son mari ou à sa femme. Par amour, on réchauffe le lit avant que l'autre n'arrive. Par amour, on supporte un dîner de famille un peu long. Mais jamais on ne devrait s'astreindre à la disponibilité sexuelle quand, ni le cœur, ni le corps n'y sont, et surtout quand on définit soi-même ces moments comme un calvaire.

Vos raisons sont d'ordre psychologique, mais ce n'est pas parce que vous n'avez pas de justifications visibles que ce n'est pas sérieux. Vous forceriez-vous si vous veniez d'accoucher? Si vous étiez gravement malade? Si un traumatisme rendait douloureuse ou difficile la pénétration? Vous rendez-vous compte qu'accepter la relation sexuelle alors qu'elle ne vous intéresse pas est le premier pas vers des dérives plus grandes encore? Quelles seraient les raisons qui feraient que votre mari accepterait de respecter votre intégrité physique et votre consentement?

Ce qui m'ennuie, c'est que vous me demandez si vous devriez tout accepter par amour mais que vous ne présentez jamais le problème à l'envers: est-ce que, par amour, votre conjoint devrait accepter le fait que vous n'ayez plus envie de sexe pour le moment? Probablement que la contrainte serait moins forte pour lui. Et c'est une preuve d'amour et de respect d'accepter le consentement de l'autre.

Vous devez comprendre que vous avez tout à fait le droit de ne plus vouloir de sexe pour le moment. Quelles que soient vos raisons et vos justifications, l'abstinence, même quand on est en couple, est un droit. Vous ne devez rien à personne. Par contre, vous vous devez de respecter votre propre corps, vos propres limites.

Il y a une infinité de façons de prendre du plaisir en solo et votre conjoint devrait commencer à les envisager. Et si vous ne partagez plus d'intimité sexuelle pendant un temps, vous pouvez toujours partager des moments de tendresse et de complicité. Les massages sont une solution, les câlins aussi, les petits gestes et attentions au quotidien.

J'espère que vous trouverez ensemble une manière de vivre cette étape de votre vie et de votre couple de manière plus sereine et plus respectueuse de vos limites. Sinon, il faudra lui faire entendre cet argument: ce qu'il vous impose aujourd'hui n'est pas de l'amour mais bien une violence.

«C'est compliqué», c'est aussi un podcast. Retrouvez tous les épisodes:

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