Égalités / Parents & enfants

Le nouveau congé paternité est-il suffisant pour supprimer la charge mentale qui pèse sur les mères?

Actuellement, la relation est souvent celle de manager versus assistant, où la femme est la première responsable de l'enfant et des tâches qui lui sont liées.

<em>«On a souvent l'impression que les mères, en accouchant, ont cette espèce de savoir qui leur tombe sur la tête, un instinct maternel. Mais non, la maman, tout comme le papa, ne sait pas et doit apprendre.» </em>| Larry Crayton <a href="https://unsplash.com/photos/hOiDpAZ8Pok">via Unsplash</a>
«On a souvent l'impression que les mères, en accouchant, ont cette espèce de savoir qui leur tombe sur la tête, un instinct maternel. Mais non, la maman, tout comme le papa, ne sait pas et doit apprendre.» | Larry Crayton via Unsplash

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Le mercredi 23 septembre, le président Emmanuel Macron annonçait l'allongement du congé paternité en France à vingt-huit jours, dont sept seront obligatoires. Une mesure qui devrait entrer en vigueur à partir de juillet 2021. Cette réforme s'inscrit dans l'espoir d'atteindre une plus grande égalité entre les femmes et les hommes, sur le marché du travail et au sein des foyers français.

Introduit en 2001 par Ségolène Royal, alors ministre déléguée à la Famille, à l'Enfance et aux Personnes handicapées, le congé paternité permet aux nouveaux pères de s'absenter quatorze jours de leur travail (onze jours de congé paternité cumulés aux trois jours de congé de naissance). Jusqu'à présent, les modalités de ce congé n'avaient pas changé, à l'exception de son ouverture aux couples de même sexe en 2013. Comparée à ses voisins européens, la France était à la traîne.

Partage des charges parentales

Selon Ania Plomien, professeure au sein du département d'études de genre de la London School of Economics, «la participation accrue des femmes au marché du travail doit s'effectuer en parallèle d'une hausse de celle des hommes au sein du foyer, afin que leurs mondes deviennent égaux». Un partage des tâches équitable pourrait donc mener à un modèle plus égalitaire dans le monde du travail.

Certaines études démontrent que l'arrivée d'un enfant est un facteur déterminant qui renforce les inégalités entre les hommes et les femmes. Par conséquent, la contribution du père aux diverses tâches domestiques et parentales à la naissance d'un bébé est parfois vue comme un tremplin qui pourrait mener à une égalité au sein du couple sur le long terme. Le congé paternité pourrait alors être un outil décisif.

Alors que le rapport Les 1.000 premiers jours préconisait un congé paternité (second parent) de neuf semaines (soit soixante-trois jours), qui pourrait être pris de manière flexible, les annonces officielles ont révélé que le nouveau congé ne durerait que vingt-huit jours, dont sept jours obligatoires, sans mentionner le caractère flexible de celui-ci.

Pour Nadege Dazy, consultante freelance sur les questions d'égalité professionnelle, de parentalité égalitaire et d'éducation non-stéréotypée, il s'agit «d'une bonne nouvelle sur beaucoup d'aspects: sur la question du développement de l'enfant, sur celle de l'égalité au sein des familles, mais également dans le monde professionnel. C'est un bon premier pas qui va dans une direction favorable. Néanmoins, ce n'est évidemment pas suffisant pour réellement faire changer les mentalités et les rôles sociaux de sexe».

Seuls 67% des pères utilisent le congé paternité

Actuellement, seulement 67% des pères utilisent leur congé paternité –un chiffre qui a peu évolué depuis 2001. Ce pourcentage dissimule de fortes inégalités sociales, ainsi que la pression parfois exercée sur ceux qui ont un emploi précaire pour ne pas prendre ce congé. Le rapport Les 1.000 premiers jours le confirme: moins de 60% des pères en CDD jouissent de leur congé paternité.

Selon Nadege Dazy, le caractère obligatoire du congé paternité en France est nécessaire pour que tous les pères puissent s'investir pleinement dans les tâches domestiques et parentales à l'arrivée de leur enfant. Être présent les premiers jours de la vie d'un nouveau-né permet la création d'un lien durable entre le parent et l'enfant. Pendant ce temps-là, le père «acquiert des réflexes, et prend les mêmes habitudes que la maman. Il apprend à s'occuper de l'enfant et à tenir ce petit être. On a souvent l'impression que les mères, en accouchant, ont cette espèce de savoir qui leur tombe sur la tête, un instinct maternel. Mais non, la maman, tout comme le papa, ne sait pas et doit apprendre», explique l'experte.

