Société / Culture

Freeze Corleone ou la petite mafia de l'antisémitisme

[BLOG You Will Never Hate Alone] Je me contrefous de savoir si Freeze Corleone est un rappeur de génie ou un charlatan de chanteur.

J'ignore comment un individu versé dans le maniement des mots peut être amené à chanter de pareilles ignominies. | Capture d'écran <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uM0dQd9VUW4">via YouTube</a>
J'ignore comment un individu versé dans le maniement des mots peut être amené à chanter de pareilles ignominies. | Capture d'écran via YouTube

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On ne transige pas avec l'antisémitisme comme d'ailleurs avec toutes les autres formes de racisme. On n'essaie pas de renverser les rôles afin que l'auteur de paroles nauséabondes finisse par apparaître comme une victime. On n'essaie même pas d'expliquer ou de nuancer en cherchant à justifier l'injustifiable. Surtout on ne part pas dans de grands discours où par mille détours, avec mille précautions de langage, on tente de trouver des circonstances atténuantes à ces saillies ordurières.

En toute honnêteté, je me contrefous de savoir si Freeze Corleone est un rappeur de génie ou un versificateur des plus médiocres. Tout comme je me contrefous de connaître son parcours personnel, ses origines ou ses obsessions intimes. Pour tout dire, je suis fatigué de tous ces atermoiements quand il s'agit de dénoncer des paroles qui à elles seules disqualifient à tout jamais leur auteur, paroles dont je n'ai même pas envie ici de dresser l'inventaire tant elles s'abreuvent au puits de l'abjection la plus féroce.

Face à l'antisémitisme, cette maladie mentale qui ensanglante le genre humain depuis la nuit des temps, il faut être d'une implacable sévérité. Ne rien céder, ne rien retrancher à sa sainte colère, ne rien atténuer par peur de stigmatiser un genre musical qui serait le chant de révolte d'une certaine jeunesse aux abois.

Rester absolument inflexible, si vaillant dans son indignation que rien ni personne ne pourra jamais la remettre en cause tant il est vrai que de se servir de l'antisémitisme pour dire sa colère ou son sentiment d'injustice constitue non seulement une impasse mais aussi une obsession mortifère.

C'est l'histoire qui nous conjure d'agir de la sorte, c'est elle qui nous supplie de ne pas baisser la garde, c'est elle encore qui nous somme de nous lever quand certains s'autorisent des rapprochements odieux et fanfaronnent sur les génocides d'hier, quelle que soit leur nature. Trop de sang a été versé, trop de crimes ont été perpétrés, trop de tragédies se sont déroulées pour qu'on en vienne à analyser le pourquoi du comment, cette rationalité de l'antisémitisme qui n'existe pas, qui n'a jamais existé et qui jamais n'existera.

Jamais nous ne flancherons dans cette tâche qui est la nôtre. Jamais vous ne nous verrez baisser notre garde. Jamais nous ne demanderons à notre raison d'attendrir cette rage qui est en nous, cette soif de justice, ce besoin de tranquillité, cette aspiration à vivre sans craindre pour notre vie ou celle de nos proches. Jamais vous ne vous jouerez de nos peurs, de nos faiblesses, de nos divisions. Nous sommes ceux qui restent et notre responsabilité est tellement grande que plus jamais vous ne nous prendrez en défaut.

J'ignore comment un individu versé dans le maniement des mots, la joliesse de la langue française, la palpitation du langage, peut être amené à chanter de pareilles ignominies. J'ignore ses intentions, si c'est de la provocation ou un aveu d'adhésion, une simple nécessité rythmique ou l'expression d'une conviction intime. J'ignore tout des raisons qui l'ont poussé à de telles extrémités et à dire vrai, de ces raisons si jamais elles existent, je m'en moque complètement.

Je ne suis ni psychiatre, ni assistante sociale et encore moins exégète dans les tendances musicales contemporaines dont je suis l'actualité de très loin. Je sais seulement une chose: jouer avec la mémoire de millions de personnes mortes dans les conditions que l'on sait m'oblige, nous oblige devrais-je dire –le genre humain dans son ensemble– à être d'un pointillisme inflexible, d'une sévérité exemplaire totalement détachée des contingences de notre époque ou du parcours des individus incriminés: il n'existe pas d'antisémitisme pas plus que de racisme acceptables.

C'est à ce prix que nous parviendrons à éviter la prochaine catastrophe.

Il n'existe pas d'autre remède.

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