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C'est sûrement un détail pour vous, mais pourtant, ça veut dire beaucoup. En octobre dernier, sur le compte Instagram de Kim Kardashian (190 millions d'abonné·es), on pouvait apercevoir la brune bimbo callipyge bras dessus bras dessous avec la blonde Paris Hilton, les deux divinement vêtues d'un ensemble jogging peau de pêche du meilleur effet.
Une mise en scène dont le but était d'annoncer le lancement imminent d'un modèle de tracksuit de la marque de Kim Kardashian (Skims), directement inspiré par celui signé Juicy Couture, qu'affectionnaient les deux femmes dans les années 2000. Souvenez-vous, un truc moulant, rose et pas hyper flatteur, qui se portait généralement avec des UGG avachies. Vous l'avez? Voilà.
Paris, le retour
Pour Paris Hilton, ce placement produit n'est évidemment pas le fruit du hasard, on nage ici en plein plan de comm'. Après des années de ringardise totale, voilà que la blonde écervelée bénéficie d'un comeback cool assez inattendu, notamment chez les Gen Z, –et cela n'a pas échappé à la businesswoman Kim Kardashian.
Mais qui se sert de qui? Sur la chaîne YouTube de Paris Hilton, dans la vidéo qui accompagnait le lancement du fameux jogging, on voit les deux stars en mode BFF à l'arrière de leur limousine. Kim parle beaucoup, évoquant leurs souvenirs communs trop sympas et tout ce qu'elle a appris de Paris, sa «mentor», tandis que cette dernière, souriante, semble perdue derrière ses lunettes roses –et dans ses pensées.
C'est la méthode Paris. Sorte de Sphinge impassible, limite Mona Lisa des années selfie, elle parle peu, ou alors pour sortir des formules toutes faites («That's hot!»). Tout glisse à la surface du personnage qu'elle a fabriqué: blond, lisse, gentil avec ses fans.
À bien y regarder, Paris, c'est un peu l'antithèse de Kim Kardashian. À 39 ans, elle est toujours la même physiquement. Quand Kim a modifié corps et visage pour muter en création totale (maquillage/retouches façon filtre Instagram, corps voluptueux et booty irréel), Paris, a contrario, semble garder le masque de ses 20 ans. Long nez qui semble d'origine, seins naturels et… absence totale de fesses. Pour peu, c'en serait presque rafraîchissant.
Kim a plein d'enfants, un mari super (euh, Kanye West), alors que Paris est nullipare et célibattante. Paris, c'est la beauté intrinsèquement américaine, une Barbie vivante flanqué de tout l'attirail: des cheveux blonds lisses, des paillettes, du rose, des arcs en ciel, des poneys (il ne manque plus que le camping-car).
Kim, c'est l'idéal d'une beauté globalisée et métissée des années 2010, qui plaît autant à Dubaï qu'à Sao Paulo. Paris, c'est un idéal féminin relativement désexualisé comparé à sa consœur Kim K., et elle est, de fait, un modèle pour nombre de petites filles. Finalement, Paris c'est un peu la gagnante de Mini Miss America qui aurait grandi. Une éternelle femme-enfant, une Marilyn aspartame.
Une amitié bien fagotée
D'après le storytelling officiel, Kardashian et Paris se sont liées dans les années 1990, Kim étant même à l'origine la styliste/assistante de l'héritière de l'empire immobilier Hilton.
Une «amitié» largement mise en scène à ses débuts par Kim, qui n'a cessé, pour devenir célèbre, de puiser dans le Paris Hilton Textbook (soit le «manuel de survie médiatique» de Paris) –une méthode éprouvée quand on ne sait rien faire de ses dix doigts à part pianoter sur un BlackBerry et s'acheter des Louboutin.
Étape 1: faire fuiter une sextape (pour Paris Hilton, cela s'est fait à l'insu de son plein gré par un ex revanchard, en 2004). Ce sera chose faite pour Kim en 2007 (ses ébats avec un obscur chanteur, tournés en amateur, ont été visionnés plusieurs millions de fois sur le Net).
Étape 2: obtenir une émission de télé-réalité à son nom. La suite est connue: c'est grâce au show Keeping Up with the Kardashians que, drivées par la mère maquerelle Kris Jenner, les filles du clan ont accédé à l'hypercélébrité.
Star au carré, mais ringardisée
Pour une nouvelle génération, née dans les années 2000, Paris Hilton et son univers rose cucul est devenue un mème. Et ses exploits période Simple Life, une source inépuisable de LOL.
Pourtant, les Gen Z n'ont pas connu cette époque (2003-2007) qui voyait la pauvre petite fille riche, flanquée de sa copine Nicole Richie (fille adoptive du chanteur Lionel) tenter de vivre comme les vrais gens devant la caméra (faire ses courses soi-même, mettre de la lessive dans le bac, ce genre).
Ils n'ont pas connu non plus ce moment pivot dans la pop culture où Paris Hilton incarnait l'alpha et l'oméga de la célébrité virale. Car Paris Hilton, c'est la proto-influenceuse. Elle existait avant le smartphone, avant les réseaux sociaux. Elle existait par et pour le reflet médiatique qu'elle renvoyait, de soirées VIP en photos de paparazzi. Toujours entre deux jets, un dressing inimaginable, un chihuahua sous chaque bras.
Paris Hilton a inventé le personal branding, ou comment faire de sa personne une marque qui se décline en produits dérivés (parfums, sacs, accessoires canins), et l'a porté à des niveaux stratosphériques. Célèbre parce que célèbre. Une célébrité au carré. En 2017, Paris Hilton clamait même carrément être l'inventeuse du… selfie. Oui oui.
Se refaire une vitrine politique
Mais aujourd'hui, dans une époque post #MeToo, dans laquelle le fond de l'air est #BlackLivesMatter, il est grand temps pour Paris Hilton de faire une petite mise à jour. Celle qui incarne le rêve américain, la rich & famous par excellence tente d'acquérir une profondeur. Oui, elle aussi a souffert de violences psychologiques lorsqu'elle était adolescente. Elle le révèle dans This Is Paris, un documentaire sorti en septembre dernier et qui cumule déjà 17 millions de vues sur YouTube.
Sur son Instagram, on la voit même, pancarte à la main, manifester devant Provo Canyon School, un établissement de l'Utah qui accueille les jeunes victimes de troubles psychiatriques, dans lequel elle a passé onze mois, envoyée par ses méchants parents.
Oui, elle a pris ses distances avec Donald Trump, un ami de la famille Hilton, qu'elle avait pourtant qualifié de «nice man» et de «sweet person». Et pour lequel elle a avoué avoir voté en 2016. En 2017, elle avait même confié à une journaliste qu'elle pensait que les femmes qui accusaient Donald Trump de les avoir agressées ne cherchaient qu'à «faire parler d'elles».
Ces jours-ci, elle est plus mesurée, regrettant que ses propos aient pu choquer, et affirmant être du côté des femmes. Dans le documentaire, elle apparaît même étonnamment articulée. Paris Hilton aurait-elle enfin trouvé sa voie? En tous cas, il semblerait qu'elle ait enfin laissé tomber son exaspérante voix de petite fille. Et c'est déjà une bonne nouvelle.