Le congé paternité qui sera mis en place dès l'été prochain pourrait-il mener à un partage des tâches équitable au sein des couples? Pour Nadege Dazy, le nouveau congé est trop court. «Certes, il durera vingt-huit jours, mais si on ne prend en compte que le caractère obligatoire, il n'est que de sept jours», souligne-t-elle. Pendant ce court laps de temps, le père partage généralement les tâches avec sa compagne. Mais cette égalité s'inscrit-elle sur la durée?

Responsabiliser les pères

Selon certaines études, le congé paternité, parce qu'il est utilisé dans des circonstances extraordinaires, ne permet qu'une égalité temporaire. En effet, il est habituellement pris juste après la naissance de l'enfant, et permet alors au père (ou second parent) d'aider la mère le temps qu'elle se remette de son accouchement.

La courte durée du congé, cumulée au fait que les deux parents sont présents en même temps dans le foyer, instaure une relation «manager-assistant», dans laquelle les mères sont les premières responsables de l'enfant et des tâches qui lui sont liées, tandis que les pères agissent comme des auxiliaires qui exécutent ce qui leur est demandé.

Ainsi, même si les pères se consacrent plus aux tâches ménagères et aux soins familiaux le temps de leur congé paternité, ils ne deviennent souvent pas responsables de ces activités pour autant. La charge mentale repose toujours sur la mère. De plus, la courte durée du congé paternité actuel ne permet pas au père de développer un sentiment de responsabilité face aux tâches parentales et domestiques. Le partage de celles-ci a donc tendance à s'estomper, une fois le travail repris.

«Il est important que le papa, à un moment, soit en charge totalement, sans que la mère ne soit là.»
Nadege Dazy, consultante sur les questions d'égalité professionnelle

Malheureusement, l'allongement du congé paternité à vingt-huit jours ne permettra probablement pas d'instaurer un moment privilégié au cours duquel le père se retrouve seul avec son enfant, la mère étant dans l'obligation d'utiliser au minimum six semaines de son congé maternité après l'accouchement.

Or, pour Nadege Dazy, «il est important que le papa, à un moment, soit en charge totalement, sans que la mère ne soit là». Ce moment seul avec le nouveau-né permettrait au père d'avoir davantage confiance en lui, et donc «d'avoir une meilleure, une réelle, répartition des tâches, et plus simplement une aide du papa». Comme le suggère le rapport Les 1.000 premiers jours, la possibilité de fractionner son congé paternité pourrait être une solution. En effet, le père pourrait utiliser son congé de façon flexible, comme c'est le cas dans certains pays nordiques, et se retrouver seul avec son enfant à la maison.

Accompagner le congé paternité d'autres mesures

Le congé paternité peut-il, à lui seul, parvenir à instaurer une répartition égale des tâches parentales et ménagères au sein d'un couple? Pour Nadege Dazy, «une seule action, c'est-à-dire ici allonger le congé paternité, ne peut pas complètement changer les choses. On est dans une société patriarcale qui existe depuis des centaines et des centaines de siècles, on a des rôles genrés, on a des biais inconscients, et ça, ça ne va pas changer du jour au lendemain». Selon elle, il est nécessaire d'opérer des changements plus significatifs, et «d'intégrer cette mesure dans une politique plus intégrale de genre et d'égalité femme/homme».

Il faudrait notamment s'atteler à déconstruire les stéréotypes de genre, accompagner les entreprises, réformer la prise en charge de la petite enfance en France, par exemple en ouvrant davantage de places en crèche, et modifier le congé parental qui actuellement peut se demander jusqu'à trois ans après l'arrivée de l'enfant. Extrêmement mal rémunéré (jusqu'à 397,20 € par mois), ce congé est très peu utilisé par les pères. En effet, dans 94% des cas il est pris par les mères et seulement à 6% par les pères. Reste à savoir si l'Élysée se prononcera sur la réforme du congé parental et du système de la petite enfance.

Malgré son enthousiasme en voyant que les choses commencent à bouger, Nadege Dazy rappelle qu'il ne faudrait pas que l'annonce de l'allongement du congé paternité fasse simplement l'effet «d'un coup de communication». Selon elle, il est temps que de réels changements structurels opèrent pour parvenir à une parentalité partagée sur la durée.

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