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Joe Biden et Donald Trump ne sont pas les seuls candidats à l'élection présidentielle américaine

Ils ont face à eux une trentaine de personnes, peu connues, qui ne seront pas élues mais jouent un vrai rôle dans la course à la Maison-Blanche.

Une employée du comté de Clark scanne des bulletins de vote le 20 octobre 2020 à North Las Vegas (Nevada). | Ethan Miller / Getty Images North America / AFP 
Une employée du comté de Clark scanne des bulletins de vote le 20 octobre 2020 à North Las Vegas (Nevada). | Ethan Miller / Getty Images North America / AFP 

Temps de lecture: 4 minutes

Savez-vous qui sont Howie Hawkins et Jo Jorgensen?

La campagne électorale américaine qui oppose le président sortant et l'ancien vice-président d'Obama est si violente, si excessive, si débordante, le pugilat par invectives interposées si acharné et décisif que le monde entier, y compris les États-Unis eux-mêmes, semble ignorer que lors du combat final il n'y aura pas que deux adversaires sur le ring.

Contrairement à ce que l'on peut croire lorsqu'on s'intéresse à la campagne présidentielle américaine par le biais des grands (et des moins grands) médias, Joe Biden et Donald Trump ne sont pas les seuls candidats à l'élection présidentielle américaine.

Les outsiders qui se présentent face à ces deux monstres n'ont quasiment aucune visibilité (et aucune chance d'être élus): on ne les invite pas dans les grands débats télévisés hyper-médiatisés (car la commission des débats électoraux ne sélectionne que les candidat·es ayant atteint la barre des 15% d'intentions de vote, ce qui explique pourquoi le grand public les connaît si peu, mais d'un autre côté le grand public les connaît si peu puisqu'on ne les invite pas...) et pourtant, on en compte plus de trente. On les appelle les third parties candidates, les candidat·es des partis tiers.

Sept fois plus de noms dans certains États

Cette année, les deux grand·es adversaires de Trump et Biden s'appellent Joanne Jorgensen et Howie Hawkins, et leurs colistièr·es Spike Cohen et Angela Walker. Jorgensen est libertarienne (Libertarian Party), Hawkins écolo (Green Party). Lors des élections de 2016, ces deux mêmes partis étaient déjà présents et avaient recueilli 3,3% des voix pour le premier et 1,2% pour le second, ce qui leur avait valu un total de zéro grand électeur. Il y a même cette année, pour la première fois, un libertarien à la Chambre des représentants (mais qui ne s'y représente pas).

Si le nom de Jorgensen est affiché sur tous les bulletins de vote des cinquante-et-une juridictions (les cinquante États + Washington D.C.), celui de Hawkins n'apparaît que dans trente d'entre elles (mais puisqu'il est possible d'écrire son nom sur le bulletin dans certains autres États, Hawkins est théoriquement susceptible de remporter les 270 grands électeurs nécessaires pour devenir président).

Selon l'État dans lequel vous vivez, cette année, votre bulletin pourra comporter entre trois et vingt-et-un noms de candidat·es à la présidence du pays. Pourquoi? Parce que chaque État définit les règles encadrant les candidatures et qu'elles varient de l'un à l'autre.

Il est possible d'inscrire le nom de mamie sur votre bulletin sans qu'il soit considéré comme nul.

Il existe trois catégories de candidats: ceux qui appartiennent à un parti et sont désignés par lui (comme c'est le cas pour Biden et Trump), ceux qui se présentent en tant qu'indépendants et demandent aux États d'inscrire leur nom sur les bulletins, et enfin les candidats libres, les «write-in», c'est-à-dire dont l'électorat écrit le nom sur le bulletin le jour du vote.

Trente-trois États exigent que le candidat libre s'inscrive avant le scrutin auprès des autorités électorales, neuf n'autorisent pas la pratique et tous les autres la permettent, vous laissant écrire le nom que vous voulez sur le bulletin de vote sans qu'il y ait eu inscription préalable. Il est donc possible d'inscrire le nom de mamie sur votre bulletin sans qu'il soit considéré comme nul (ne faites pas ça chez nous).

Des éléments-clés en 2016

Cette année, vous avez pourtant entendu parler d'une des personnalités qui se présentent face à Trump et Biden: le rappeur Kanye West est parvenu à faire inscrire son nom sur les bulletins de onze circonscriptions au total. Son parti s'appelle le «Birthday Party» et selon les Démocrates, son seul objectif est de siphonner des voix de Biden. Lors d'une interview accordée à Forbes, la question lui a été posée et il n'a pas nié («Dire que les Noirs votent démocrate est une forme de racisme et de suprématie blanche», a-t-il commenté).

Anecdote: en Californie, Kanye West figure sur les bulletins de vote mais en tant que candidat à la vice-présidence, ce qu'il a appris en même temps que l'électorat. C'est l'American Independent Party qui en a décidé ainsi sans que le rappeur ait donné son assentiment (d'abord ce n'est pas obligatoire, mais surtout, le parti a essayé de le prévenir –sans succès). Le candidat à la présidence s'appelle Rocky de la Fuente, et c'est le seul à avoir sollicité la nomination en tant que candidat présidentiel pour ce parti dans cet État.

 

 

La libertarienne Jo Jorgensen, enseignante en psychologie, déplore n'être pas en mesure de rivaliser sérieusement avec ses deux grands adversaires, notamment parce que son nom ne figure généralement pas dans les sondages sur les intentions de vote et que les Américain·es entendent par conséquent peu parler d'elle. Son programme tourne autour du système de santé et du rapatriement des soldats envoyés à l'étranger. Elle prône le minimum d'intervention étatique quel que soit le domaine, et affirme: «Ce que je veux dire aux Américains, c'est que c'est vous qui savez ce qui est bon pour vous.»

Quant à Howie Hawkins, selon un article du New York Times, il aurait bénéficié de la collaboration des Républicains dans certains États, qui auraient tenté de le faire inscrire sur les bulletins de vote (souvent sans succès et sans toujours le prévenir). L'objectif de cette démarche est d'aider un petit parti susceptible d'attirer l'électorat démocrate qui ne serait pas particulièrement séduit par Biden et ainsi de siphonner ses voix. Cette stratégie a déjà été utilisée lors des élections de 2016 lorsqu'un milliardaire et partisan de Donald Trump, Bernie Marcus, cofondateur de Home Depot, avait donné un coup de pouce à Jill Stein, alors candidate pour le Green Party.

En 2016, dans trois États cruciaux (le Wisconsin, le Michigan et la Pennsylvanie), le parti écologiste avait récolté un nombre de voix supérieur à la marge existant entre les deux présidentiables, Clinton et Trump. Nombre de votant·es avaient choisi une personne tierce pour exprimer un vote de protestation –et c'est Hillary Clinton qui en avait pâti. Ces petit·es candidat·es sans espoir de victoire, qui n'ont pas la force de frappe des Démocrates et des Républicains, ne comptent donc pas pour du beurre.

Retrouvez l'actualité de la campagne présidentielle américaine chaque mercredi soir dans Trump 2020, le podcast d'analyse et de décryptage de Slate.fr en collaboration avec l'Ifri et TTSO.

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